Trois viols successifs en une seule soirée. Très précisément: la soirée du 11 octobre 2020, un dimanche de congé pour Benjamin Mendy, non retenu en équipe de France. Au lieu du Portugal, le footballeur rencontre une bande de copines. Quatre filles attablées au Parea, un restaurant branché de Manchester, acceptent son invitation à un after.
Benjamin Mendy possède un manoir à quelques pas du Parea, dans le «triangle d'or» du Cheshire, un repaire de footballeurs et de millionnaires. C'est là que sa victime présumée, prise au piège dans une chambre à serrure électronique, aurait subi des agressions. Une victime parmi neuf autres, selon le dossier d'accusation.
Au manoir, la soirée commence dans les sous-sols, au bord d'«une piscine immense». «Il faisait chaud et sombre. Il y avait une peinture en noir et blanc de Muhammad Ali sur le mur», décrit la plaignante. Quand elle veut envoyer un message Snapchat, Benjamin Mendy lui arrache son portable. Il explique nerveusement: «Tu ne peux pas utiliser ton téléphone. On a déjà pris une amende de 200 000 livres pour avoir ramené des gens ici». Manchester City l'avait sanctionné pour non-respect des mesures de confinement.
Décidé à vérifier le compte Snapchat de son invitée, Mendy y découvre des photos suggestives. Il part dans une pièce sécurisée, une sorte de forteresse électronique conçue contre les intrusions (cambriolage, home-jacking, etc). La victime présumée le suit en espérant récupérer son portable mais «la porte s'est refermée derrière nous», a-t-elle expliqué. «Je lui ai dit que je ne voulais pas coucher avec lui et que je souhaitais partir. J'ai demandé qu'il me rende mon téléphone. Il m'a dit : "La porte est verrouillée de toute façon". Puis: "Je veux voir tes seins. Ils sont tellement gros". Il m'a demandé de me déshabiller.»
Mendy promet de ne rien tenter. De ne pas la toucher. Juste regarder. Selon sa version, la plaignante se sent prise au piège et «choisit le moindre mal» en se mettant en string. Lorsqu'elle tente d'attraper son portable jeté sur le lit, Mendy la pousse. Elle se retrouve à quatre pattes.
L'acte d'accusation mentionne un rapport vaginal, une sodomie et une fellation en l'espace d'une quinzaine de minutes. «Ça me rend folle de savoir combien de fois j'ai dit non», a déclaré la victime présumée. «C'était très clair et ça n'a pas été entendu.»
Après l'agression, Mendy s'assied sur le lit et dit à la jeune fille qu'elle est «trop timide». Ce à quoi elle répond: «Je ne suis pas timide. Je ne veux simplement pas coucher avec toi». Toujours selon la version de la plaignante, Mendy rétorque: «C'est bon, j'ai couché avec 10 000 femmes». Il exige un silence absolu en échange de son hospitalité:
La victime présumée ajoute que Mendy est parti à la cuisine et a demandé au chef «de lui faire à manger». Une plainte est déposée trois semaines plus tard et un témoignage enregistré le 9 novembre 2020. Interpellé dans la plus grande discrétion, Mendy refuse de répondre aux questions des policiers. Il leur soumet ensuite une déclaration préparée à l'avance dans laquelle il affirme avoir simplement «embrassé», «touché» et «frotté» la plaignante, avant de certifier qu'elle a «consenti» à un rapport oral. Puis il est parti «car il savait qu'elle ne voulait rien faire d'autre».
L'avocate de Mendy a interrogé la plaignante sur un message qu'elle a envoyé à un ami depuis le Parea: «Nous sommes assis avec des footballeurs». Mais ce message faisait référence à Jesse Lingard et à un autre joueur de Manchester United assis à la table d'à côté, une double présence que le tribunal a pu démontrer.
Un autre message disait: «Si jamais je dois tomber enceinte, ce sera ce soir». Explication de la plaignante: «Je blaguais avec mon meilleur ami».
Jeudi, la jeune femme a témoigné derrière d'épais rideaux pourpres, d'où les jurés pouvaient la voir mais pas Mendy (et réciproquement). La veille, une première victime présumée a livré à peu près le même récit, dans des circonstances à peine différentes: «Il était hors de contrôle. Il avait un air de prédateur sur son visage. J’ai répété "stop" et "non" plusieurs fois sans être entendue».
Les enquêteurs portent une attention particulière à la maison de Mendy, isolée dans un quartier de Pretsbury et néanmoins signalée à la police à plusieurs reprises ces dernières années, tantôt pour des fêtes bruyantes, tantôt pour des feux d'artifice en pleine nuit. La valeur de la propriété est estimée à 5,6 millions d'euros.
Selon le procureur Timothy Cray, la chambre à coucher et le bureau sont équipés d'un système de type «panic room», dont la porte ne peut pas être déverrouillée depuis l'extérieur, en aucun cas, sauf par des empreintes digitales. Cette pièce peut donner «l'impression de se retrouver piégé et isolé», estime le procureur. «Une fois dans la chambre, la porte s'est refermée derrière les plaignantes. Elles se sont senties vulnérables. En outre, les téléphones portables ont été confisqués.»
Timothy Cray qualifie les deux accusés de «prédateurs», «enclins à commettre de graves abus sexuels» sur des personnes plus jeunes, «vulnérables, terrifiées et isolées».
Certaines victimes avaient 17 et 18 ans au moment des faits présumés, «des filles qui étaient saoules et ne se souvenaient de presque rien, ou dormaient, ou se réveillaient à peine». Le dossier d'accusation mentionne l'apogée d'une nuit d'été, celle du 23 au 24 juillet 2021, durant laquelle Mendy aurait violé 3 jeunes femmes, 1 à son domicile et 2 dans une boîte de Manchester.
«L'affaire est simple et n'a pas grand-chose à voir avec le football», a énoncé le procureur en ouverture du procès. «C'est même le nouveau chapitre d'une très vieille histoire: des hommes violent et agressent des femmes, car ils sont persuadés d'avoir le pouvoir et pensent pour cette raison qu'ils s'en tireront sans dommage.» Timothy Cray a prévenu les jurés que s'il commence pendant une vague de chaleur, le procès risque de troubler leur Noël. «Vous devez envisager de glisser sur le parking verglacé du tribunal lorsque nous en aurons fini.»
Benjamin Mendy reste présumé innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'au jugement définitif.