Midi n'a pas encore sonné à l'exquise cathédrale de Chester, ce vendredi 7 juin, lorsque les premiers pointent le bout de leurs coiffes à plumes. Depuis des heures déjà, le petit peuple s'agglutine contre les barrières soigneusement dressées. Les rues sont bouclées, la sécurité rodée, les caméras braquées, les journalistes aux aguets. Tout est prêt pour le mariage le plus mondain de l'année. Celui de l'ex-célibataire le plus convoité du Royaume-Uni.
Ne vous fiez pas aux dires de ses amis, qui le décrivent comme un «gars a priori normal», «très authentique» et pourvu d'un «véritable amour de la terre». Si Hugh Grosvenor est certainement un chic type, il est aussi et surtout à la tête d'une fortune estimée à quelque 10 milliards de livres.
Une fortune qui comprend notamment un empire immobilier tentaculaire, d'innombrables investissements commerciaux et une collection d'œuvres d'art à faire pâlir les historiens les plus grincheux de la planète. Active dans le développement immobilier à Londres depuis 1720, la société familiale possède plus de 1500 propriétés à travers 60 pays. Un portefeuille bien garni dont Hugh a hérité à seulement 24 ans, en 2016, après la mort brutale de son père d'une crise cardiaque.
La famille Grosvenor est très très riche et très très noble depuis très très longtemps. Ses membres sont capables de remonter leur arbre généalogique jusqu'à l'an de grâce 1066. Faites-en autant et vous découvrirez peut-être que vos ancêtres nettoyaient des fontaines ou récuraient les écuries. Précisions en outre que Hugh Grosvenor n'est pas n'importe quel jeune aristo britannique. Filleul du roi Charles III himself, c'est un bon copain des princes William et Harry. Il est d'ailleurs parrain de deux de leurs fistons, George et Archie.
Ce n'est pas pour autant qu'«Hughie», de son petit nom, aime se la raconter. Farouchement discret, le jeune trentenaire n'a jamais fait la Une du Daily Mail ou de l'Evening Standard pour de potentielles frasques à l'ordre public. A l'exception d'une extravagante fête d'anniversaire à 5 millions de livres comprenant 800 invités à l'occasion de ses 21 ans, le personnage est plutôt... sobre. Pour ne pas dire boring.
Us n'est pas coutume, ce duc assis sur des milliards travaille pour gagner son pain. Depuis sa plus tendre enfance, ses parents se sont échinés à lui inculquer la «valeur des choses» en l'envoyant à l'école publique. Comme disait son défunt père:
Quand il ne pratique pas le tir au pigeon sur l'un des innombrables domaines familiaux ou met en œuvre une énième œuvre de charité, «Hughie» est donc employé au service comptable de Bio-Bean, une entreprise qui transforme les déchets de marc de café en biocarburants pour les voitures et les camions.
Sa femme, elle, n'est pas moins discrète. Olivia Henson, sorte de Kate Middleton 2.0, sans une goutte de sang bleu dans les veines, travaille pour sa part dans une entreprise alimentaire haut de gamme à Londres, Belazu. On n'en sait guère plus. Sinon que la future duchesse de Westminster est passionnée par «la santé, la nutrition, l’environnement et le développement durable», et qu'elle a rencontré son duc par l'intermédiaire d'amis communs, il y a deux ans.
Vous avez compris: on a connu plus punk que ces deux tourtereaux frais comme des cardons. Ce qui n'a pas empêché tout le gratin aristocratique du pays de se bousculer pour assister à leurs noces. La liste d'invités a failli déclencher, à elle seule, une véritable guerre civile. Sans parler d'aggraver celle entre Harry et William.
En effet, Hugh Grosvenor fait partie des oiseaux rares à avoir maintenu des liens avec les deux frères ennemis. Le duc de Wesminster s'est donc retrouvé confronté à une perspective plutôt glaçante: celle d'un fratricide. On a connu meilleur souvenir de mariage que celui d'un prince mort étouffé, la tête dans la tourte montée, sous les yeux des autres invités.
Pour pallier à tout risque, Hugh et Harry auraient donc convenu par téléphone que le duc de Sussex reste en Californie. «Une entente entre les deux amis», résume le Times.
Parmi les autres grands absents, mentionnons également le roi Charles, de retour de France après les commémorations du D-Day, et la princesse Kate, qui poursuivent tous deux leur traitement contre un cancer.
C'est un prince William quelque peu esseulé qui s'est glissé au milieu des 400 convives, ladies, lords, contes et comtesse, personnalités et grandes fortunes britanniques, sur les bancs de la Chester Cathedral, pour un service religieux «personnel» et raccourci, en langue anglaise moderne. Les invités ont eu du bol: à peu de choses près, ils ne coupaient pas à la cérémonie anglicane traditionnelle - un rituel en vieil anglais datant de 1662.
A 12h00, enfin, la voilà. La mariée. Indifférente au vent balayant sa traîne de deux mètres et son voile en crêpe de soie. Sitôt le pied posé hors de la Bentley vintage, Olivia Henson suscite les glapissements et les halètements enjoués des curieux amassés devant l'église.
A 13h30, le prince William en tête de file, les convives émergent. A peine troublés par les tentatives d'agitation de deux membres du groupe «Just Stop Oil», sur le parvis de l'église. Deux femmes qui, selon les témoins, camperaient sur place depuis 5h30 du matin. Les glaces gratuites distribuées par le couple à tous les habitants de Chester, pour s'excuser de l'inconfort des rues bloquées et de la circulation ralentie, n'ont manifestement pas suffi à les amadouer.
Encore plein d'énergie après cette cérémonie éclair, les convives prennent la route de la suite des festivités. Direction le domaine familial d'Eaton Hall, fief de la famille Grosvenor depuis les années 1400. Une vaste demeure seigneuriale aux faux airs de château français, où les draps sont brodés de la lettre «W» et les jardins anglais pourvus de labyrinthe, comme dans le film Saltburn.
Peu d'indices ont filtré quant à la fête privée qui attend les 400 convives. L'automne dernier, les médias britanniques misaient sur une sorte de garden-party «ringarde» et un peu plan-plan. Mais c'est mal connaître les Grosvenor en coulisses.
Prometteur. Si l'on sait seulement, à ce stade, que les invités se verront servir de la tarte au citron, une chose est sûre: on trépigne déjà que le magazine Tatler se glisse entre les robes en satin et les costumes queue-de-pie, pour découvrir si le mariage le plus mondain de l'année... s'est également avéré être le plus ringard.