Roger Federer laissera une magnifique trace, tant comme tennisman que comme personne. Son tennis a été aussi brillant que son comportement, sur et en dehors du terrain. Mais on a trouvé 5 points sur lesquels le Bâlois aurait pu être meilleur.
Federer n'a remporté qu'une seule fois Roland-Garros, de loin le tournoi du Grand Chelem où il a été le moins sacré. La faute, surtout, à un homme: Rafael Nadal. L'Espagnol, meilleur joueur de l'Histoire sur terre battue, a, lui, soulevé quatorze fois (!) la coupe des Mousquetaires. Le bilan des face-à-face entre le Majorquin et le Bâlois à la Porte d'Auteuil est sans équivoque: 6-0 pour Nadal. L'Ibère a gagné 4 finales et 2 demi-finales. Avec un souvenir particulièrement traumatisant pour les fans de Federer: la finale de 2008. Le Suisse avait subi une véritable correction 6-1 6-3 6-0.
Federer n'a jamais trouvé la solution contre Nadal sur la terre battue parisienne, embêté sur son revers par le gros lift de l'Espagnol. Et même quand le Bâlois a réussi à mieux gérer cette situation de jeu sur la fin de sa carrière, ça n'a pas suffi à Paris (défaite en demi-finale en 2019). Un gros regret.
C'est le seul gros titre qui manque au palmarès du Maître: une médaille d'or en simple aux Jeux olympiques. Il en était très proche aux JO de Londres 2012, dans son jardin de Wimbledon, quand il s'est incliné en finale face à Andy Murray.
Rafael Nadal, son grand rival, peut lui se targuer d'avoir décroché la plus belle des breloques, en 2008 à Pékin. Mais Roger Federer a de quoi se consoler: il a remporté l'or en double avec Stan Wawrinka dans ces mêmes JO chinois et son autre adversaire historique, Novak Djokovic, a – pour l'instant en tout cas – fait moins bien (une seule médaille de bronze, à Pékin).
Le Bâlois aurait vraisemblablement pu ajouter quelques lignes à son incroyable palmarès s'il s'était davantage investi dans l'équipe suisse de Coupe Davis. Entre 2005 et 2010, il n'a joué la compétition que pour faire le pompier de service en barrages en fin d'année, histoire d'éviter la relégation. Une sorte de service minimum. Avec un coéquipier de la trempe de Stan Wawrinka, Federer aurait assurément permis à l'équipe de franchir régulièrement le premier tour s'il l'avait joué, et même de faire partie chaque année des favoris.
Mais le Maître ne s'en est jamais caché: il a privilégié sa carrière personnelle. Et on peut aussi le comprendre: son calendrier était déjà bien rempli. Mais un brin de patriotisme supplémentaire sur le court n'aurait pas été de trop.
Autre petit reproche qu'on peut adresser au Bâlois: son manque de transparence en communiquant sur la Coupe Davis. Il laissait souvent planer le doute jusqu'au dernier moment quant à sa participation ou non aux matchs. Y compris lors du premier tour en Serbie en février 2014, année où Federer avait (enfin) fait du Saladier d'argent l'une de ses priorités. Avec Stan Wawrinka, ils étaient allés au bout du rêve en offrant à la Suisse sa première Coupe Davis. Après cette finale contre la France, le Bâlois n'aura disputé qu'une rencontre: le barrage de 2015.
Avec l'aura et l'influence qu'il avait, Roger Federer aurait pu davantage prendre position sur des enjeux sociaux. Malgré la création de sa fondation et l'exemplarité de son comportement sur le terrain et avec les gens en général (grâce auxquels il a transmis de belles valeurs), on ne peut pas dire que le Suisse se soit beaucoup mouillé en conférence de presse ou sur les réseaux sociaux pour dénoncer les injustices sociales ou les problèmes que rencontre notre planète.
Originaire par sa maman d'Afrique du Sud, un pays gangréné par le racisme, il n'a pas fait beaucoup plus que poster un carré noir avec un cœur pour soutenir le mouvement Black Lives Matter après le meurtre de George Floyd en juin 2020, aux Etats-Unis.
Et quand il a été interpellé début 2020 par des militants du climat – dont l'icône Greta Thunberg – sur les réseaux sociaux par rapport à son partenariat avec la banque Credit Suisse, accusée de financer des énergies très polluantes, Federer s'est contenté d'une réponse toute faite, des plus banales, via un simple communiqué. Extraits:
Roger Federer‘s statement regarding the protests from climate activists, asking him to break ties with Credit Suisse. #Federer pic.twitter.com/vg9Ig1EmQ7
— Simon Häring (@_shaering) January 11, 2020
Le Bâlois prenait clairement plus d'initiatives et de risques quand il montait au filet conclure les points.
Si Federer avait fin nez sur le court en sentant le tennis à la perfection, les choses semblent plus compliquées pour lui dans le secteur économique. Ambassadeur et actionnaire d'On depuis fin 2019, le Bâlois a perdu beaucoup d'argent depuis le début de l'année à cause de la marque de sport suisse. La faute à la chute vertigineuse de son action en bourse: plus de 50%. Elle valait 38 dollars début 2022, pour seulement 18,10 ce samedi. Lors de son entrée à Wall Street en septembre 2021, son prix était de 24 dollars.
On ne sait pas exactement combien Roger Federer a investi dans la firme, mais des estimations reprises par Blick parlent de 50 à 100 millions de francs (un peu moins de 5% du capital total, selon certaines sources). Le média alémanique Blue évalue ainsi à 200 millions de francs la perte financière actuelle du Bâlois à cause de ses actions chez On.
Outre ses problèmes financiers, la firme helvétique a vu son image être écornée ces dernières semaines. Une enquête de la SonntagsZeitung révélait que les prix des produits vendus sur le site suisse étaient plus chers de 15 à 51% par rapport à ceux sur les portails américains ou allemands, par exemple. De quoi donner l'impression aux consommateurs suisses d'être des vaches à lait. Le salaire des cinq patrons d'On a aussi fait grincer des dents: en 2021, ils ont reçu 83,6 millions de francs, alors que l'entreprise a annoncé une perte de 170 millions.
On espère pour On pareil retournement de situation que la finale de Federer à Wimbledon 2008 contre Nadal, quand le Suisse était revenu de nulle part à deux sets partout. En lui souhaitant un dénouement plus heureux.