De loin, on pourrait croire à des champs de blé. Mais non, la vaste étendue jaunâtre n'est autre que la pelouse des terrains de football de Colombier (VD), dans la commune d'Echichens. «Elle est grillée», confirme le syndic, Philippe Jobin. En cause, évidemment, la sécheresse qui touche la Romandie depuis plusieurs semaines, couplée à l'interdiction d'arrosage.
Problème: les footeux, grands et petits, reprennent gentiment le chemin des terrains pour préparer la nouvelle saison, dont les premiers matchs officiels auront lieu le week-end des 20 et 21 août. Difficile d'imaginer jouer au football sur un tel «gazon». «Si cette sécheresse dure, je ne sais vraiment pas comment on va pouvoir faire», s'inquiète Michel Cruchon, président du FC Echichens.
Son club est l'un des deux pensionnaires des terrains de Colombier, avec le FC Pied du Jura. En plus de ces deux pelouses, il utilise deux autres surfaces de jeu à Echichens. Mais seul le terrain principal bénéficie d'une exception communale pour être arrosé. «On ne pourra pas y faire jouer nos 16 équipes et 300 joueurs dessus, d'autant plus qu'il ne possède pas d'éclairage», anticipe le boss échichanais.
Michel Cruchon espère de la pluie, évidemment, histoire de voir les pelouses reverdir, mais aussi un petit coup de pouce des autorités:
Néanmoins, les espoirs du président du FC Echichens risquent d'être douchés – malgré la pénurie d'eau – rapidement. «Ce sera impossible d'arroser les quatre terrains», coupe Philippe Jobin.
Un raisonnement d'autant plus légitime que l'atmosphère est déjà tendue. «J'ai été sollicité à plusieurs reprises par des privés qui m'ont demandé qui leur rembourserait leur gazon fichu», fait savoir le syndic. «L'exception de l'arrosage du terrain principal a déjà agacé plusieurs habitants», complète Michel Cruchon.
Alors quelles solutions pour les deux terrains très mal en point de Colombier? Philippe Jobin et la municipalité d'Echichens en ont trouvé une à court terme:
Une décision qui ménagera, certes, la pelouse mais qui rend difficile la tenue de matchs de préparation, à cause des risques de blessures liés à un équipement inadapté (semelles lisses et donc glissantes).
Même si elle n'est pas idéale, la situation actuelle n'affole pas pour autant le syndic. «On a déjà anticipé ce scénario il y a trois semaines, en discutant avec l'entreprise qui s'occupe de l'entretien des terrains», rembobine-t-il. Il enchaîne:
Dès lors, il faudra compter quelques semaines de repos pour les pelouses et prévoir un ajustement du calendrier (matchs repoussés ou joués à l'extérieur, par exemple).
Colombier n'est pas le seul village de la Côte dont les terrains de football ont été grillés par une météo très peu généreuse en pluie. Jean Marc Sordet, président du FC Bursins-Rolle-Perroy, est aussi en discussion avec les autorités des communes qui hébergent son club. «J'espère obtenir une dérogation pour arroser les pelouses des installations de Rolle et Perroy», avoue-t-il, en précisant que pour le gazon de Bursins (VD), il n'y pas de problème puisqu'il bénéficie de l'eau du Léman. Comme d'autres, le président craint les conséquences si l'eau ne vient pas rapidement, du ciel ou d'un tuyau, peu importe:
Jean Marc Sordet peut légitimement, lui, clamer que l'herbe est bel et bien plus verte chez le voisin. Parce qu'à une quinzaine de kilomètres de chez lui, un peu plus à l'ouest, son homologue Olivier Goncerut n'a pas eu à se poser toutes ces questions. Loin de là. «Nos terrains sont magnifiques, et les entraînements ont repris», fanfaronne le président du FC Gingins.
Comment s'explique un tel privilège, alors que certains autres clubs du coin sont autant en difficulté? «On a la chance de pouvoir utiliser le réseau d’eau agricole du Syndicat d'arrosage de Nyon et environ (Sane)», se réjouit-il. Mais ce n'est pas pour autant que le président ginginois est épargné par les soucis. Depuis le début du mois, il doit faire face à un inquiétant et mystérieux problème: «On a constaté à au moins trois reprises des dégâts causés au système d'arrosage de nos terrains, qui ont notamment créé une inondation», déplore-t-il, sans vouloir donner les détails des dommages. Et Olivier Goncerut a sa petite idée:
Olivier Goncerut insiste: ce ne sont que des soupçons. «Mais s'ils sont confirmés, je regrette profondément que ces individus ne sachent pas faire la différence entre le système agricole dont nous bénéficions, qui a une vocation professionnelle et dont l'eau n'est pas potable, et le réseau normal.»
Les terrains synthétiques pourraient représenter une alternative si les pelouses en herbe naturelle venaient à s'assécher régulièrement. Mais pour éviter une température trop élevée du revêtement, et donc un gros inconfort, il faudra également les arroser...
Bref, on l'aura compris, un peu de pluie fera du bien à tout le monde. Et notamment pour refroidir quelque peu les esprits!