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Nati: la Super League ne forme pas assez de jeunes Suisses

Switzerland's head coach Murat Yakin is disappointed after losing the penalty shoot-out of the quarter final match between England and Switzerland at the Euro 2024 soccer tournament in Duesseldor ...
Murat Yakin et le foot suisse seront-ils victimes d'une pénurie de jeunes talents? Image: keystone

Un sérieux danger menace la Nati

Le sélectionneur Murat Yakin (ou son successeur) a de quoi se faire du souci pour l'avenir, dans un domaine en particulier.
19.09.2024, 06:05
Sebastian Wendel / ch media
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Il y a moins d'un an, Daniel Stucki mettait en garde au FC Bâle:

«ll ne sert à rien, pour notre club, que nos juniors deviennent professionnels à Saint-Gall ou à Lucerne. Le chemin vers le haut, vers la première équipe, doit être ouvert»

A l'époque, Stucki était chef de la relève du club rhénan. Depuis, il a été promu directeur sportif de la première équipe. L'été dernier, aucun junior n'a réussi à intégrer le contingent professionnel bâlois. En revanche, le FCB a rappelé Xherdan Shaqiri et engagé sept étrangers durant le premier mercato chapeauté par Stucki.

Ses paroles de décembre 2023 n'étaient-elles alors que du vent? Ou les transferts bâlois ne portent-ils pas la signature de Daniel Stucki, ce dernier se contentant d'exécuter des ordres venus d'en haut? Ou alors Bâle ne forme-t-il pas des juniors aptes à la Super League?

Stucki parle toutefois de Leon Avdullahu, qui est titulaire chez les pros depuis cet hiver. Et affirme que Roméo Beney et Junior Zé, deux jeunes formés au club, ont eu leur chance mais ne l'ont pas saisie jusqu'à présent. Le directeur sportif complète:

«Ce n'est pas comme si deux ou trois joueurs réussissaient chaque année à passer de la relève à la première équipe. Seuls les talents particuliers y parviennent. Et souvent, cela ne se fait pas non plus du jour au lendemain.»
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Leon Avdullahu (à droite), l'exception bâloise.Image: keystone

Pourtant, on ne peut pas dire que le FC Bâle laisse tomber les jeunes. Environ 50% de toutes les minutes de jeu du FCB durant la saison 2023/24 ont été disputées par des professionnels de moins de 23 ans – de loin la meilleure valeur de Super League.

Mais les joueurs de moins de 23 ans qui ont un passeport suisse n'ont participé qu'à un cinquième de ces 50%.

D'autres exemples: au FC Saint-Gall, qui revendique pourtant son ancrage local, seuls trois joueurs du contingent sont des autochtones. Parmi eux, Corsin Konietzke (18 ans): il est le seul en âge de jouer avec les M21. De son côté, GC est actuellement en procès avec son jeune joueur Florian Hoxha (23 ans): le défenseur suisse a été exclu du cadre professionnel parce que le club a engagé à son poste Noah Persson, un jeune Suédois de 21 ans qui a été recalé à YB.

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Corsin Konietzke, le seul jeune joueur local au FC Saint-Gall.Image: keystone

Ce constat peut être étendu à l'ensemble de la Super League: le pourcentage de minutes jouées par de jeunes professionnels augmente de saison en saison et constitue désormais un record en Europe.

En revanche, les minutes accordées aux talents suisses diminuent de manière spectaculaire depuis 2019.

En 2023/24, il y avait en moyenne 3101 minutes de jeu par club pour les joueurs autorisés à jouer avec la Nati M21 ou des sélections suisses plus jeunes. Autrement dit: moins de 10% des minutes de jeu totales par club.

Oui, la Super League est bel et bien une ligue formatrice. Mais les clubs forment les mauvaises (comprendre: les footballeurs étrangers) personnes – du moins si l'on considère que les futurs joueurs de la Nati font, en principe, leurs premiers pas professionnels en première division suisse.

Au lieu de jeunes Suisses, la plupart des minutes de jeu vont à des Français, des Portugais ou des Africains.

Ces pays forment-ils en contrepartie de jeunes Helvètes à grande échelle? Bien sûr que non. Pourquoi le feraient-ils?

Des millions à la poubelle

L'Association suisse de football (ASF) est consciente du problème. «Cette tendance ne nous plaît pas», a récemment déclaré Patrick Bruggmann au Tages-Anzeiger. Bruggmann est le directeur du développement du football au sein de l'association. Il déplore, en regardant cette baisse de temps de jeu des jeunes joueurs suisses en Super League:

«Soit les directeurs sportifs suivent une toute nouvelle ligne, soit nos jeunes joueurs ne sont peut-être pas assez bons»

Ce qui aurait pour conséquence qu'un club recrute un étranger à la place de chercher (et de trouver) dans sa propre relève.

Die Spieler vom Grasshopper Club Zuerich im ersten Training waehrend der Corona-Pandemie auf dem GC Campus in Niederhasli, aufgenommen am Montag, 11. Mai 2020. (KEYSTONE/Ennio Leanza)
GC a un campus, mais peu de ses juniors parviennent à rejoindre la Super League.Image: KEYSTONE

C'est absurde si l'on considère les sommes que les clubs investissent dans la relève. Partout, il s'agit de millions, soit une grande partie du budget total. Mais dans la pratique, l'envie de se qualifier pour une Coupe d'Europe avec des joueurs étrangers est plus forte que celle de promouvoir réellement les jeunes. L'augmentation de la ligue de dix à douze équipes, qui a réduit le risque de relégation pour chaque club, n'a rien changé à cette situation.

CH Media, le groupe auquel appartient watson, s'est entretenu avec plusieurs entraîneurs juniors de clubs professionnels suisses. Ils souhaitent rester anonymes, à leur demande ou sur ordre de leurs employeurs. Trois points reviennent souvent:

  • Les jeunes talents suisses sont généralement jugés par leur club sur leurs faiblesses. Celles-ci deviennent ensuite des raisons pour lesquelles ils n'obtiennent pas plus de temps de jeu. A l'inverse, les clubs disent souvent, par exemple, d'un attaquant étranger qu'il est «rapide». Quant à son manque de réussite au but, «il l'améliorera chez nous».
Lars Villiger, links, von Luzern beim Super League Meisterschaftsspiel zwischen dem FC Luzern und dem FC Winterthur vom Samstag, 24. August 2024 in Luzern. (KEYSTONE/Urs Flueeler)
Un joueur local: l'attaquant de Lucerne Lars Villiger (21 ans) a déjà marqué quatre buts en six matchs de Super League.Image: keystone
  • Le manque de coordination et de communication entre responsables du club est également pointé du doigt. Un coach junior s'interroge:
«A quoi bon, pour le joueur et pour moi, former ce dernier selon les directives du chef de la relève si le directeur sportif n'est pas au courant?»
  • Finalement, la patience avec les jeunes joueurs s'est perdue. En forçant un peu le trait: si un ancien junior n'est pas titulaire à 20 ans et que des offres de plusieurs millions sont sur la table pour lui, il est transféré. Il y a une exception en Suisse: le FC Lucerne.

L'oasis lucernoise et le courage des dirigeants

Dans le club de Suisse centrale, les talents ont plus de temps de jeu avec la première équipe. Ils ne doivent pas obligatoirement rapporter des millions, mais peuvent aussi rester et devenir des figures d'identification.

Oui, le FC Lucerne, c'est une oasis florissante dans le désert. Sous l'égide du directeur sportif Remo Meyer, le club applique depuis sept ans de manière conséquente ce qu'il s'est fixé comme objectif: ouvrir le chemin vers le contingent de Super League aux jeunes Suisses, et les faire jouer.

Sur les 37'620 minutes de jeu possibles au FCL durant la saison 2023/24, 14'500 ont été effectuées par des jeunes Helvètes de moins de 21 ans. Très loin devant GC, deuxième de ce classement avec 4'100 minutes. Remo Meyer précise:

«Au moins un tiers des places dans l'équipe professionnelle est réservé aux joueurs de notre académie. Ce qui permet aux espoirs locaux d'avoir du temps de jeu en Super League.»
Remo Meyer, directeur sportif du FC Lucerne

Ce qu'il faut pour arriver à cette situation favorable aux jeunes Suisses? En premier lieu du courage, selon Meyer. Des formateurs compétents aussi et, chez les pros, un entraîneur qui aime travailler avec de jeunes footballeurs encore en développement et qui n'hésite pas à les faire jouer.

Der Trainer von Luzern Mario Frick nach dem Spiel beim Super League Meisterschaftsspiel zwischen dem FC Luzern und dem Servette FC vom Sonntag, 17. Maerz 2024 in Luzern. (KEYSTONE/Urs Flueeler)
Mario Frick fait confiance aux jeunes joueurs suisses. Image: KEYSTONE

Au FCL, les résultats ne sont, ainsi, pas le seul critère déterminant pour décider du destin de l'entraîneur. Manquer le top 6 la saison dernière était certes embêtant, mais cela ne représentait pas un danger immédiat pour le coach Mario Frick. Remo Meyer complète:

«Nous avons des ambitions maximales. Mais lors du bilan, la tolérance à l'inconstance possible des jeunes professionnels et l'intérêt de notre entraîneur pour la relève ont également beaucoup de poids.»

La stratégie des Lucernois porte ses fruits. Ils ont encaissé les 250'000 francs que la ligue et la fédération versent depuis peu au club qui offre le plus de minutes de jeu aux joueurs issus de sa formation.

Sans compter que de plus en plus de talents à travers toute la Suisse demandent s'ils peuvent venir jouer au FC Lucerne.

Car, contrairement aux clubs des régions dont ils viennent, le FCL leur laisse la voie libre vers l'équipe professionnelle. «Mais nous ne rentrons en matière que très rarement dans de tels cas. Nous nous concentrons clairement sur les juniors de Suisse centrale», éclaire Remo Meyer.

Le déséquilibre entre Lucerne et le reste de la Super League se reflète dans la dernière liste de la Nati M21, ce mois: celle-ci comprenait quatre joueurs du FCL et deux autres anciens, Ardon Jashari et Bradley Fink. De quoi réjouir les dirigeants lucernois.

Est-ce un signe avant-coureur pour l'équipe nationale A? La diminution des minutes de jeu des jeunes Suisses en Super League ne doit pas inquiéter Murat Yakin dans l'immédiat, mais le problème – s'il persiste – atteindra la Nati dans quatre, cinq ou six ans. La qualification quasi systématique pour l'Euro ou la Coupe du monde serait alors gravement menacée.

Adaptation en français: Yoann Graber

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