Pourquoi le prince George a-t-il été affublé de shorts jusqu'à l'âge de 8 ans? Pourquoi le prince William ne porte-t-il jamais son alliance? Comment manger un épi de maïs sans les dents, mais avec dignité? A-t-on le droit de grignoter ses frites avec les doigts? Autant de questions sensibles, mais ô combien existentielles, dont William Hanson détient la réponse.
Car ce fringuant Britannique est devenu la référence en matière d'étiquette et de bonnes manières. Quand il n'enseigne pas à un businessman zurichois ou à une princesse indienne comment manipuler sa fourchette, le maître glisse quelques bons conseils à ses 4 millions d'abonnés, Instagram et TikTok confondus.
@williamhansonetiquette Although perfectly acceptable in being used to hold a sweetcorn while cutting, it is in fact improper to use sweetcorn skewers to hold the vegetable in front of you and knaw! #dining #etiquette #williamhanson ♬ Sweet but Psycho - Ava Max
Dans quelle noble famille a bien pu naître ce British aux cheveux soigneusement gominés et au teint plus laiteux qu'une cuillère de clotted cream, pour devenir le nouveau gourou des têtes couronnées?
Aucune, figurez-vous.
Preuve vivante qu'il n'est pas nécessaire d'être issu de l'aristocratie anglaise pour bichonner ses manières, notre homme a grandi dans une famille «tout à fait classe moyenne» de Bristol, entre une maman employée chez House of Fraser et un papa dans l'immobilier. «Nous avions un style de vie confortable, même si ce n’était pas Downton Abbey», précise l'expert au Daily Telegraph. Même s'il, reconnait volontiers que:
Il n'a que 12 ans lorsque sa grand-mère lui glisse entre les mains Le Nouveau guide de Debrett sur l'étiquette et les manières modernes de John Morgan, un ouvrage archaïque mais non dépourvu d'humour. C'est à force de s'entendre demander par son aïeule «s'il a bien lu la section sur le découpage des asperges» qu'il finit par le lire. Ce qu'il y découvre le régale autant qu'il l'intrigue.
Un passe-temps pour le moins inhabituel pour un adolescent de 16 ans au 21e siècle, mais qui lui vaut d'attirer l'attention d'un de ses professeurs du Clifton College. Pourtant, William n'a jamais mentionné explicitement sa passion pour l'étiquette. Peut-être est-ce parce qu'il a troqué son «abominable» cravate en polyester, contre un modèle identique en soie?
Reste que l'enseignant lui propose de dispenser un cours à de jeunes étudiants sur l'art de dresser une table. «C'était probablement un peu bizarre, mais j'étais content», admet-il à la correspondante londonienne de Libération. En particulier de l'opportunité de sécher un cours de gym.
C'est une révélation. Après avoir brièvement envisagé de devenir archevêque de Cantorbéry, William a trouvé son truc: il deviendra expert en étiquette. «De toute façon, je n'ai aucun autre talent», ricane l'élégant Britannique, à l'humour impertinent et à la posture aussi droite qu'une nappe bien repassée.
Sa carrière est lancée. Magazines et télévisions se ruent avec appétance sur son illustre savoir. Entre deux podcasts, fréquemment en tête des classements Apple et Spotify, William Hanson publie des guides et alimente son compte Instagram. Pour «une raison quelconque», souligne avec ironie son site internet, il rafle même deux records du monde Guinness pour l'étiquette, en 2012 et 2019.
Mais c'est son institut, The British Manner, auquel William consacre la plupart de son temps. Ses clients? VIP, super riches, diplomates, hommes d'affaires, ambassades, écoles, collèges, multinationales et maisons royales. Un exemple? Cet employé d'une grande banque, pris en flagrant délit par ses supérieurs en train de manger ses petits pois... avec un couteau. «On ne peut pas le laisser faire ça», s'alarme un responsable RH, avant de faire appel au maître du savoir-vivre.
Ou encore, en mars dernier, ce stage à Zurich auprès d'une société de capital-investissement, où chacun a le droit se vêtir comme il l’entend. Jusque-là, génial, exit le costume-cravatte. «Mais en réalité, ils n’ont pas de règles», soupire l'expert au magazine Vanity Fair. Au moment de se rendre à un événement avec code vestimentaire, «deux d'entre eux sont arrivés très mal habillés par rapport à ce qu'ils auraient dû porter. C'était embarrassant».
Heureusement, William Hanson est là pour éviter ce genre de pépins. Comment bien choisir ses vêtements, saluer ses collègues de travail, payer la facture ou se rendre aux toilettes lors d'un dîner? Il sait tout. Si bien qu'il a également prêté ses lumières comme consultant en étiquette sur des tournages de film, comme la comédie romantique américaine Red, White & Royal Blue. Et voilà qu’au moment de recréer le petit-déjeuner au palais de Kensington... C'est le clash.
«Si nous voulons le faire bien, le pain grillé sera carré et aura les croûtes coupées. Il ne faut pas qu’il ait l’air d’avoir été servi dans un grille-pain dans un Premier Inn», justifie-t-il.
Des ratés, hélas, William Hanson en remarque tous les jours. Y compris sur le tournage pourtant très scrupuleux de la série The Crown. Il est notamment scandalisé par une scène durant laquelle l'actrice Claire Foy, qui incarne Elizabeth II, massacre ses scones (prononcez: «scooones» avec un «o» ouvert et non fermé). «Ils l’ont filmée en train de couper un scone, ce qui est un énorme non-non», grogne l'expert.
En parlant de la famille royale, lui est-il arrivé de conseiller la vraie? s'enquiert fiévreusement un journaliste du Telegraph. La réponse tombe, sèche et nette: «Je ne peux pas parler de ça». La discrétion, règle fondamentale du savoir-vivre.
Ah, et au passage! S'il vous arrive de déguster un afternoon tea au Ritz ou sur le domaine d'un ami au sang bleu, voici la méthode pour savourer le célèbre petit pain: il est interdit de le trancher au couteau. C’est avec la main que vous devez l'ouvrir délicatement en deux, horizontalement, avant d'y étaler la confiture de fraise (toujours) et la fameuse clotted cream.
Autre conseil? Le petit doigt levé en buvant son thé, c'est pour les manants. Auriculaire et annulaire doivent rester collés. La méprise remonterait à la cour du roi Louis XIV.
Ce signe permettait d’informer discrètement de potentiels prétendants. Les domestiques et la bourgeoisie, qui n'étaient probablement pas au courant de cette technique, ont répandu la pratique dans les classes populaires.
Si tout cela vous semble absurde et confus, pas d'inquiétude: l'important, selon William Hanson, n'est pas tant de respecter l'étiquette à la règle que de s'adapter au contexte. Son credo? Parfois, il faut enfreindre les règles de l’étiquette pour être plus poli. «Si je vais chez quelqu'un qui a mis la table et que c'est un peu mal fait, je ne le lui ferai pas remarquer. Tant que l'on connaît les bonnes manières et que l'on sait quand les utiliser, tout va bien.»
Ah, et si vous vous le demandiez... Quand il est seul à la maison, même William Hanson relâche un peu la pression. Il va jusqu'à admettre qu'il mange devant la télé, bouffe sur les genoux. Nous voilà presque rassurés.