Le commerce de produits alimentaires coupés, frelatés ou contrefaits représente un business de plusieurs milliards de dollars. Et il est généralement admis qu'une grande partie des fraudes alimentaires ne sont jamais détectées. Certains produits alimentaires sont particulièrement vulnérables en raison de leur rentabilité. Voici quelques exemples:
Si l'on regarde les statistiques, le wasabi est peut-être l'aliment le plus souvent contrefait. Selon le magazine en ligne Business Insider, on estime qu'aux États-Unis, seul 1% du wasabi proposé est authentique. Ce n'est guère mieux au Japon, où seuls 5% seraient véritablement du wasabi.
Dans la plupart des pays, il n'existe pas de directives juridiquement contraignantes concernant le terme «wasabi». Tant que les ingrédients sont correctement indiqués, il est légal de vendre quelque chose comme «prepared wasabi», même si ce n'est que du raifort.
Dans le cas du véritable wasabi, les rhizomes frais doivent être râpés et consommés en quelques minutes pour conserver leur puissance. Comme la demande dépasse de loin l'offre et qu'il s'agit de l'un des légumes les plus difficiles à cultiver commercialement, on atteint volontiers des prix au kilo dépassant largement les 300 francs.
En règle générale, on peut partir du principe que si l'on ne voit pas une vraie tige de wasabi être râpée devant soi, il ne s'agit pas de vrai wasabi.
L'argent est bien sûr la principale motivation lorsqu'il s'agit de fraude alimentaire, et le caviar – l'un des aliments les plus chers au monde – a toujours été une cible intéressante pour les faussaires alimentaires. Il y a déjà eu plusieurs cas retentissants de falsification d'œufs d'esturgeon: la manière la plus commune est de colorer des œufs de poisson moins chers.
Ce n'est certainement pas le premier aliment qui vient à l'esprit, mais le lait est l'un des aliments les plus contrefaits au monde, selon la Food Fraud Database. La plupart du temps, il suffit d'ajouter de l'eau pour augmenter la quantité et donc le profit.
Mais il y a aussi eu des cas dangereux de contamination intentionnelle, comme le scandale de 2008 en Chine, où du lait pour bébé n'a pas juste été dilué avec de l'eau: de la mélamine a été ajoutée pour augmenter la teneur en azote, et donc le faire apparaître plus riche en protéines. Ce lait frelaté a entraîné la maladie de dizaines de milliers de nourrissons et la mort de six d'entre eux.
Sorry to break it to you, mais vos frites à la truffe bien chics n'en contiennent pas du tout. Zéro. C'est simple: il n'y a tout simplement pas assez de truffes dans le monde pour produire les énormes quantités d'huile de truffe que l'on trouve aujourd'hui dans tous les supermarchés du monde. Le goût de ces «huiles de truffe» est exclusivement produit en laboratoire et il est constitué d'un composé synthétique à base de pétrole appelé 2,4-dithiapentane.
Les vraies truffes sont chères et rares et ont besoin de conditions très particulières pour se développer. Elles sont récoltées par quelques chasseurs de truffes discrets (ou plutôt par leurs chiens) qui gardent leurs zones truffières strictement secrètes.
Les véritables truffes blanches d'Alba, par exemple, atteignent des prix exorbitants lors de ventes aux enchères spéciales de truffes.
Les truffes noires sont désormais cultivées avec un certain succès et 80% des truffes faciles à trouver proviennent de telles fermes – mais là aussi, il faut jusqu'à six ans avant de pouvoir les récolter. Les tentatives de culture des truffes blanches, plus chères, ont toutefois échoué jusqu'à présent.
Il n'existe qu'un seul fromage qui peut être légalement appelé Parmigiano Reggiano et qui est protégé par le statut DOC (Dénomination d'origine contrôlée). Mais en dehors de l'Europe, l'appellation «parmesan» peut être utilisée pour tout fromage au lait de vache ayant un certain type de croûte et de texture.
Même cette définition, bien plus souple, n'est pas à l'abri de la fraude – surtout lorsqu'il s'agit du fromage déjà râpé. En 2016, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux a enquêté sur l'entreprise Castle Cheese de Pennsylvanie et a découvert que son «100% Real Parmesan» contenait du cheddar, de l'emmental, de la mozzarella et même des copeaux de bois. Une raison de plus de renoncer au fromage déjà râpé!
Non, pas de homard entier – ce serait une véritable prouesse. Mais des enquêtes dans le monde entier révèlent régulièrement qu'il y a peu ou pas de homard dans de nombreux plats à base de homard tels que la bisque de homard, ou des raviolis au homard.
Une enquête menée en 2013 dans 28 restaurants américains a révélé que 35% des plats de homard contenaient des substituts moins chers, comme du merlan. L'origine des homards est aussi sujette à la fraude: un exemple est cet importateur sud-coréen qui, en 2017, a vendu des homards pêchés aux États-Unis en les faisant passer pour la version canadienne, plus chère.
Malheureusement, la pêche en général est un secteur qui contient beaucoup de pratiques douteuses, notamment pour le poisson préemballé et préparé (par exemple pané), mais aussi les filets achetés en supermarché.
Une enquête menée au Royaume-Uni en 2019 a révélé que certains poissons panés vendus sous des noms génériques tels que cabillaud et bar étaient en réalité des espèces de requins protégées. Aux États-Unis, une étude de 2018 a révélé que 87% des poissons étiquetés Red Snapper (Vivaneau rouge) n'avaient rien à voir avec cette espèce.
Le poisson faussement déclaré est généralement vendu à environ 60% du prix du vrai poisson, ce qui fait artificiellement baisser les prix et porte donc préjudice aux commerçants et aux poissonniers – et alimente en outre la crise écologique causée par la surpêche.
Le véritable sirop d'érable est fait à partir de sève d'érable qui est cuite longtemps afin de concentrer le sucre et les arômes naturels. Malheureusement, certains fabricants ajoutent du sirop de maïs, du colorant caramel ou d'autres additifs pour imiter la texture et le goût du sirop d'érable. Pour être sûr d'obtenir du sirop d'érable 100% pur, il faut vérifier sur l'étiquette le grading system (= classification), qui va de A (ambre clair) à D (foncé), et d'éviter les produits dont la liste d'ingrédients ne comporte pas «sirop d'érable».
On appelle cela le «honey laundering» (une allusion au «money laundering», c'est à dire le blanchiment d'argent): les fabricants utilisent du sirop de maïs, de la betterave sucrière ou du saccharose pour diluer du miel véritable, ou ils modifient chimiquement le sucre pour imiter le miel d'abeille.
Un cas célèbre a été l'opération Honeygate en 2013, lorsque le ministère américain de la justice a inculpé deux importateurs de premier plan pour avoir transporté du miel chinois contrefait ou falsifié à travers d'autres pays afin d'éviter les droits de transport et de ne pas révéler son origine.
Le safran est l'épice la plus chère au monde – il n'est donc pas surprenant qu'il ait toujours été l'un des ingrédients les plus contrefaits ou falsifiés, parfois mélangé à de la glycérine, de la poudre de bois de santal, du sulfate de baryum et du borax, et coloré à la tartrazine. Les filaments intacts sont toutefois beaucoup plus difficiles à contrefaire que le safran en poudre.
Extrait de vanille? Sucre vanillé? Glace à la vanille?
Au lieu de cela, ils utilisent des arômes synthétiques – ou des arômes naturels qui peuvent être obtenus à partir des glandes des castors. Sans oublier les colorants, les conservateurs et les édulcorants artificiels. Même certains produits qualifiés d'extrait de vanille «pur» ou «naturel» ne contiennent pas forcément 100% de gousses de vanille. Cela vaut la peine de lire attentivement l'étiquette!
Olio extra vergine. Extra virgin olive oil. Huile d'olive vierge extra. On entend par là la version de l'huile d'olive qui est la moins transformée: les olives sont broyées en une pâte et pressées à froid afin d'en extraire l'huile. Cela a bien sûr un prix. Sa valeur économique élevée la rend vulnérable aux fraudes, avec de nombreux cas d'huiles mal étiquetées ou diluées (soit avec des huiles d'olive de qualité inférieure, soit avec des huiles totalement différentes) et d'huiles d'olive avec de fausses indications géographiques.
En 2019, pas moins de 150 000 litres d'huile d'olive vierge extra contrefaite ont été saisis après une enquête menée en Italie et en Allemagne. Avec la hausse des prix de ces dernières années, les cas de fraude et de faux étiquetage de l'huile d'olive auraient atteint un niveau record dans l'UE.
Tout comme le Parmigiano Reggiano ou le Champagne, le véritable vinaigre balsamique de Modène est protégé par une appellation d'origine légalement reconnue.
Il doit sa consistance sirupeuse et son goût intense à sa maturation en fûts de chêne – et si l'étiquette indique «aceto balsamico tradizionale», cette maturation doit durer au moins 12 ans. Et s'il porte l'étiquette «extra vecchio», elle dure carrément 25 ans.
En conséquence, le véritable vinaigre balsamique traditionnel est si cher qu'il est servi au compte-gouttes. Une seule bouteille de 100 ml peut coûter jusqu'à 125 francs. La production dans la région est limitée à environ 8000 litres par an.
Et pourtant, le vinaigre balsamique est omniprésent dans chaque foyer. Ceci parce qu'il n'est certainement pas «tradizionale» – et très probablement même pas de Modène ou de Reggio Emilia. Le vinaigre balsamique qui ne porte pas la mention «tradizionale» est un mélange de vinaigre de vin et de moût de raisin, produit à partir de raisins sans origine particulière et qui ne mature que quelques mois dans des fûts en bois ou en acier. Les variantes les moins chères, étiquetées par exemple «Balsamico Style», sont fabriquées uniquement avec du vinaigre, colorées et aromatisées pour donner l'illusion de l'authenticité. Là encore, il faut lire l'étiquette et la liste des ingrédients!
Il n'est pas trop difficile de couper du café de qualité supérieure avec du café de qualité inférieure ou de carrément le faire passer pour un produit de qualité supérieure et de le vendre ainsi à un prix plus élevé. Le café moulu est particulièrement vulnérable, car son apparence, sa texture et sa couleur sont faciles à copier. On trouve régulièrement des cas de cafés – y compris ceux destinés aux gourmets – qui sont coupés avec des grains de céréales, du sucre brun, du maïs grillé, du papier parchemin et même des brindilles.
Comme le café, le thé est sujet à la contrefaçon, car la texture et l'odeur des feuilles séchées et moulues sont relativement faciles à copier. De plus, il est particulièrement difficile pour les clients de remarquer la contrefaçon lorsque les feuilles de thé sont emballées dans des sachets de thé. Le US Congressional Research Service a indiqué que le thé est souvent coupé avec des feuilles d'autres plantes, des additifs colorés et de la sciure de bois colorée.
Plus précisément: le poivre noir moulu. Comme pour le café, il est presque impossible de distinguer à l'œil nu la différence entre le vrai poivre et les additifs non autorisés sous forme de poudre. Dans le verre du poivrier se cachent des ingrédients comme l'amidon, le sarrasin, la farine, le millet – et même des brindilles. Les graines de papaye sont fréquemment utilisées comme substituts. Elles sont déjà difficiles à différencier à l'œil nu, et une fois moulues, les différences ne sont visibles qu'au microscope.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci