Cet effet de mode chez les footballeurs exaspère les arbitres suisses
La nouvelle star du FC Lucerne, Lucas Ferreira, attire l’attention pour plusieurs raisons. Il y a d'abord son talent, mais aussi un détail dans son équipement: il porte très bas ses chaussettes, seulement quelques centimètres au-dessus de la cheville.
Le milieu offensif lucernois a des protège-tibias en dessous, comme l’exige le règlement de la Fifa. Mais alors ce ne peuvent être que des modèles minuscules, dont la capacité de protection est quasi nulle. Ferreira est loin d’être un cas isolé: cette mode est présente dans presque toutes les équipes de Super League, surtout chez les jeunes joueurs. Et la tendance gagne aussi le foot féminin: la star de la Nati, Sydney Schertenleib, aime elle aussi porter ses chaussettes au ras des chevilles.
Rouleaux de papier WC et pub douteuse
Ce que font les pros, les amateurs l’imitent aussitôt. On raconte que certains footballeurs du dimanche glissent même des rouleaux de papier WC écrasés dans leurs chaussettes comme «protège-tibias». Sur Temu, on peut commander des modèles de huit centimètres seulement, pour moins de deux francs.
Et l’on retrouve la même tendance chez des distributeurs suisses bien établis. Ochsner Sport fait même la promotion de «mini-protège-tibias ultracompacts de dix centimètres». Ceux-ci offriraient aux joueurs «une sensation de légèreté incomparable» et permettraient de «reproduire le style chaussettes basses des footballeurs professionnels tout en garantissant une protection idéale».
En réalité, il s’agit clairement d’un effet de mode dangereux chez les jeunes footballeurs. Car la protection vantée par la pub est tout sauf «idéale». Ces mini-modèles couvrent au mieux un tiers du tibia normal.
Un règlement vague et des arbitres désemparés
Que disent les règles? Le point 4.2 «Equipement obligatoire» de l’International Football Association Board (IFAB) stipule:
Joe Haslimann, responsable de la région Innerschweiz au sein de l’Association suisse des arbitres (ASA), observe cette tendance avec inquiétude, mais ses mains sont liées: «La règle stipule que les joueurs sont eux-mêmes responsables de leurs protège-tibias. Nous ne pouvons intervenir que s’il n’y a rien du tout sous les chaussettes.»
Il regrette cette évolution:
Stefan Baumgartner, porte-parole des arbitres à l’Association suisse de football (ASF), confirme que les arbitres ont très peu de marge de manœuvre. «Si des protège-tibias du commerce sont utilisés, même de petite taille, les arbitres doivent les tolérer, car les joueurs en sont responsables.» Mais il ajoute qu’il n’est pas question de tout laisser passer: «En cas de doute, c’est à l’arbitre de décider si le matériau utilisé peut être considéré comme un protège-tibias.»
Une circulaire officielle a précisé récemment ce point. L'élément déterminant est de savoir si le protège-tibias est un produit commercial. «Glisser sous le bas un dessous de verre ou une chaussette n'est pas autorisé et peut être sanctionné», explique Baumgartner.
En revanche, jouer sans aucun protège-tibias reste interdit.
Une question de «confort personnel»
La Fifa a voulu responsabiliser les joueurs en laissant cette liberté. Et l’Association suisse de football ne peut rien imposer de plus: «Une fédération nationale n’a pas le droit de modifier de son propre chef les règles de l’IFAB.»
Lucas Ferreira et les autres adeptes des chaussettes (très) basses pourront donc continuer d'adopter ce style à chaque match. D'ailleurs, l'entraîneur du FC Lucerne, Mario Frick, n’y voit aucun inconvénient:
Reste à savoir si le coach du FCL tiendra toujours le même discours si l'un de ses joueurs à chaussettes basses se blesse gravement après un coup dans le tibia...
Adaptation en français: Yoann Graber