Mercredi, les forces de sécurité autrichiennes ont évité un bain de sang. Lors du premier ou du deuxième des trois concerts de Taylor Swift prévus à Vienne, le principal suspect, âgé de 19 ans, avait l'intention, selon les autorités, de se tuer lui-même et de tuer le plus grand nombre de personnes possible devant le stade à l'aide d'armes blanches et d'une bombe.
Heureusement, lui et un autre suspect ont pu être arrêtés avant d'avoir mis leur plan à exécution. Par mesure de sécurité, les trois concerts à Vienne ont été annulés, mercredi soir, par l'organisateur.
Les deux extrémistes présumés avaient prêté serment d'allégeance à L'Etat islamique. Les adolescents s'inscrivent ainsi dans une évolution inquiétante. De plus en plus de jeunes sont recrutés par l'Etat islamique (EI). Selon CNN, au moins deux tiers des personnes arrêtées en Europe au cours des neuf derniers mois étaient des adolescents liés à l'EI.
Ceci notamment parce que le recrutement en ligne semble être orienté vers ce groupe cible. Comme dans le cas du jeune homme de 19 ans soupçonné de terrorisme à Vienne. Selon les autorités, les réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important à la fois dans la radicalisation et dans la planification.
L'expert en terrorisme Peter Neumann a déclaré à CNN:
Selon lui, cette stratégie présente toutefois un avantage décisif: un jeune de 13 ans n'est généralement pas soupçonné d'être un terroriste.
D'apèrs Franz Ruf, directeur général de la sécurité publique, les communications des malfaiteurs se font généralement sous forme cryptée. De cette manière, il a été possible de contourner la surveillance de routine de la lutte contre le terrorisme. Ces derniers mois, les propos tenus sur les forums en ligne ont de plus en plus souvent conduit à de véritables attentats. Depuis 2022, le nombre d'attentats et d'attaques planifiées par l'EI a quadruplé.
Selon les données de l'armée américaine, les effectifs de l'EI étaient de 2500 combattants en avril. Ce n'est qu'une fraction des quelque 40 000 combattants qui suivaient autrefois l'EI, mais c'est plus du double de ce qu'ils étaient encore en janvier. Dans ce contexte, l'organisation terroriste profite également de la guerre brutale que mène Israël à Gaza contre le Hamas et les populations palestiniennes, bien qu'elle se tienne à l'écart du conflit. Plus la guerre se prolonge, plus les extrémistes de l'EI se renforcent en Irak et en Syrie.
L'EI ne s'intéresse pas à la guerre de Gaza. Contrairement aux Houthis au Yémen ou au Hezbollah au Liban, l'organisation n'a pas mené d'attaques contre Israël ni d'actions violentes présentées par l'EI comme un soutien au Hamas. Comparé à d'autres groupes radicaux de la région, l'EI «n'a réagi que lentement aux événements de Gaza», explique Osman Bahadir Dincer du groupe de réflexion Bicc à Bonn.
Les prises de position sur la guerre de Gaza ressemblent à des exercices obligatoires, a déclaré Dincer à CH Media, éditeur de watson. Cette retenue s'explique aussi par le fait que les relations de l'EI avec le Hamas «ne sont pas très étroites et sont même parfois hostiles». Ce point est souvent négligé en Occident. «Le Hamas est l'EI», a certes déclaré le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou après le déclenchement de la guerre de Gaza.
Il a toutefois ignoré des différences importantes. Les deux groupes sont certes des organisations islamiques radicales sunnites, mais le Hamas vise à établir un Etat palestinien en résistance à l'occupation israélienne. L'EI veut créer un «califat» transnational et méprise, en outre, le Hamas parce que le groupe palestinien accepte l'aide de l'Iran chiite.
Au plus fort de sa puissance, l'EI a contrôlé de vastes régions d'Irak et de Syrie en 2014 et 2015, attirant des dizaines de milliers d'extrémistes du monde entier. Depuis lors, une alliance de guerre internationale dirigée par les Etats-Unis a tué plusieurs chefs de l'EI. Il y a cinq ans, le «califat» des djihadistes a perdu la dernière parcelle de terre qu'il contrôlait.
Les combattants survivants de l'EI se sont retirés dans le désert syrien. Ils s'y reforment. Le représentant de l'ONU pour la Syrie, Geir Peddersen, a déclaré devant le Conseil de sécurité à New York que le monde devait s'unir contre la menace terroriste croissante dans le pays en guerre civile. Mais rien de tel n'est visible.
Des groupes comme l'EI ont «profité du mécontentement suscité par la perception de l'inaction des pays musulmans et arabes et du soutien sans équivoque de l'Occident à Israël», explique Dincer.
Mais lorsqu'il s'agit de choisir des cibles pour des attentats ou des attaques, l'EI montre «que son centre de gravité stratégique est plus la lutte contre les gouvernements locaux et l'affirmation du contrôle territorial que la confrontation directe avec Israël», poursuit Dincer. Parmi les principales cibles de l'EI figurent les troupes gouvernementales syriennes.
En Syrie et en Irak, l'EI peut frapper plus fort parce que les milices pro-iraniennes attaquent les troupes américaines stationnées sur place et que l'Amérique peut donc moins s'occuper de l'EI. Il y a quelques jours seulement, plusieurs soldats américains ont été blessés lors d'une attaque à la roquette menée par des combattants pro-iraniens contre leur base dans l'ouest de l'Irak.
Les tensions entre les Arabes et les Kurdes alliés des Etats-Unis dans le nord-est de la Syrie aident également l'EI. La pauvreté et l'oppression exercée par le régime syrien et les seigneurs de guerre locaux donnent également le vent en poupe aux extrémistes.
Dincer, expert du Proche-Orient, estime que les djihadistes, malgré le regain d'intérêt suscité par le conflit de Gaza, s'en tiendront fondamentalement à leur stratégie consistant à exploiter les dysfonctionnements locaux à leur profit. Cela ne signifie pas pour autant que l'EI se limite exclusivement à la Syrie et à l'Irak. Récemment, les extrémistes ont tué six personnes dans un attentat contre une mosquée chiite à Oman.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)