A des mineures, il aurait dit: «Ecartez les jambes, vous ne le faites jamais autrement». Une athlète a dû entendre de sa bouche qu’elle ne voulait aller voir son petit ami que «pour faire des saletés». Et, à la fin d’un camp d’entraînement, il aurait déclaré:
Un ancien entraîneur en chef des juniors dans une association régionale de Swiss Ski a commis à plusieurs reprises des transgressions. C’est ce qu’a révélé CH Media, le groupe auquel appartient watson, dans une enquête publiée cette semaine.
Gaudenz Bavier était président de l’association de ski concernée, celle des Grisons, où ces transgressions à l’égard de filles âgées de 16 à 18 ans ont eu lieu. Il a quitté ses fonctions cet été. Aujourd’hui, cet homme de 67 ans formule de graves reproches contre le Tribunal du sport suisse.
Ce dernier a rendu le verdict suivant contre l'entraîneur: il n’a plus le droit d’encadrer des jeunes pendant cinq ans et doit suivre au moins 25 heures de formation sur la violence psychologique et sexuelle et sur l’éthique dans le sport avec mineurs. Il doit aussi s’acquitter de 3000 francs de frais de procédure.
Comment avez-vous vécu ces derniers jours, depuis que les incidents dans l’association grisonne de ski sont devenus publics?
GAUDENZ BAVIER: Je dois d’abord dire que ce qu’a écrit CH Media n’est pas vrai. Les bains glacés et les douches sont aujourd’hui tout à fait normaux.
Personne ne le conteste. Mais est-il normal qu’un entraîneur de 50 ans observe les filles à ce moment-là?
Non, bien sûr que non. On a aussi présenté la situation comme si toutes allaient devenir des Lara Gut-Behrami. Soyons clairs: il s’agissait de la troisième garniture. Si trois sur neuf parviennent à intégrer un cadre de Swiss Ski, c’est déjà un bon résultat.
Nous avons écrit qu’elles «rêvaient de participer un jour à la Coupe du monde comme Lara Gut-Behrami». La fin justifie-t-elle les moyens?
Non, bien sûr que non. Je voulais seulement souligner que l’entraîneur était compétent techniquement et professionnellement. D’autres ont trouvé son exigence enrichissante. Cela n’excuse rien. Beaucoup de ses propos sont irréfléchis et inexcusables. Mais ce qui m’irrite, c’est aussi le jugement.
Qu’entendez-vous par là?
Tout ce qu’ont dit les athlètes a été pris pour argent comptant. Les déclarations des autres entraîneurs de l’équipe ont été moins considérées. Je comprends: il s’agit de protéger les victimes. Nous avons, en tant qu’association, tout fait, soutenu toutes les mesures et coopéré. Mais savez-vous comment j’ai appris le verdict?
Dites-le-nous.
Quand j’étais cet été à la piscine et que j’ai dû le chercher activement. Ce n’est pas possible. Ce n’est pas professionnel. A ce jour, nous n’avons pas été officiellement informés par Swiss Sport Integrity du jugement. Et cela me pose problème.
L’association grisonne de ski et vous, en tant que président, êtes accusés de ne pas avoir pris les problèmes au sérieux. Que répondez-vous à ces accusations?
On dit que j’aurais tenté d’étouffer l’affaire. C’est une accusation grave que je ne peux pas accepter. Je suis dans le ski depuis 1976, j’ai été sept ans chef du sport de performance à la Fédération suisse de ski, dix ans président de l’association des entraîneurs. J’ai toujours travaillé avec des athlètes féminines. Elles sont notre capital, notre potentiel. Je n’aurais jamais sacrifié une athlète. Cette accusation est injuste.
Quelques semaines seulement après sa prise de fonction, l’entraîneur a parlé de problèmes avec les athlètes. Il disait ne faire désormais que des séances individuelles «pour s’en sortir avec les dames». Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’alerte?
Si cette mesure avait porté ses fruits, on interpréterait probablement cette déclaration différemment aujourd’hui.
Cette mesure n'a pas porté ses fruits...
Je pense que c’était aussi l’expression de son surmenage. Ce sont de jeunes femmes intelligentes, qui fréquentaient le gymnase.
Comment en êtes-vous venu à l’engager en 2019?
Nous avions alors un entraîneur qui a dû arrêter pour raisons de santé et qui est malheureusement décédé depuis. Nous devions trouver rapidement un remplaçant. J’ai demandé des références auprès de la fédération italienne, qui étaient bonnes. Et je suis allé en Italie exprès pour le rencontrer personnellement.
Et les premiers mois avec ce nouvel entraîneur en hiver 2019, ça s'est passé comment?
Il y a eu des difficultés au départ, mais c’est normal. Les athlètes et l’équipe d’entraîneurs devaient d’abord s’habituer les uns aux autres. Ensuite, j’ai eu l’impression que ça allait bien. Il n’y a eu aucune plainte pendant des années.
Quand avez-vous appris pour la première fois qu’il y avait des problèmes avec cet entraîneur?
Seulement en 2022, lorsque certaines athlètes ont arrêté et que nous voulions savoir pourquoi. Nous avons mené une enquête anonyme. Il en est ressorti que beaucoup de choses n’allaient pas. Que l’entraîneur ne traitait pas les athlètes d’égal à égal et faisait des remarques sexistes.
Et quelles mesures avez-vous prises?
Nous avons immédiatement convoqué et entendu l’équipe d’entraîneurs. Ce coach n’était absolument pas prêt à reconnaître ses torts, avait une perception complètement différente et une justification pour tout.
Sur la chaîne SRF, vous avez déclaré qu’il était autrefois normal que les techniciens donnent un coup de tournevis sur les fesses des skieuses avant le départ.
C’était l’usage. Comme un rituel. Une façon de dire: «Bonne chance!» L’entraîneur a grandi dans une autre génération. Une athlète a interprété son geste comme une claque. Je lui ai dit qu’il devait convenir avec chaque athlète de la manière dont se passait la procédure au départ. Ce qu’il a fait était simplement idiot et irréfléchi. J’ai eu maintes conversations avec lui à ce sujet.
Et qu'est-ce qui a été décidé après ces échanges?
Nous lui avons adjoint une psychologue pour une supervision. Il y a également eu une discussion avec l’équipe d’entraîneurs, les parents et les athlètes. Cela semblait avoir un effet.
Pourtant, peu de temps après, une dénonciation a été transmise à Swiss Sport Integrity.
Swiss Sport Integrity a alors décidé que l’entraîneur ne devait plus être seul avec les femmes. Nous avons approuvé et soutenu cette mesure, même si elle nous posait évidemment des problèmes d’organisation. Mais il faut aussi voir que nous ne pouvions pas simplement le licencier sur-le-champ.
Et vous auriez voulu le licencier avec effet immédiat?
Franchement: sur le moment, oui. Puis j’ai réalisé que nous avons un droit du travail et que chacun a droit à être entendu. L’audition a eu lieu peu après.
L’entraîneur a qualifié l’interrogatoire de «terrorisant» et s’est fait mettre en arrêt maladie ensuite. Vous portez quel regard là-dessus?
Je n’étais pas présent. Pour lui, tout cela était incompréhensible. A partir de là, il s’est placé dans le rôle de la victime. Dans sa perception, il n’avait rien fait de mal. Il appréciait ses athlètes. Mais il s’est aussi comporté de manière totalement inappropriée.
Avez-vous eu des contacts avec lui depuis la publication de l'enquête?
Il m’a appelé lundi et m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai alors envoyé quelques articles. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles. Pour moi, une chose est claire: en tant que président d’association, il faut aussi assumer ses responsabilités quand quelque chose ne va pas, même si c’est désagréable.
Adaptation en français: Yoann Graber