La Française Violette Dorange est la plus jeune navigatrice à avoir jamais terminé ce tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance.
Mais réduire son exploit à des chiffres et des performances serait passer à côté de l'essentiel: la benjamine de la course a su fédérer dans une aventure sportive, mais aussi humaine, lumineuse, vibrante.
Portrait d’une jeune femme qui, durant trois mois, et même dans la tempête, n'a jamais perdu son émerveillement.
Dans la famille Dorange, l’eau salée coule dans les veines. Née en 2001 à Rochefort, à deux heures des Sables-d'Olonne, Violette a grandi au rythme des marées et des grands coups de vent.
Chez elle, on ne parle pas de «mer» comme une entité lointaine: on la respire, on l'affronte, on la cajole. Son grand frère, Charles, et sa grande sœur, Rose, font eux aussi de la voile à un haut niveau.
Mais à ses débuts, Violette n'est pas passionnée. Ses parents l'encouragent, alors elle tient bon. C'est le goût de la compétition qui lui permet petit à petit d'apprécier ce sport. Sans regret.
Alors, quand elle grimpe sur son premier Optimist à 6 ans, ce n’est pas un baptême: c’est une adoption. Dès l’enfance, la petite Violette fixe l’horizon. Et rapidement, elle ne se contente plus de naviguer: elle veut repousser les limites, et ce n’est pas son jeune âge qui arrête l’intrépide Française.
En 2016, à tout juste 15 ans, l’adolescente traverse la Manche en Optimist. Un minuscule rafiot de 2m30, sur lequel la plupart des autres gamins apprennent seulement à ne pas chavirer. Elle, elle en fait sa monture.
La même année, elle récidive en traversant le détroit de Gibraltar. Pourquoi? «Parce que c'est possible.» Voilà, Violette en une phrase.
Petit à petit, la jeune navigatrice troque les petits bateaux pour des plus grands, passe du dériveur au Figaro, puis à l’IMOCA, ces monstres de 18 mètres taillés pour affronter les tourments des mers du Sud.
En 2019, à 18 ans, elle traverse l’Atlantique en solitaire lors de la Mini Transat. Trois ans plus tard, elle déboule sur la Solitaire du Figaro, seule face aux plus aguerris. «Il faut bien commencer quelque part», dit-elle avec ce sourire désinvolte qui cache mal son ambition.
Le Vendée Globe, c’est une évidence pour elle. Mais un billet d’entrée dans cette course mythique ne tombe pas du ciel. Alors elle rame, elle cherche des sponsors et fait des appels du pied à toutes les entreprises prêtes à croire en elle. Quand McDonald’s accepte de la soutenir, certains grincent des dents. «On critique, mais moi, ça me fait partir», tranche-t-elle. Elle fait bien de ne pas se laisser décourager; la course lui tend les bras.
Le 10 novembre 2024, Violette Dorange prend le départ des Sables-d’Olonne avec la légèreté des aventuriers et la résolution des guerriers. Mais très vite, son Vendée Globe se distingue par autre chose que sa fougue: son humanité.
Car en plus d’être une navigatrice hors pair, elle est une narratrice de talent. Sur ses réseaux sociaux, la Française de 23 ans transforme sa course en conte moderne. Elle filme les dauphins qui jouent à l’avant de son bateau, s’amuse d’un albatros qui la suit pendant plusieurs jours, s’extasie devant les flocons de neige qui se posent sur son bonnet au sud de la Nouvelle-Zélande.
@violettedorange De la neige en plein milieu de la mer 🤩🫶❄️🌨️ #courseaularge #bateau #vendeeglobe #aventure ♬ original sound - Violette Dorange
Quand les autres skippers racontent la bagarre avec le vent, Violette, elle partage son enchantement avec une naiveté qui fait du bien. Elle danse sur le pont, même quand les vagues lui rappellent que la mer ne fait pas de cadeaux. Elle décrit la solitude et la fatigue sans s’en plaindre, les galères sans jamais cesser de s’amuser. Son franc-parler et son énergie débordante la rendent irrésistible.
Avec cette légèreté qui la caractérise, au fur et à mesure de la compétition, Violette Dorange touche un large public, qui va bien au-delà des amateurs de voile. Sur Instagram et TikTok, ses publications cumulent plusieurs millions de vues.
Quand elle passe le cap Horn, le 18 janvier, elle filme son sourire ébloui. «J’en rêvais depuis que je suis gamine. C’est fou. J’ai envie de pleurer, mais j’ai surtout envie de rire.» Elle ne pleure pas. Elle rit.
@violettedorange JE SUIS PASSÉ AU CAP HORN 🤩😱 #courseaularge #bateau #vendeeglobe #aventure #sailing #sailing ♬ original sound - Violette Dorange
Les semaines passent et la fatigue s’accumule. Son bateau souffre, les voiles se déchirent, les éléments s’abattent avec la violence d’un marteau-piqueur. Une nuit, elle manque de passer par-dessus bord en montant réparer une drisse. Elle raconte cet épisode comme une anecdote, avec ce ton léger qui dédramatise tout. Car derrière ce grand sourire et cette innocence, il y a une navigatrice ultra talentueuse qui sait encaisser.
Dimanche 9 février 2025, après 90 jours, 22 heures et 37 minutes à danser avec les vagues, Violette Dorange a bouclé son tour du monde. Elle termine 25e, bien loin des premiers, mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est cette foule qui l’attend aux Sables-d’Olonne, ces enfants qui agitent des drapeaux, ces sourires qu’elle a semés pendant trois mois.
La jeune Française a vécu son Vendée Globe comme une aventure, pas comme une bataille. Elle l’a raconté comme une histoire, pas comme une performance. Et c’est précisément pour ça qu’on s’en souviendra.
@violettedorange Merci j’ai pas encore les mots
♬ original sound - Violette Dorange
A peine débarquée, entre ses larmes et son imparable sourire, la jeune navigatrice se prête au jeu des interviews, fatiguée mais toujours pétillante. «C’est bizarre d’être sur la terre ferme. J’ai encore l’impression que tout tangue», plaisante-t-elle.
L’avenir? «Déjà, dormir», rigole-t-elle. Mais dans son regard, il y a déjà d’autres horizons. Un autre tour du monde? Une Route du Rhum? Un record en solitaire? Tout est possible. Et avec Violette, on sait une chose: elle nous embarquera dans sa poche. Avec son talent phénoménal et son immense sourire.