«Le virus de la finale», «La France en finale avec le fâcheux virus», «Le virus a-t-il infiltré les Bleus?», «Niang et Charbonnier inquiets à cause du virus», «Varane et Konaté touchés par le virus», «Le virus et les Bleus: l'hécatombe». A quelques heures du dernier round de la Coupe du monde au Qatar (dimanche à 16 heures), c'est lui qui est aux commandes. Lui, aussi, qui a empoigné la plume pour écrire un gros morceau de l'Histoire. Plus encombrant que la pression d'avant-finale et plus menaçant que Messi, il passionne les foules.
Il? «Le Virus». Pas un virus, mais LE virus. Un mal mystérieux dont personne n'ose prononcer le nom, mais qui est sur toutes les lèvres de France et surtout le front d'une poignée de Bleus.
Depuis quelques jours, les artilleurs de Didier Deschamps tombent comme des mouches, alors qu'ils n'ont posé encore aucun crampon sur le champ de bataille. Fièvre, maux de tête, essoufflements, courbatures. Certains auraient même vomi. Tous sont terrassés par la fatigue.
C'est désormais une évidence: «Le Virus» s'est invité au Qatar, entre la tension et les derniers entraînements. Qui est-il? Que veut-il? Pourquoi les Bleus? La plupart des victimes sont confinées en chambre et les rescapés rasent les murs. Jusqu'ici, Kingsley Coman, Dayot Upamecano, Ibrahima Konaté et Raphaël Varane, au moins, ont été frappés par la malédiction.
Surtout que «Le Virus» semble disposer de plusieurs armes à son ceinturon: «Ce n'est pas similaire pour tous les joueurs», précisait encore Hugo Lloris (sans vraiment préciser), lors de la traditionnelle conférence de presse d'avant-finale, samedi matin.
Le synopsis est digne des grands films catastrophes. Le verbe est grave et la trame, dramatique. On croit revivre Contagion ou Alerte!, mais en maillots et cuissettes. Personne ne sait grand-chose sur «Le Virus», mais on entend parler que de lui. Etant donné que la Fifa n'impose pas de tests durant la Coupe du monde, le flou boursoufle le mystère et les hypothèses les plus folles s'entrechoquent: variant Covid inconnu? Simple grippe? Rhume de climatisation? Coup de froid? Coup du sort? Maladie inconnue? Laquelle?
Samedi matin, l'ancien préparateur des Bleus franchissait une nouvelle frontière dans le storytelling à l'américaine:
Dans la journée, certains médias sont allés jusqu'à invoquer le «virus du chameau». Un nom exotique pour une dramaturgie encore renforcée. Au Moyen-Orient, on l'appelle aussi la «fièvre du chameau». Il fait partie de la famille des coronavirus et enregistre 30% de mortalité. «Un simple contact avec des chameaux peut suffire.» On raconte même qu'il s'est immiscé dans la branlée que la Nati s'est prise contre le Portugal.
Et on croit rêver.
Samedi en fin d'après-midi, tout le contingent français s'est finalement retrouvé sur la pelouse d'entraînement. Ouf de soulagement? Bof. L'entourage reste «inquiet», «préoccupé», «sur ses gardes». Certes, accueillir un coup de froid généralisé à l'orée d'un sacre qu'on désire plus que tout, c'est la guigne. C'est même un cauchemar pour tout sélectionneur qui tente de bichonner le onze parfait.
Mais quand «Le Virus» éclipse jusqu'à la stratégie envisagée par Didier Deschamps pour ramener la Coupe à la maison, il menace aussi d'intoxiquer jusqu'au résultat final. Dimanche, sur le coup des 17h50, il ne faudrait pas que «Le Virus» justifie à lui seul une éventuelle déconfiture.
Comme au cinéma: à trop vouloir dramatiser l'intrigue, on décrédibilise le crime. Et coudre trop longtemps cette histoire de fil blanc, c'est prendre le risque de priver les Bleus d'une victoire méritée ou d'une défaite justifiée. Les fausses excuses sont aussi contagieuses que les vrais virus.