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Les trailers souffrent d'hallucinations durant les courses

Un concurrent de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), au Grand Col Ferret, le samedi 1er septembre 2018. (AP Photo/Laurent Cipriani)
Un concurrent de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), au Grand Col Ferret, le samedi 1er septembre 2018.Image: laurent cipriani

«J'ai vu Bob Marley en forêt»: les trailers souffrent d'hallucinations

Les coureurs d’ultra-trail, soumis à un effort physique extrême et au manque de sommeil, peuvent éprouver des hallucinations. Deux d'entre eux témoignent de leur drôle d'expérience.
22.09.2024, 06:5522.09.2024, 06:55
Léa Allié
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«L'année dernière, j'ai vu Bob Marley en forêt». Au téléphone, le coureur d'ultra-trail américain, Mat Glaser, confie cette anecdote surprenante. Epuisé par l’édition 2023 de la PTL (Petite Trotte à Léon), il s'est mis à avoir des hallucinations. Outre le chanteur, il a aussi aperçu des centaines de bateaux entre les arbres.

Mat Glaser n'est pas le seul concerné. Le cerveau de Grégory Baron lui a également joué des tours sur la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix) en 2014:

«J'ai cru apercevoir une vache dans un champ, mais en me rapprochant, je me suis retrouvé face à un champ vide. C’est pareil avec les concurrents: je pensais en voir un devant moi, mais arrivé au sommet, il n’y avait personne»
Grégory Baron, trailer français

Les hallucinations exacerbées la nuit

La nuit, les coureurs d'ultra-trail ont parfois l'impression que des objets, des animaux ou même des personnes apparaissent devant eux, sur le sentier.

Pour Laurent Vercueil, neurologue et auteur d'une enquête sur les hallucinations en ultra-trail sur les longues distances, la probabilité de vivre de telles visions augmenterait avec l'obscurité. Le cerveau, moins stimulé par la lumière, devient plus enclin à créer de fausses interprétations à partir des ombres et des formes de l'environnement.

«Notre espace se réduit, tout est sombre, et on n’a plus de repères à un mètre devant nous. Avec la fatigue, on peut commencer à voir des gens ou des animaux qui n’existent pas, c’est assez perturbant.»
Grégory Baron, trailer français

Grégory Baron raconte avec assurance que les hallucinations ne sont que des épisodes temporaires et qu'elles ne persistent pas:

«Par contre, lorsque le jour arrive ça part automatiquement»
Grégory Baron

D'où viennent les hallucinations?

Selon Laurent Vercueil, neurologue au CHU de Grenoble Alpes et chercheur à lʹInstitut de neurosciences de Grenoble, trois facteurs principaux sont à l'origine de ces hallucinations:

  • La privation de sommeil
  • L'accumulation de fatigue au fil des kilomètres
  • L'entrée dans la pénombre

Au téléphone, le coureur d'ultra-trail français, Grégory Baron, laisse entendre que les trailers peuvent parfois être sujets à des hallucinations en raison de la pression de finir dans le temps imparti. Pour y parvenir, ils se forcent à rester éveillés et à dormir le moins possible.

A titre d'exemple, les élites de la PTL (Petite Trotte à Léon) parcourent 300 km avec 25 000m de dénivelé en moins de 100 heures. Cela implique qu'ils dorment très peu pendant au moins quatre nuits, malgré les zones de repos aménagées.

A la CCC, l'une des courses les plus prestigieuses au monde, les meilleurs coureurs bouclent les 101km et 6 050m de dénivelé sans passer une seule nuit en extérieur. Les autres, eux, doivent dormir sur le parcours pour espérer franchir la ligne d'arrivée dans le temps maximum autorisé.

Tout le monde voit la même chose?

Est-ce que les hallucinations sont communes à tous les coureurs ou s'agit-il plutôt de fantasmes personnels? Laurent Vercueil explique que les hallucinations chez les coureurs présentent des thèmes récurrents. Ils sont souvent liés aux biais d'interprétation du cerveau.

En effet, le cerveau humain a tendance à interpréter spontanément certaines choses comme des animaux ou des prédateurs. Ainsi, si l'humain perçoit quelque chose en périphérie de son champ visuel, son premier réflexe sera de supposer qu'il s'agit d'un animal.

De plus, les attentes et les anticipations des coureurs vont orienter leurs perceptions:

«Un coureur qui s'attend au prochain ravitaillement pourrait l'identifier alors que c'est juste un arbre»
Laurent Vercueil

Les hallucinations sont-elles dangereuses?

Dans un environnement montagneux, souvent difficile, les risques sont amplifiés par la possibilité de confusion:

«On peut se perdre, faire un faux pas ou même tomber dans un ravin»
Laurent Vercueil, neurologue au CHU de Grenoble Alpes et chercheur à lʹInstitut de neurosciences de Grenoble

En général, ce n'est pas si dangereux puisque les trailers sont conscients que cela peut arriver, ils s'y attendent et sont préparés.

D'ailleurs, avant de prendre le départ d'un ultra-trail, Grégory Baron souligne l'importance de préparer son cerveau à une souffrance à venir et à une absence de sommeil prolongée:

«On se conditionne mentalement à passer entre 15 et 46 heures en montagne»
Grégory Baron

«Je n'avais encore jamais vu quelqu'un faire ça durant un trail»

Vidéo: watson
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