L'équipe de Suisse masculine de rugby vit un début d'année très compliqué au niveau des résultats. Mais c'est tout à fait normal: elle vient d'intégrer pour la première fois l'Europe Championship, la deuxième division continentale, qui fait office de «Tournoi des Six Nations B».
Elle se frotte ainsi à de redoutables formations avec des effectifs professionnels comme la Géorgie, l'Espagne ou la Roumanie. La Nati, elle, ne compte que deux pros (qui jouent en deuxième division française).
Après quatre revers en autant de matchs (dont un cinglant 0-110 en Géorgie), les Helvètes ont remporté leur premier duel en Allemagne (20-17) mi-mars, ce qui leur permet de ne pas occuper la dernière place (ils sont septièmes sur huit, les Allemands fermant la marche).
Lors de cette victoire, la Suisse ne comptait pas moins de treize étrangers sur la feuille de match, et neuf dans le quinze de base. C'est un phénomène très répandu dans le rugby professionnel international.
De nombreux Sud-Africains et Néo-Zélandais évoluent par exemple avec l'Ecosse, le Pays de Galles, l'Irlande, la France ou l'Italie. Avec seulement trois «mercenaires», l'Angleterre est la sélection participant au Tournoi des Six Nations qui utilise le moins d'étrangers.
Pour rivaliser, l'équipe de Suisse doit donc aussi faire appel à ces recrues extérieures. Car ses adversaires en Europe Championship font de même: par exemple, de nombreux Sud-Africains, qui n'ont pas tout à fait réussi à faire le saut chez les pros, jouent pour les Pays-Bas. L'effectif de la Roumanie comporte, lui aussi, beaucoup d'étrangers (la plupart vient des îles de Polynésie).
Ce décloisonnement des nationalités – opposé à ce qui se fait dans la plupart des sports, comme le football ou le hockey sur glace par exemple – est souhaité par la fédération internationale de rugby (World Rugby), explique Sébastien Dupoux, directeur technique de la fédération suisse:
L'instance mondiale veut permettre aux joueurs d'évoluer pour un pays dès lors qu'ils ont un lien – même petit –avec celui-ci.
Un rugbyman doit remplir au moins un de ces critères pour porter le maillot d'une sélection:
La fédération suisse travaille en étroite collaboration avec le Servette Rugby Club. Ce club genevois ne joue pas dans le championnat national, mais en France. Il a débuté dans la division la plus basse et a été promu neuf fois depuis 2014. Actuellement, il évolue en Nationale 2, la quatrième division française.
Ainsi, la Suisse pourra peut-être bientôt importer de bons Sud-Africains et Néo-Zélandais via Servette. Plus l'équipe joue haut, plus les chances sont grandes. Mais c'est une épée à double tranchant, prévient Sébastien Dupoux:
Avec cette situation, le développement du rugby outre-Sarine est aussi négligé. «On ne peut pas attendre d'un Suisse alémanique qu'il aille s'entraîner à Genève».
Mais la fédération propose, dans le cadre d'une académie à Zurich, des entraînements de haut niveau pour les meilleurs jeunes joueurs, dispensés par des entraîneurs expérimentés. Ils permettent de réduire l'écart de niveau au sein de l'équipe de Suisse et d'augmenter la valeur du championnat national.
Reste à savoir si cette démarche suffira, à court terme, à maintenir la Nati en deuxième division européenne. En attendant peut-être des cracks néo-zélandais, sud-africains ou tongiens venus de Servette.
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber