Sport
Paris 2024

Paris a-t-il relancé l'intérêt des villes pour les JO?

PARIS, FRANCE - JULY 26: The Olympic Flag is raised at Place du Trocadero during the opening ceremony of the Olympic Games Paris 2024 on July 26, 2024 in Paris, France. (Photo by Lintao Zhang/Getty Im ...
A Paris, les JO 2024 ont connu un grand succès.Getty Images Europe

Paris a-t-il relancé l'intérêt des villes pour les Jeux olympiques?

Les JO 2024 ont fermé leurs portes. Une édition splendide sur tous les points qui pourrait redorer le blason des candidatures. Deux experts se penchent sur la question.
15.08.2024, 18:5416.08.2024, 10:04
Plus de «Sport»

La partie n'était pas gagnée pour Tony Estanguet, le président du comité d'organisation des JO de Paris, et ses équipes d'organisation. La presse n'était pas tendre avant ces Jeux olympiques et la population ne voulait pas d'un méga-événement dans la capitale.

Les premiers aigris relevaient les couacs de la cantine du village olympique (pas assez de nourriture à disposition) ou encore les lits qui ne plaisaient pas à certains athlètes. Le nageur italien Thomas Ceccon se plaignait des conditions, de la chaleur et tout le tintouin. Le sujet le plus discuté a été sans conteste la Seine, malpropre, la grosse ombre au tableau, érigée en bassin propice pour une gastro-entérite.

Mais force et de constater que la capitale française a brillé là où tout le monde pensait que cette édition allait se fourvoyer.

Paris est une fête, disait Ernest Hemingway. Ces JO ont ébloui: les structures (comme le Grand Palais pour les épreuves d'escrime), les épreuves de beach-volley devant la Tour Eiffel, ou encore un peloton cycliste remué par l'ambiance de stade de football en gravissant la butte Montmartre.

Czech Republic's Jiri Beran, left, competes with France's Yannik Borel in the men's team epee bronze final match during the 2024 Summer Olympics at the Grand Palais, Friday, Aug. 2, 202 ...
Le Grand Palais a subjugué les spectateurs et spectatrices. Keystone

Un tel succès populaire. Si bien que des villes songeraient à constituer un dossier pour de futurs Jeux olympiques. A commencer par Berlin, qui veut exorciser les Jeux de 1936. Du côté des politiques outre-Rhin, l'idée d'organiser un événement pour effacer les années sombres du Führer fait son chemin. Le magazine Der Spiegel est enthousiaste. Surtout, une hypothétique édition des JO à Berlin en 2036 serait une première en Allemagne depuis la tragédie munichoise en 1972. La ville bavaroise qui par ailleurs a fait part de son désir d'organiser à nouveau les olympiades d'été.

Paris a-t-il relancé l'envie d'organiser des Jeux olympiques?

Sylvain Zeghni, docteur en sciences économiques et co-auteur d'une étude intitulée «Pourquoi les villes ne veulent-elles plus accueillir les Jeux olympiques?», est lui aussi surpris par le bon déroulement des opérations:

«Le discours du comité d'organisation a fonctionné et la cérémonie d'ouverture a donné beaucoup d'allant à ces Jeux, un enthousiasme qui était incertain au départ»
Sylvain Zeghni

Cette cérémonie d'ouverture qui a choqué, émerveillé, divisé les foules a peut-être été le détonateur pour allumer la flamme de cette édition 2024.

«Paris voulait investir le coeur de la ville. Et c'est réussi. Aussi, l'essentiel des Jeux va être payé par le privé, qui a beaucoup injecté d'argent dans l'événement. Pour l'instant, le budget n'est pas dépassé de beaucoup. Le coût est d'ailleurs assez faible comparé aux éditions précédentes.»
Sylvain Zeghni

A Paris, les Jeux coûteront au moins 10 milliards d'euros - chiffres évalués le 25 juillet. Soit un montant réévalué depuis l'annonce du budget prévisionnel de 4,4 milliards d'euros avancé au début.

Un dépassement de budget relativement faible comparé à des éditions précédentes et une ferveur populaire sublime lors de cette quinzaine olympique peuvent-ils relancer les candidatures?

Peut-être.

Ces dernier temps, les JO riment avec référendums et protestations lorsqu'il est question de les organiser quelque part. Le Comité international olympique (CIO) s'est retrouvé avec des choix nettement plus restreints et des critiques toujours plus vives.

Selon le professeur Zeghni, la tendance pourrait désormais s'inverser:

«Le succès des JO de Paris pourrait donner des idées à d'autres villes dans le monde, multiplier les candidatures et changer la vision populaire des Jeux olympiques»
Sylvain Zeghni

Même constat pour Nathalie Fabry, professeure à l'Université Gustave Eiffel de Marne-la-Vallée, chercheuse et également co-auteure de l'étude «Pourquoi les villes ne veulent-elles plus accueillir les Jeux olympiques?», qui appuie sur les sempiternels coûts (énormes) de la sécurité qui peuvent refroidir les ambitions, ou sur les dépenses qui ne sont pas prises en charge par le CIO. «Pour la cérémonie d'ouverture, ce sont des coûts supportés par la nation et non par l'instance organisatrice», dit-elle.

Des défis que les Jeux de Paris ont relevés, et une ville qui a vibré pour ses athlètes. Car, comme le souligne Nathalie Fabry, il convient de rappeler que «les râleurs ont pris la tangente, les employés ont été exhortés à favoriser le télétravail». En somme, à Paris, il ne restait que ceux qui voulaient vivre cette fête populaire.

Une vraie ferveur que les deux professeurs confirment à l'unisson: Paris a réussi son pari. Sylvain Zeghni parle même «d'un phénomène marquant» qui a fait le succès des ces olympiades:

«On passe des Jeux olympiques à "l'événementilisation" de la ville. C'est quelque chose d'émergent. Les rues, les transports en commun et les quartiers étaient en fête. Il y a une réappropriation des habitants. C'était quelque chose d'assez nouveau qu'on n'avait pas vu auparavant.»
Sylvain Zeghni

Dissocier JO d'hiver et JO d'été

Le CIO pourrait donc voir une pluie de dossiers débarquer sur son bureau. Mais une différence entre les JO d'été et les JO d'hiver est à prendre en compte. Il faut donc distinguer les JO d'hiver de ceux d'été.

«Paris va obliger à faire une grande différence entre les deux. La grande caractéristique de Paris, ce sont les transports publics et le fait que tout est regroupé, à quelques exceptions près comme le surf ou le tir. Il y a une unité de lieu. Avec les Jeux d'hiver, tout est dispersé.»
Nathalie Fabry

«Les JO d'hiver ont un aspect anti-écologique», rappelle Sylvain Zeghni, qui prend comme exemple (aberrant) Albertville, en 1992.

«Ce qui va changer aujourd'hui, c'est le regard qu'on porte sur ces JO qui précédemment étaient organisés dans des espaces clos. Paris a misé sur la mobilité douce, dans un projet de capitale étendue avec un objectif de rénovation urbaine sur la Plaine Saint-Denis en intégrant les différentes populations. C'est un changement très fort.»
Sylvain Zeghni

Tout était «éphémère» lors de ces JO de Paris

Pour l'héritage matériel, il ne restera pas grand-chose. Il sera même maigre.

Si Nathalie Fabry évoque «la flexibilité des infrastructures», en prenant l'exemple de la piscine de la Défense Arena pour les JO, le professeur Sylvain Zeghni concède une légère sensation amère:

«Outre le village olympique, le stade nautique de Vaires-sur-Marne, le système de transport, le Centre aquatique olympique à Saint-Denis, l'héritage des infrastructures olympiques, par rapport aux Jeux précédents, il ne restera quasiment rien. Il fallait donc se dépêcher et profiter des installations, car tout va disparaître après les JO.»
Sylvain Zeghni

Des infrastructures laissées à l'abandon, comme à Athènes, Rio, Sarajevo ne seront pas un problème cette fois-ci.

«L'événement ne vit que par l'image», souligne Nathalie Fabry. Or, comme l'expose Sylvain Zeghni, «le stade qui se trouvait sous la Tour Eiffel, on demandera où il se trouvait. Par exemple le Stade de France est encore visité avec en mémoire la victoire de l'équipe de France de football en 1998. La Tour Eiffel est un héritage de l'exposition universelle».

Et de déplorer qu'«il ne restera finalement que peu de choses, si ce n'est des images, et ça me laisse, personnellement, un petit goût d'inachevé».

«Paris était finalement un grand parc d'attractions l'espace de 15 jours et tout sera démonté»
Sylvain Zeghni

Retenir les leçons de Paris 2024

Le maître mot est donc l'«événementialisation» de la ville lors de JO - c'était ça, le projet de Paris. Selon les deux spécialistes, si les leçons de Paris sont retenues - un patrimoine, une vision, un bon système de transports publics, des infrastructures en bon état -, boostées par un storytelling qui crée une adhésion populaire, les villes vont se montrer intéressées.

Les Français sont venus voir les lieux, parfois sans assister à une compétition, mais pour s'imprégner de l'ambiance, constatent nos deux interlocuteurs.

Paris sera peut-être un exemple: une ville éphémère, avec quelques réhabilitations et finalement très peu de choses construites, avec un cadre, un discours percutants et une politique de communication bien huilée.

«Si nous prenons l'hypothèse d'une candidature berlinoise, des villes de cette envergure peuvent devenir des villes-événements comme l'a été Paris. En revanche, l'idée de faire des Jeux olympiques en plein désert va disparaître. Pour les prochains Jeux d'été, il faudra voir ce que va concocter Los Angeles. Mais le comité d'organisation est venu espionner et récolter des informations des JO de Paris. Même si la ville américaine ne fait pas la même taille que Paris, mais est bien plus étendue.»

Signe d'un désir de poursuivre le travail de Paris, les organisateurs des futurs JO californiens ont déjà exprimé leur envie de relever le défi d'organiser des épreuves sans groupe électrogène, comme à Paris. Le comité d'organisation souhaite aussi des Jeux sans voiture, lâchait cette semaine la chaîne NBC.

«Les délires du CIO sont terminés»

Il semblerait que la folie des grandeurs soit terminée, comme l'a rappelé Thomas Bach lors de son discours de la cérémonie de clôture. L'ancien membre du CIO, Richard «Dick» Pound, assurait que les dossiers d'organisation pour les JO sont les meilleurs films de science-fiction. «Oui, ça l'a été. Mais il y a quand même un engagement du CIO en faveur de l'environnement, ce qui calme les ardeurs. Mais les gros délires ne sont plus à l'ordre du jour», rebondit Nathalie Fabry.

Pour Sylvain Zeghni, Paris était, sur le papier, «un gros délire». Selon Nathalie Fabry, la professeure de l'Université Gustave Eiffel, «que la Seine soit réappropriable était un pari totalement délirant».

Sylvain Zeghni, spécialiste de l’économie du tourisme et de l’environnement, en conclusion, félicite le comité d'organisation de cette édition parisienne:

«Paris est une réussite, dans le sens que l'essentiel des paris ont été tenus. Ce qui passait pour de la science-fiction s'est révélé possible. C'est une bonne pub pour le CIO. Si Paris a réussi, d'autres villes peuvent le faire et redonner confiance aux populations dans l'organisation de Jeux olympiques.»

La Suisse et sa candidature pour les JO d'hiver de 2038 vont devoir s'inspirer de l'exemple parisien. Même si ce sont des Jeux d'hiver.

La maison Polly Pocket existe et vous pouvez y passer la nuit
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
«Beaucoup de coachs rêvent de l'étranger, mais pas moi»
Avant de recevoir Lucerne ce dimanche (16h30), Ludovic Magnin évoque son métier, la blessure d'Alvyn Sanches et révèle ce qui manque encore au LS pour pouvoir rêver de son premier titre de champion depuis 1965.

Ludovic Magnin, quel a été le dernier cadeau que vous ayez fait à votre équipe?
Les joueurs ont eu trois jours de congé pendant la pause de l'équipe nationale.

L’article