A ceux qui pensent que la passion de la course lui est venue sur le tard, Odyle Monteils oppose un sourire narquois: «Je cours depuis toujours.»
Née pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1944, dans un monde en reconstruction, Odyle découvre très tôt qu'elle préfère les chemins de traverse — si possible caillouteux, casse-gueule.
L'école, elle y fait carrière — enseignante exigeante et pédagogue respectée — mais c'est sur les sentiers, loin des salles de classe, qu'elle forge son caractère. Là où la pluie trempe les vêtements et où les cailloux tordent les chevilles, elle apprend la résilience.
A 40 ans, tandis que beaucoup ralentissent, elle commence à aligner les courses officielles. Dont des marathons. «Une centaine», à la louche. Puis des ultra-trails. Chaque année, la sportive enchaîne les défis, comme d’autres collectionnent les figurines en porcelaine.
Son Everest personnel s'appelle La Diagonale des Fous. L'ultra-trail mythique de La Réunion: 165 kilomètres, 10 000 mètres de dénivelé positif, traversant l’île de part en part sous un climat tropical souvent impitoyable. Beaucoup de coureurs de trail en rêvent, de nombreux en font des cauchemars.
Et pourtant, en 2006, Odyle se tient au départ, sa lampe frontale vissée sur le front, au milieu d'une marée de coureurs bien plus jeunes qu’elle. Trois jours plus tard, épuisée mais debout, elle franchit la ligne d'arrivée et remporte sa catégorie d'âge.
Une expérience folle et éprouvante qui lui aurait donné envie de lever le pied? Que nenni. Depuis, la fringante sportive s’est attaquée à d’autres épreuves redoutables: le Grand Raid des Pyrénées, le Trail de la Côte d’Opale, les 100 km de Millau. A chaque fois, la même détermination, la même envie d'aller voir ce qu'il y a «après la fatigue», comme elle le dit. L'infatigable coureuse contait d'ailleurs ses exploits en 2014 au média français La Dépêche:
Plus de dix ans plus tard, Odyle vient de participer, début avril, à une course sur l'île d'Oléron: 100 kilomètres et «une ambiance super», explique-t-elle sur son compte Facebook.
Mais la course n’a pas toujours été clémente avec la Française. En 2018, lors d’une nouvelle Diagonale des Fous, alors qu’elle file bon train, elle s’accorde une petite sieste réparatrice sur une base de vie. Peut-être... trop réparatrice.
Trois ans plus tard, en 2021, c’est une chute qui l’envoie directement mordre la poussière. «Ce coureur que j'ai voulu dépasser m'a valu la chute. J'aurais dû le suivre tranquillement», raconte-t-elle sur ses réseaux sociaux après la fin prématurée de sa course.
Résultat: une main fracturée et des vertèbres abîmées. Mais même dans la douleur, Odyle garde son franc-parler: «Je remercie les deux coureurs qui m'ont aidée à sortir du fossé et du bain de boue» plaisante-t-elle, avant de conclure plus sérieusement:
D'ailleurs, dès sa convalescence est terminée, Odyle reprend l’entraînement, tout doucement, à son rythme, mais sans jamais renoncer. Depuis, elle a bel et bien pris part à une nouvelle Diagonale.
Quand elle ne crapahute pas dans la montagne près de chez elle ou à la Réunion, l'athlète s'entraîne inlassablement sur le stade Pompidou ou sur les petites routes de campagne autour de Montauban, dans le Sud-Ouest de la France, où elle vit. Plus qu'un hobby, un besoin: «Si je ne cours pas, si je ne fais pas de sport, ça ne va pas», déclare-t-elle simplement auprès de francebleu.
Chaque matin, à l'heure où nombre de ses contemporains glissent leurs pieds dans des Charentaises, l'octogénaire enfile ses baskets et file courir. A raison de cinq à six séances par semaine, entre 8 et 12 kilomètres, parfois plus. «Des sorties de 20, 25 bornes aussi».
Celle qui a soufflé ses 80 bougies le 29 novembre 2024 continue même de participer à des épreuves d’endurance extrême, comme les 24 heures de Capitany à Colomiers, où le but est de courir autant que possible en une journée complète.
Son énergie déborde sur ceux qui la suivent sur les réseaux sociaux. Comme cette internaute, qui ne cache pas son admiration:
D'autres saluent l'effort, et soulignent qu'il n'y a effectivement pas d'âge pour faire du sport. C'est le cas de Viviane, qui écrit sur Instagram, sous une vidéo de la coureuse de Montauban: «Je viens de terminer le marathon de Paris en 5h21 à 63 ans alors j’invite toutes les femmes à faire des activités physiques régulières pour leur santé et vivre longtemps en bonne santé.»
Odyle, loin de se voir comme un modèle, reste modeste: «Je fais ce que j'aime, et tant mieux si ça donne envie aux autres de bouger.»
A 80 ans, Odyle Monteils n'a pas seulement dompté les sentiers les plus exigeants du monde. Elle a aussi prouvé que, si la santé est toujours au rendez-vous, l’âge n’est qu’un chiffre.
Mais qu'on ne s'y trompe pas: derrière son allure frêle, sa joie de courir et ses 80 printemps, il y a un mental de roc. A chaque foulée, la Française défie non seulement les kilomètres, mais aussi le temps, la fatigue, les doutes. Et ce qu'elle trouve, à chaque course, après chaque ligne d'arrivée, dépasse de loin les médailles et les chronos.