Un tir mou, mi-hauteur, facilement stoppé par le gardien. Le penalty de Breel Embolo samedi en Serbie ne sera jamais montré comme bon exemple dans les écoles de foot. Dommage: transformé, il aurait pu relancer la Nati à la 72e minute, elle qui était alors menée 2-0 (score final).
Mais encore plus que la qualité de cette frappe, c'est le choix d'Embolo comme tireur qui interroge. Ou, plus précisément, la manière avec laquelle il a été choisi. «C'est Granit Xhaka qui lui a remis le ballon dans les mains, après que l'attaquant de Monaco lui a manifesté l'envie de tirer», explique lematin.ch.
Une nouvelle méthode de désigner l'exécutant de cet exercice si particulier et ô combien crucial mise en place depuis cet été. Jusqu'à ce moment, le tireur habituel était Xherdan Shaqiri, mais il a pris sa retraite internationale. Et cette manière détonne avec ce qu'il se fait ailleurs dans le foot pro. «Avant chaque match, pendant la semaine, je nommais deux tireurs», témoigne Michel Decastel, ex-entraîneur de Sion et Neuchâtel Xamax, entre autres.
A l'entraînement, justement, le technicien neuchâtelois prenait la température avec chaque joueur pour savoir qui se sentait vraiment apte – ou non – à tirer un penalty si besoin. «On discutait beaucoup. Et on refaisait un petit pointage le jour-j pendant la théorie d'avant-match».
Ensuite, tout était figé. A une exception près. «Le joueur qui subissait la faute dans les seize mètres ne tirait jamais lui-même. Parce que les statistiques montrent que le taux d'échec, dans ce cas, est élevé».
L'établissement par le coach d'une petite liste fixe de deux ou trois tireurs avant le match (ou même, de manière plus rigide, au début de la saison), c'est ce que Jocelyn Roux a partout connu durant sa carrière. Y compris lorsqu'il évoluait sous les ordres de... Murat Yakin, au FC Thoune (2009). Et l'ex-attaquant genevois, spécialiste des penalties, n'y voit que des avantages.
«La hiérarchie est claire pour tout le monde, ça permet d'éviter les potentielles disputes entre joueurs qui voudraient tirer sur le moment», argumente l'ancien du LS, Servette et Nyon, notamment.
Et quand on connaît l'importance du mental dans cet exercice, mieux vaut effectivement que celui qui s'élance ait de l'assurance. En évitant les chamailleries avec ses coéquipiers, il peut aussi garder toute son énergie et sa concentration pour s'exécuter.
Avec une hiérarchie limpide, on balaie également les éventuelles querelles après coup si le tireur a échoué, du genre: «Si c'est moi qui avais tiré, on aurait gagné». Des jérémiades orgueilleuses qu'on entend généralement plutôt autour des terrains de juniors, mais qui existent aussi chez les pros.
Alors si la désignation avant match (ou en début d'année) des tireurs ne semblent présenter que des avantages – au contraire d'un tireur spontané auto-proclamé ou choisi par certains coéquipiers –, pourquoi Murat Yakin n'impose-t-il pas une liste au sein de la Nati? «Il a certainement de bonnes raisons», disent d'une seule voix Michel Decastel et Jocelyn Roux.
Le second rappelle que le fonctionnement d'une équipe nationale n'est pas le même que celui d'un club, notamment «parce que le sélectionneur ne voit pas ses joueurs au quotidien».
Quant à savoir si l'autorité de Yakin pourrait être remise en question (en tout cas de l'extérieur) parce qu'il délègue ce choix à deux joueurs, Decastel balaie.
Espérons maintenant pour le sélectionneur et la Nati que le prochain penalty, peut-être déjà face au Danemark ce mardi en Ligue des nations, soit transformé. Peu importe qui le tire.