Après une discussion avec ses cadres, Didier Deschamps devrait opérer un changement de système, le troisième depuis le début de l'Euro 2020. Ce qui fait dire à Vincent Duluc, éditorialiste à «L'Equipe»:
La France devrait s'articuler autour d'un 3-4-3, très exactement d'un 3-4-1-2 avec Griezmann en soutien de Benzema et Mbappé, soit la même organisation... que la Suisse.
Didier Deschamps justifie ce revirement par la double nécessité de recentrer ses attaquants et de les soulager des tâches défensives. Il s'adapte à la demande. Mais cette option comporte des risques:
Ancien sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech n'est pas inquiet, comme il l'explique dans l'émission de son épouse «L'Equipe d'Estelle»:
Est-ce une raison suffisante pour tout bousculer? Alexandre Comisetti, ancien attaquant de la Nati et de l'AJ Auxerre, onze années d'analyses sur la RTS, reste perplexe:
🚨 Lucas Hernandez devrait débuter sur le banc ce soir face à la #SUI ! #FRA (@LatourBertrand) pic.twitter.com/mTAurvbhLR
— Instant Foot ⚽️ (@lnstantFoot) June 28, 2021
Selon Alexandre Comisetti, «la France a un autre problème: elle n'a plus Matuidi pour fonctionner comme piston gauche, tout en stabilisant le milieu de terrain. Deschamps a confié le rôle à Tolisso contre le Portugal mais ce n'est pas du tout le même volume de jeu, ni la même verticalité.» Au final, on ne peut pas totalement exclure que le 3-4-3 exercé à l'entraînement soit un plan B, très éventuellement du bluff.
La plupart des équipes attendent la France très bas, avec un double ou triple rideau défensif.
Il s’agit de limiter le rayon d’action dans la profondeur, donc d’accepter une forme de repli sur soi et de domination, «tout en explosant dès la récupération du ballon», ajoute Stéphane Chapuisat, comme pour poser un cadre à cette domination. En théorie, c’est faisable. Dans la pratique, il faut tout maîtriser: la robustesse du bloc autant que le maniement de la dynamite. Et puis, il y a un autre problème: Ce n'est pas du tout le style de l'équipe de Suisse.
Quand il a repris les destinés de la Nati, Vladimir Petkovic s'est promis de lui donner une identité collective et de la revendiquer fièrement, quel que soit l'endroit et l'adversaire. Son jeu de possession, son pressing haut, ont désinhibé la Suisse. Mais en l'occurence, ils représentent une aubaine pour la France, dont le talent individuel s'exprime surtout par des contres rapides et de longues ouvertures depuis l'arrière - au grand damne des esthètes mais avec l'assentiment des pragmatiques.
Faut-il s'adapter? Ou alors rester soi-même, en avoir l'orgueil et le courage, au risque de mourir avec ses idées? Alexandre Comisetti oppose un jugement de Salomon:
Alexandre Comisetti rappelle que «la France n'est pas très à l'aise avec le ballon: du moment que les Suisses pressent tous ensemble, ils pourront alterner bloc haut et bloc bas, sans prendre de gros risques ni renier leurs grands principes».
Le Parisien pourrait retrouver sa position privilégiée sur le côté gauche d'une attaque à deux, où il a l’habitude de piquer entre le latéral et le défenseur central pour, idéalement, s’ouvrir un angle de tir du pied droit. On a beau le savoir, il est difficile de s'interposer.
Défendre à deux sur Mbappé est un minimum. Le sevrer à la source est une autre option, relativement sûre, mais qui implique d’intervenir haut (voir le chapitre précédent..), souvent vite, et généralement dans les pieds de Paul Pogba, qui n'est pas le plus maladroit dans ses dribbles et ses crochets.
Alexandre Comisetti en revient à la compacité: «La Suisse doit toujours mettre deux joueurs au marquage de Mbappé, un à l'intérieur, un à l'extérieur. Pour ce faire, le bloc doit rester uni.»
La compacité sera la clé du match, selon l'ex attaquant: «Si le pressing suisse est parfaitement exécuté, avec beaucoup d'énergie, il réduira d'autant les espaces et les lignes de passe de la France. Y compris la relation privilégiée entre Pogba et Mbappé.»
C’était un risque que Didier Deschamps a souhaité courir: mettre sur une même ligne, quasiment dans le même champ d'expression, deux profils extrêmement similaires d’attaquants axiaux et mobiles, adroits dans les petits espaces et peu portés vers la profondeur, prompts à décrocher.
Benzema et Griezmann font double emploi sans que les buts du premier ne justifient pleinement les sacrifices du deuxième (tantôt excentré à droite, tantôt obstrué dans l’axe), mais c’est un autre choix fort de Deschamps que de privilégier un joueur qu’il a placardisé pendant cinq ans (Benzema) au détriment de celui qui a tenu la baraque pendant tout ce temps (Griezmann).
La Suisse a-t-elle une faille à explorer?