A Bonmont, dans les hauts de Nyon (VD), se cache l’un des rares courts en gazon naturel de Suisse. En bons joueurs (du dimanche) que nous sommes, nous avons plutôt l'habitude de «gratter la petite jaune» sur terre battue, en bramant des «vamos» noyés d'accent vaudois.
Il nous arrive aussi de «jouer l'acier» (les vrais savent) sur une bonne vieille moquette granuleuse indoor, ou parfois encore sur dur. Cette étonnante surface herbeuse que l'on appelle «gazon», en revanche, nous était inconnue. Jusqu'ici.
Toujours prêts à mouiller le maillot au nom de la science (et pour aller jouer au tennis un mardi après-midi «mais c'est pour le boulot, patron»), nous avons testé pour vous le gazon à Bonmont, afin que vous n'ayez pas à le faire. Aussi, parce que vous ne pouvez pas le faire; en Suisse, les terrains herbeux se comptent sur les doigts d'une main, et à moins d'avoir un ami qui travaille à Bonmont et qui serait prêt à se faire virer pour vous, impossible de venir massacrer la délicate pelouse avec vos groles pour terre battue.
Pour les plus acharnés d'entre vous, il existe toutefois une option: les terrains sur gazon de Bienne. En 2017, des passionnés de la balle jaune – regroupés dans l'association Tennis Champagne – ont créé deux terrains dans l'ancien stade de foot désaffecté de la Gurzelen. Ils sont accessibles au public, en réservant (pour en savoir plus, cliquez ici).
Lorsque nous arrivons à Bonmont, un gros nuage gris menace. Il faut qu'on se dépêche de taper quelques balles, car si la pluie s'en mêle, ce n'est plus du tennis, mais du patinage artistique qui nous attend. Et autant le dire tout de suite: la grâce et l'élégance, ça n'est pas notre point fort.
Le premier échange est très vite écourté par une absence de rebond. Ou plutôt, par trois rebonds avant que Margaux ne daigne réagir.
Ce n'est ni la faute de la balle, ni de sa raquette. Ce qui fait défaut à la journaliste (en dehors de son niveau très moyen), c'est une capacité à réagir au quart de tour. Et par «quart de tour», entendons-nous bien: Yoann ne lui avait pas pour autant envoyé une patate dans les pieds à 200km/h.
Notre journaliste sportif a lui aussi été un peu surpris par les premières balles sur cette surface inconnue.
Peu de rebond, des balles qui fusent: bref, le gazon doit d'abord être domestiqué avant d'être apprécié. Mais une fois la bête maîtrisée, n'importe quel joueur amateur peut y trouver du plaisir. Surtout les grands adeptes du slice (les coups coupés, pour les profanes), un effet redoutable grâce auquel les balles se plantent littéralement dans l'herbe. Pour les remonter, l'adversaire aura forcément quelques craquements dans les genoux...
Toujours au rayon des dangers pour notre anatomie: les tentatives de glissade. Elles sont tout simplement à proscrire, à moins que vous soyez fétichiste des couloirs d'hôpitaux! Yoann a bravé l'interdit sur un coup de défense, où il s'est cru l'espace d'un instant toujours sur la terre battue. Sa cheville, qui a bloqué sec, n'a pas demandé du rab.
Consolation: cette magnifique scène a offert à notre vidéaste, Jérémie Crausaz, une cascade digne des meilleurs films d'action hollywoodiens (la démonstration dans la vidéo).
On ne va pas se mentir: jouer sur gazon, ça fait tout de suite très «gentleman en polo blanc et champagne à la main» (même si dans notre cas, la finesse ne saute pas tout de suite aux yeux). Mais en réalité, cette surface si chic est surtout capricieuse. Elle exige un entretien millimétré (tonte quasi quotidienne, arrosage régulier et correctement dosé, sols bien drainés…) et se montre hyper sensible aux conditions météo. D'où sa rareté. C’est d’ailleurs un petit miracle d’en trouver en Suisse, et plus encore d’avoir pu y poser nos semelles.
Cela dit, après quelques roulades plus ou moins esthétiques et des points disputés à la limite de la décence, on comprend mieux pourquoi Wimbledon reste Wimbledon. Le gazon impose un style, une discipline, une humilité. Et surtout, un jeu à l’ancienne: service-volée, réflexes éclairs, pas le temps de tergiverser. Alors, malgré l'ego qui en a pris un petit coup, y a-t-il ce petit goût de reviens-y? Oui. Mille fois oui.
Pour le plaisir de jouer autrement, pour la beauté de la surface et du cadre, et paradoxalement, pour l’ego aussi (car réussir un ace sur gazon, même à 40km/h, ça a tout de suite plus de gueule).
Alors bien sûr, le gazon n’est pas fait pour les glisseurs fous ni pour les joueurs qui aiment prendre leur temps. Mais pour un après-midi sportif entre potes, à alterner entre volées ratées et fous rires qui font travailler les abdos, c’est un bonheur absolu. Il ne manque plus que les terrains.
Merci au Golf & Country club de Bonmont et à l'agence EDGE pour leur accueil!