Il y a un an à peine, David Degen vivait à Stockholm une soirée qu'il n'est pas près d'oublier. Alors tout nouveau patron du FC Bâle depuis trois mois, il s'était réfugié dans les toilettes pendant les tirs au but de ce match de barrage. Déjà pendant les prolongations, il ne tenait plus en place, multipliant les aller-retours entre la tribune et les WC. Pour y rester, donc, durant la séance fatidique.
C'est celle-ci qui allait déterminer qui du FC Bâle ou d'Hammarby IF accèderait à la phase de groupes de la Conference League. Et comme Degen savait ce que l'issue de ce match signifiait pour son club (finalement victorieux), mais aussi pour lui personnellement – assumer la responsabilité financière de l'élimination de sa propre poche et celle des autres actionnaires principaux –, le boss, déjà très émotif en temps normal, était particulièrement tendu.
Cette scène a de grandes chances de se répéter ce jeudi soir. Et pour cause: les Bâlois jouent de nouveau un match décisif en qualifs pour la Conference League. Cette fois, il ne s'agit que de l'avant-dernier obstacle (3e tour) et d'un duel à domicile, au Parc Saint-Jacques (19h). Mais la situation est tendue à cause de la défaite 1-0 à l'aller, à Copenhague.
Rater l'Europe aurait des conséquences directes et indirectes négatives pour le FC Bâle. Il se priverait des primes de l'UEFA et des recettes générées par les matchs supplémentaires à domicile. Lors de la dernière campagne, qui a pris fin en 8e de finale, les Rhénans ont encaissé 10,2 millions de francs rien qu'en primes. Et ils comptent de nouveau sur la scène continentale pour remplir leurs caisses. «Pour l'année 2022, nous avons inclus dans notre budget la participation à la phase de groupes», avouait ce printemps le directeur financier du FCB, Mirko Brudermann. Montant estimé? Six millions de francs.
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Si ces potentielles recettes disparaissent, le vice-champion suisse devra soit vendre des joueurs pour le même montant, soit s'endetter, ou alors Degen et les trois autres copropriétaires seront contraints de casser leur tirelire personnelle. Parce que, contrairement à ses années dorées dans un passé pas si lointain, le FC Bâle n'a plus de réserves, après sa perte de 15 millions lors de l'exercice 2021.
En plus du manque d'argent à très court terme, ne pas se qualifier pour l'Europe aurait également des répercussions sur la valeur du contingent bâlois. Les joueurs de Super League ont besoin de la vitrine internationale pour se mettre en évidence et attirer les convoitises. Et le FC Bâle, qui est un tremplin vers les championnats plus prestigieux comme aucun autre club suisse, souffrirait particulièrement si ses nombreux jeunes joueurs intéressants ne pouvaient pas se montrer sur la scène continentale et attirer l'attention grâce à de bonnes performances.
Sans oublier que l'effectif rhénan a été modelé pour une triple charge – championnat, coupe suisse et Conference League – et que Degen et ses collègues n'ont aucune envie de mettre en place le plan «élimination». Il impliquerait la vente de joueurs phares cet été encore, histoire de gagner de l'argent autrement que grâce à une coupe d'Europe.
Le coach Alex Frei ne veut pas trop parler de l'aspect financier de ce match contre Bröndby. Il se dit agacé par l'importance de plus en plus grande de l'argent par rapport au volet sportif dans le foot moderne. Même s'il est conscient de l'importance des primes européennes pour le FC Bâle. Il hausse le ton tout en essayant de dédramatiser:
Avec cette déclaration, Frei tente – peut-être de manière calculée – d'enlever la pression à ses joueurs. Et il a de bonnes raisons de croire encore à un retournement de situation favorable à son équipe. Par exemple, l'avantage de jouer à domicile. Le FC Bâle avait déjà vendu mercredi 15 200 billets, notamment grâce à des rabais de dernière minute. «Plus le public est bruyant, mieux c'est pour les joueurs. Pour tout le monde. Je n'ai pas peur que ça déstabilise quelqu'un», s'enthousiasme l'entraîneur rhénan.
Malgré les résultats insuffisants depuis le début de la saison, le nouveau technicien est satisfait de l'évolution de son groupe. «L'équipe se rend compte que quelque chose d'intéressant est en train de naître», observe Alex Frei, dont l'équipe a effectivement progressé dans le jeu lors de ses dernières sorties.
Au match aller, elle avait fait jeu égal avec Bröndby, malgré la défaite 1-0. «Du point de vue de l'entraîneur, c'était un excellent match», analyse Frei. Et dans le choc de Super League contre YB dimanche (0-0), le FCB était pour la première fois depuis plusieurs années plus proche de la victoire que son adversaire.
Pour que les résultats soient bientôt au rendez-vous, il faut, selon Alex Frei, une étincelle. Une qualif contre Bröndby pourrait en être une. Sur son siège en tribune, David Degen préférerait sans doute même un feu d'artifice. Sinon, pas sûr qu'il puisse y rester jusqu'à la dernière minute.
Adaptation en français: Yoann Graber