Avec Roger Federer, le tennis semblait facile. La caricature aussi, à en croire tous les dessinateurs contactés. «Depuis très jeune, il a un visage particulièrement distinctif, avec des traits saillants», observe Herrmann, auteur de deux BD sur le Maître et qui œuvre notamment pour La Tribune de Genève. «Il a un physique graphique et des détails auxquels se raccrocher», appuie Christophe Bertschy, créateur des MiniPeople suisses.
Parmi ceux-ci, l'artiste vaudois cite le bandeau et les cheveux. En jetant un regard attentif sur ses caricatures, on voit que la tignasse du Bâlois n'a pas évolué au fil des ans, alors même qu'il s'est coupé les tifs de plus en plus courts. «C'est parce que je suis fainéant», se marre Christophe Bertschy. «Non, plus sérieusement, quand on caricature l'actu, il faut aller vite, on n'a pas toujours le temps de dessiner de nouveaux modèles. Alors j'ai utilisé pas mal de copiés-collés de Federer, en jouant notamment sur les sourcils pour varier ses émotions.»
Les sourcils, épais et très foncés, font justement partie des traits physiques spécifiques du Maître. «Ils sont particulièrement proches des yeux, en forme de V. Alors je les dessine en faisant un seul trait avec les yeux», précise Herrmann.
Le dessinateur d'origine neuchâteloise, qui se définit comme «grand amoureux des visages», a pris le temps de scruter les moindres recoins de celui de l'icône nationale. «Comme ses sourcils, ses yeux sont aussi en V. C'est marrant, parce que beaucoup de tennismen pros partagent cette caractéristique», remarque l'artiste, qui avoue croire que le physique d'une personne détermine son psychisme. Il enchaîne:
Mais c'est par le nez qu'Herrmann commence toutes ses caricatures. «Celui de Federer est long et en forme de patate», tranche-t-il, tout en tenant à préciser que «malgré ses nombreuses imperfections, Roger Federer est un beau mec».
«Je crois qu'on a tous eu tendance à exagérer son nez», rigole Barrigue. «La mâchoire large» du jeune retraité a aussi tapé dans l'œil du fondateur de Vigousse. Comme ses confrères, il avoue ne pas avoir eu de peine à esquisser les traits physiques du Bâlois. La complexité était ailleurs:
Compliqué, en effet, de tourner en dérision une personne en apparence si lisse, si parfaite. D'autant plus quand on n'éprouve que de l'admiration pour elle. «Mes dessins de Federer, très élogieux, étaient ceux d'un passionné», concède Barrigue, qui ne s'est pas gêné d’égratigner d'autres personnalités durant sa longue carrière.
«Federer est la seule personne qui m'a fait perdre mon deuxième degré», reconnaît Herrmann, au point d'en vouloir au Bâlois de susciter chez lui pareille adoration. Christophe Bertschy témoigne, lui aussi, de cette peine à garder une distance critique avec l'idole nationale. «J'avais l'espoir qu’il écrive la préface de l’un de mes livres, alors j’ai été hyper respectueux. Mais comme il ne l’a pas fait, je me suis un peu lâché après, notamment sur les références à Mirka», se marre-t-il.
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— Christophe Bertschy (@SwissMinipeople) September 15, 2022
Federer a donc donné du fil à retordre à ses adversaires et aux caricaturistes. Mais aussi aux imitateurs. La star locale en la matière, Yann Lambiel, en sait quelque chose. «Il était plus dur à contrefaire que Wawrinka parce qu'il gagnait tout», rembobine-t-il.
Contrairement aux dessinateurs, le Valaisan n'a pas vraiment de détails sur scène pour se raccrocher au personnage: «Nadal qui se gratte les burnes et Wawrinka avec son index sur la tempe sont beaucoup plus identifiables». Et côté voix, ça donne quoi? «Je l'ai reproduite très instinctivement», se souvient Yann Lambiel.
L'imitateur marque un silence. «Ah oui, il y a quand même un moment où Federer a touché le ridicule: ses pubs pour Sunrise!». Il poursuit, toujours en se marrant: «Comme il va certainement encore en faire maintenant qu’il est retraité, on aura enfin du travail!»
Les dessinateurs devront aussi sans doute continuer à tailler leurs crayons pour le Bâlois, qu'on imagine mal disparaître du jour au lendemain de la vie publique. L'homme aux 20 titres du Grand Chelem va, par exemple, donner du pain sur les planches à Herrmann ces prochains mois. Le Neuchâtelois a prévu de sortir son troisième album sur Federer en 2023, en collaboration avec son collègue Vincent. Son thème: la rivalité du Suisse avec Rafael Nadal.