Depuis dix mois, on n'a plus aucune trace de Nikita Chovkolenko, 25 ans, et les proches du soldat ukrainien veulent savoir ce qui lui est arrivé. Leurs recherches, complexes et laborieuses, n'ont guère donné de résultats. La frustration se tourne donc de plus en plus vers les institutions et le commandement militaire.
Un dimanche après-midi de fin octobre à Odessa: dans la rue Derybasivska, très fréquentée, des manifestants se rassemblent, comme presque toutes les semaines. Ce jour-là, ils sont environ 200.
Sur des bannières, ils portent les visages de leurs proches à la vue de tous. Avec des pancartes, ils rendent notamment hommage aux soldats de la brigade Azov. Après la lutte acharnée pour l'aciérie du même nom près de Marioupol, de nombreux membres sont toujours prisonniers de guerre russes.
Oksana Rotscheld, la mère de Nikita Chovkolenko, s'est également mêlée aux manifestants. Cette femme de 46 ans porte l'uniforme militaire de son fils. Sur celui-ci est inscrit «Kot», son surnom. Ses bottes sont visiblement trop grandes pour elle.
Avec plusieurs amies, elle tient une banderole en l'air. Elles veulent montrer au public les visages et les noms de ceux qui, dans la 33e brigade mécanisée, défendent une Ukraine libre au prix de leur vie.
Inga Chovkolenko, la femme du disparu, se souvient d'une parole de son mari selon laquelle leur fils devrait grandir sous un «ciel sûr». Un ciel qui ne serait pas traversé régulièrement par des missiles balistiques et des drones russes pour attaquer des cibles dans la ville portuaire.
Jusqu'au 24 février 2022, la famille a mené une vie heureuse, comme le décrivent la mère et la belle-fille. «C'était bien, fantastique», affirme Inga Chovkolenko, 26 ans.
Mais cette vie a pris fin avec l'attaque russe contre l'Ukraine. Nikita Chovkolenko s'est porté volontaire pour défendre son pays dès le premier jour. Au bout d'un an et demi, il a pris la tête d'une unité de la 33e brigade. Il n'est pas revenu d'une mission effectuée le 10 décembre 2023 dans le cadre de la contre-offensive sur le front sud près de Zaporijjia.
Comme beaucoup d'autres. Au début de l'année 2024, l'Ukraine parlait de plus de 8000 Ukrainiens prisonniers de la Russie, dont 1600 civils. Ce chiffre devrait être encore plus élevé aujourd'hui.
Pour les deux membres de la famille, l'attente d'informations devient un véritable calvaire. Depuis décembre, ils n'ont reçu que des informations lacunaires, disent-ils.
Un survivant de l'opération et d'autres camarades de la brigade leur ont au moins appris ce qui s'est passé pendant la nuit:
Elle considère cet ordre comme un «acte criminel».
Le groupe aurait été touché par une grenade, et à partir de là, tout devient flou. La seule personne à être revenue était trop traumatisée pour donner des détails. Nikita semblait inanimé. Mais personne n'a encore confirmé sa mort à la famille. «Maintenant, c'est 50/50. Même si c'est moins, je continuerai à espérer», affirme la femme de 46 ans. Et d'ajouter:
Sa belle-fille, Inga Chovkolenko, ne veut pas non plus imaginer le pire:
A cela s'ajoute le fait qu'ils n'ont reçu que peu d'informations de la part des autorités. «Le gouvernement ne fait rien», critique la jeune femme de 26 ans, qui déplore le manque d'efforts de Kiev.
La frustration est également dirigée contre la Croix-Rouge internationale qui, de son côté, n'obtient pas un accès complet aux prisonniers de guerre. Jusqu'à présent, le CICR n'a rendu visite qu'à 3500 prisonniers de guerre des deux côtés.
Les inquiétudes de la famille ont d'abord été minimisées. Avec le temps, l'impression que l'Ukraine ne se préoccupait guère du sort de leurs proches s'est renforcée dans leur esprit:
Au fil des mois, la mère et la femme de Nikita se sont mises en réseau avec d'autres personnes concernées. Un de ces groupes sur les réseaux sociaux compte aujourd'hui plus de 700 membres. Comme les pétitions adressées au Parlement et à la présidence sont restées sans résultat, tout comme les rencontres avec les institutions gouvernementales compétentes, Inga Chovkolenko et les autres proches se sont désormais adressés à la Commission européenne.
Mi-octobre, ils ont fait descendre 3000 personnes dans les rues de Kiev pour une manifestation. Ce travail de réseau a pour elle un caractère thérapeutique. «J'ai trouvé une nouvelle mission», dit la jeune femme de 26 ans à propos de son engagement.
Ils ne veulent en tout cas pas abandonner l'espoir que Nikita Chovkolenko soit encore en vie. Grâce à la médiation du Qatar, l'Ukraine a récemment reçu des listes de soldats disparus et des lettres de prisonniers de guerre adressées à leurs proches. Il arrive régulièrement que des soldats disparus réapparaissent vivants, parfois même lors d'échanges de prisonniers avec la Russie.
Mais même en captivité en Russie, les Ukrainiens ne sont pas protégés contre les crimes de guerre:
Entre décembre et février, la Mission onusienne avait parlé à 60 prisonniers de guerre récemment libérés.
Selon les défenseurs des droits de l'homme, les méthodes de torture comprenaient par exemple des chocs électriques, des coups ou des exécutions fictives. Plus de la moitié d'entre eux ont été soumis à des violences sexuelles, selon HRMUU. L'organisation a en outre évoqué des «allégations crédibles» d'au moins 32 exécutions pour cette seule période.
Pour la famille de Nikita Chovkolenko, il y a pourtant encore une lueur d'espoir. «Le 13 avril, le téléphone portable de Nikita était connecté au réseau cellulaire - dans les territoires occupés», raconte Inga.
Traduit et adapté par Chiara Lecca