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On a amené de l'aide pour l'Ukraine et il y a eu un problème

Comment des douaniers «tellement cons» m'ont empêché d'aider l'Ukraine

A l'occasion des fêtes de fin d'année, notre journaliste a tenté de faire passer de l'aide humanitaire de l'autre côté de la frontière. Et il a découvert ce dont souffrent de nombreux Ukrainiens: une bureaucratie impitoyable.
28.12.2024, 08:18
Kurt Pelda, Kiev / ch media
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En Ukraine pour Noël
Un hôpital ukrainien a reçu un générateur financé par des dons suisses.Image: Raimond Lüppken

Que faire lorsque votre interlocuteur hésite à accepter un cadeau de Noël? Lorsque les obstacles bureaucratiques gâchent le plaisir d'offrir? Nous sommes au poste frontière ukrainien de Diakovo et attendons le passage de la douane.

Alors que pour les voyageurs «normaux», le contrôle s'effectue en général rapidement, l'entrée de l'aide humanitaire prend elle un peu plus de temps. Nous voyageons avec deux véhicules, dont l'un ira à une organisation d'aide médicale à Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine.

A l'intérieur, six grands cartons remplis du matériel de perfusion, des seringues et des pansements. Il y a aussi un vieil autoclave pour la stérilisation d'instruments médicaux - tous des dons en provenance de Suisse. L'association caritative suisse Hilfswerk Ukraine nous a transmis les documents d'importation, que nous présentons maintenant au bureau des douanes pour vérification.

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La paperasse avant tout

Comme toujours à Diakovo, les humanitaires et les chauffeurs de camion doivent attendre dans une antichambre imprégnée d'une odeur d'urine. Les passages répétés de la femme de ménage dans les toilettes d'à côté n'y changent rien.

L'odeur nauséabonde fait tout autant partie des formalités que l'attitude généralement aigrie des agents frontaliers. Protégés du froid et de la puanteur par une porte, les douaniers travaillent dans un bureau bien chauffé.

En Ukraine pour Noël
La voiture qui sera offerte, dans une station-service ukrainienne.Image: Raimond Lüppken

L'un des chefs veut maintenant voir ce que nous transportons comme marchandises. Le douanier ne jette qu'un coup d'œil superficiel à l'un des six cartons, le contenu ne l'intéresse pas du tout. Ce qui l'interpelle, c'est uniquement que les cartons ne soient pas mentionnés dans la déclaration de douane - et l'autoclave non plus. J'essaie de lui expliquer la situation dans mon ukrainien approximatif:

«Ils sont pourtant destinés à un hôpital de Kramatorsk»

Mais il s'en fiche. Pour le bureaucrate, seuls les documents officiels comptent.

En attendant Godot

Un collègue arrive. Le traitement qui nous est réservé semble le gêner. Il téléphone à l'organisation ukrainienne en question. Il résout la situation en quelques minutes et la déclaration de douane devient tout à coup une simple formalité. Nous patientons donc dehors, au soleil. Sur la voie d'en face, un minibus transportant des Ukrainiens qui veulent rejoindre la Roumanie. Leurs papiers ne sont apparemment pas en règle, eux aussi se retrouvent à attendre.

Trois heures plus tard, les Ukrainiens sont toujours là. Ma patience a atteint ses limites et j'appelle l'organisation humanitaire pour leur demander ce qui se passe. En Ukraine, l'administration publique s'est largement numérisée. Mais on m'explique que le site au nom pourtant prometteur de «Diia» («action» en ukrainien) est justement hors ligne.

Diia correspond à l'abréviation ukrainienne de «l'Etat et moi». A défaut d'agir, l'Etat nous tape sur les nerfs. Finalement, impossible d'effectuer la «petite formalité», la mise à jour de la déclaration donc, dans un délai raisonnable.

Je parle à nouveau avec le chef et lui explique que je vais retourner en Roumanie pour offrir tout le matériel médical à la première clinique venue. Mais le douanier ne se laisse pas attendrir. Il se trouve en effet à environ 1100 kilomètres du front et n'a pas grand-chose à faire de nos perfusions. Il nous rend nos passeports et notre déclaration dans un silence lourd.

Le reporter de guerre Kurt Pelda en route pour Jampil, un territoire conquis à l'est de l'Ukraine.
Kurt Pelda en Ukraine: il est reporter de guerre et travaille pour CH Media, l'éditeur de watson.

«Avec la drogue et l'alcool, aucun problème»

Au poste-frontière voisin, les fonctionnaires roumains ne font pas de cadeau à leurs collègues ukrainiens:

«Ils sont tellement cons, vous venez les aider, et ils n'ont rien de mieux à faire que de vous mettre des bâtons dans les roues»
Un douanier roumain qui s'exclame en anglais

Et un autre, plus âgé, d'ajouter: «Avec la contrebande de drogue et d'alcool, aucun problème, mais pour l'aide humanitaire, c'est une autre histoire».

A Halmeu, le premier village roumain, je demande conseil à la pharmacie. L'homme derrière le comptoir est serviable: «Vous êtes déjà le deuxième dans ce cas», me dit-il.

«Il y a peu, un Autrichien est venu, les Ukrainiens ne l'ont pas non plus laissé avec son matériel de secours»

Le sympathique pharmacien résout rapidement notre problème et nous présente quelques minutes plus tard au médecin local. «Il soigne une région d'environ 10 000 habitants et est très reconnaissant de votre don». Et c'est ainsi que les quelque 100 kilos de matériel et l'autoclave finissent leur course en Roumanie plutôt que dans la zone de guerre près de Kramatorsk.

Désormais, la déclaration de douane pour un véhicule vide est correcte, et quelques minutes plus tard, on tamponne nos papiers à la douane ukrainienne.

Ralentissement de l'avancée russe

Une maigre consolation nous permet ensuite d'oublier un peu ce fiasco: des centaines de kilomètres plus à l'intérieur du territoire, sur l'autoroute en direction de Kiev, un policier surgit soudain de l'obscurité sur un passage piéton. Il brandit un bâton rouge. Je roulais alors à environ 110 kilomètres à l'heure, et j'ai failli l'écraser.

Mais, il semble que je sois en tort. A du passage piéton justement, la vitesse est limitée à 50 km/h à cet endroit. «Vous rouliez un peu trop vite», évalue l'agent en demandant mes papiers.

Lorsque je lui montre la carte grise zurichoise, il découvre le cachet des gardes-frontière. Et lit ensuite la déclaration de douane. Il comprend que le véhicule est pour une œuvre caritative. Son visage s'éclaircit. Il veut juste s'assurer qu'il n'y a pas d'armes dans le coffre. Puis il nous remercie de notre aide et nous laisse repartir.

Sur le long chemin vers Kiev, nous retrouvons Bogdan, un officier qui combat dans la région russe de Koursk et qui passe de courtes vacances chez lui. Nous l'avions rencontré lors d'un reportage précédent. Bogdan a le teint gris et l'air épuisé. Il raconte les attaques russes de drones et d'artillerie. Son unité a également vécu ses premiers combats contre des soldats nord-coréens.

«Ils ont très peur et ne sont pas d'une grande aide pour les Russes jusqu'à présent»
Bogdan, un combattant ukrainien

La situation reste néanmoins globalement difficile. Même si les gains territoriaux russes en Ukraine ont diminué par rapport à novembre, passant d'environ 25 kilomètres carrés par jour à seulement 16 kilomètres carrés. L'arrivée de l'hiver y a sans doute contribué, tout comme le
retrait forcé de nombreux avions de combat russes vers des bases de l'arrière-pays
. Moscou tente ainsi de protéger ses engins au sol contre les attaques de drones de fabrication ukrainienne et contre les offensives de Kiev avec des missiles occidentaux. Parallèlement, les Ukrainiens annoncent une baisse notable des attaques aériennes avec des bombes planantes russes.

Des groupes électrogènes au cas où

Peu avant Kiev, un immense marché de Noël très éclairé clignote à côté de l'autoroute. Sur le parking à côté, on remarque des centaines de voitures. La scène semble surréaliste, car autour, on dirait que tout a été plongé dans le noir. La rapidité des techniciens ukrainiens pour réparer les dommages des opérations russes sur les infrastructures énergétiques nous surprend toujours.

En Ukraine pour Noël
Juste avant Noël, à Kiev.Image: Raimond Lüppken

Le Musée national du cinéma ukrainien, installé dans une ancienne usine de films soviétique, a quant à elle reçu un cadeau de Noël d'un genre particulier. Grâce aux dons helvétiques, l'association Swiss UAid a pu se procurer 53 génératrices diesel. Elles ont été acheminées à Kiev et Odessa pour être redistribuées. Cette fois-là, aucun souci à la douane, et Olena Hontcharuk, la directrice du musée et de la cinémathèque, peut désormais se réjouir: fini les pannes de courant.

En Ukraine pour Noël
Olena Hontcharuk, directrice du Musée national du cinéma, se réjouit d'un groupe électrogène offert par des Suisses.Image: Raimond Lüppken

Mais au-delà de l'aspect culturel, ces groupes électrogènes sauvent parfois des vies dans les hôpitaux de guerre des régions proches du front, souvent privées de courant. Ils garantissent l'alimentation des appareils médicaux et de l'éclairage pendant les opérations.

Adaptation française: Valentine Zenker

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Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
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L'Ukraine utilise des leurres plus vrais que nature
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