Alexander Zverev a raison, il ne faut pas traîner. Carlos Alcaraz est une menace pour l'avenir de la planète tennis.
Pendant deux sets, Zverev n'a quasiment servi que des premières balles, dont une large majorité au dessus de 200 km/h. Humilié en finale à Madrid (6-3 6-1), il en portait les séquelles, non dans son subconscient, mais dans son amour-propre: il a secoué le gamin pendant une heure trente, sans exprimer la moindre émotion. Froidement. Méchamment.
Carlos Alcaraz a semblé pétrifié. Soudain, on s'est rappelé à ses 19 ans et aux petites bêtises qu'un joueur peut commettre à cet âge, dans une cour un peut trop grande pour lui. On a noté aussi que son service lifté pouvait devenir une «faiblesse», peut-être la seule, sur laquelle certains adversaires insistent lourdement.
Mais on a vu beaucoup mieux de Carlos Alcaraz. On a vu un gars emprunté, baladé, embourbé dans une terre qu'il arrosait de fautes directes, tourner le match avec des amorties insolentes et des diagonales de fou. On a vu un corps saisi de convulsions, comme possédé. On a vu des frappes d'une puissance inouïe. On a vu Alcaraz écarter une balle de break à 4-4 au troisième set puis, au moment où l'on servait l'apéro sur la terrasse du Chatrier, prendre le service de Zverez et lancer la riposte. On a vu un phénomène.
Avant le tournoi, Mats Wilander ne cachait pas son admiration aux lecteurs de L'Equipe: «Ce garçon a grandi en regardant Roger, Rafa et Novak à la télé. Cette «positive attitude» coule dans ses veines. Il a absorbé l'attitude de Nadal, la variété de Federer et la défense de Djokovic. C'est la même chose que tous ces grands groupes des années soixante qui se sont inspirés des Beatles.»
Mais Wilander estimait qu'on lui en demandait trop, «des trucs complètement dingues à chaque fois», comme si les Beatles écrivaient un tube tous les matins en sortant les poubelles.
C'était aussi l'avis de Marc Rosset: «Il est très fort. Vraiment très fort. Mais on devrait éviter le piège de l'encenser trop vite. Je rappelle souvent l'exemple de Borna Coric. Il y a huit ans, il battait Nadal à Bâle. On le présentait comme un phénomène. Il est où Coric, aujourd'hui»? Il est 279e mondial.
A la différence notable, cependant, que «Carlos est déjà l'un des tout meilleurs joueurs du monde», constate Zverev, qui témoigne encore: «Physiquement, mentalement, il impose un défi presque surhumain.» Et ce n'est que le début.