Elle s’appelle Loïs Boisson, elle n’a que 22 ans, et elle est en quart du Grand Chelem parisien. Et surtout, elle est la joueuse de ce tournoi que personne n’avait vue venir. Pas même ses adversaires, qui tombent une à une depuis le début de ce Roland-Garros 2025, qu’elle traverse comme un coup droit à 200km/h.
Elle débarque en wildcard, un sésame un peu symbolique glissé par la Fédération dans la poche d’une jeune joueuse méritante. Deux semaines plus tard, elle s’offre un quart de finale Porte d’Auteuil (elle affrontera Mirra Andreeva ce mercredi vers 13h). Pas mal pour une tennis woman qui avait disparu des radars huit mois durant, genou explosé et avenir suspendu à un ligament croisé.
Car oui, derrière l’euphorie actuelle, il y a eu les périodes d’ombre. De doute et de douleur. Loin des projecteurs des stades, Loïs Boisson a connu la galère, comme de nombreux autres espoirs français. Une progression patiente, un peu floue, ponctuée de tournois ITF loin des caméras. Un titre en WTA 125 à Saint-Malo en 2024 l’avait propulsée dans le top 200. Mais alors qu’on commençait à peine à se souvenir de son nom, son genou gauche a claqué. Ligament croisé. Saison terminée, rideau.
Mais Loïs Boisson n’est pas du genre à s’apitoyer. La jeune Dijonnaise a grandi dans l’ombre d’un papa basketteur, Yann Boisson, solide gaillard qui lui a transmis le goût de l’effort et de la gagne.
Très tôt, elle abandonne le ballon orange pour la petite balle jaune, avec la tête déjà bien vissée sur les épaules. La jeune femme ne sort pas du moule des académies de tennis huppées. Elle s’est faite à la dure, sur les terrains secondaires, avec les moyens du bord.
La jeune Française débute sur le circuit WTA en 2021. C’est en 2024 que tout s'enchaîne, avec une série de victoires sur le circuit ITF et un premier titre WTA 125. Puis, tout bascule. Son genou, sa saison. Son avenir? Car revenir après huit mois de blessure, ce n’est pas juste une affaire de genou réparé. C’est aussi une bataille pour retrouver le rythme, pour croire encore qu’on peut exister dans un monde où les points et les classements s’envolent plus vite que les certitudes.
Mais elle y croit, et en 2025, Loïs Boisson revient avec une détermination à toute épreuve. Enchaîne les victoires sur terre battue. Gagne à Chypre, en Espagne, en Suisse.
Roland-Garros, c’était censé être un bonus. Un tournoi sans pression. Une expérience, au mieux. Premier tour: Elise Mertens, 24e tête de série, balayée. Deuxième tour: Anhelina Kalinina, au tapis. Troisième: Elsa Jacquemot, sa compatriote, battue dans une ambiance un peu étrange, mi-sororité, mi-ambition. Déjà trois tours, alors que Loïs Boisson n’aurait même pas pu rêver de jouer à Paris sans invitation.
Mais c’est en huitièmes que le public comprend ce qui est en train de se passer. Jessica Pegula, numéro 3 mondiale, tombe à son tour. En trois sets d’une intensité folle, la jeune Française se révèle. Elle ose, elle frappe, elle s’arrache. Et la foule ne s’y trompe pas: elle vibre avec elle, elle scande son prénom.
Sur le Lenglen, l’ambiance devient volcanique. Une Marseillaise spontanée. 3-6, 6-4, 6-4. Des larmes après la balle de match. Boisson, les yeux embués, avoue n’avoir «jamais joué devant autant de monde».
Le reste est presque anecdotique tant le scénario paraît déjà complètement dingue. Elle devient la première wildcard à atteindre les quarts à Roland-Garros depuis Mary Pierce en 2002. La joueuse la moins bien classée à aller aussi loin en Grand Chelem depuis 2017. Elle triple son classement, flirte avec le top 125. Et empochera (au moins) 500 000 dollars.
Mais plus encore, elle gagne quelque chose que personne ne peut lui enlever: un stade qui scande son nom, alors que peu de spectateurs ne le connaissait avant le début de la quinzaine.
Ce mercredi, elle affronte la Russe Mirra Andreeva, 6e mondiale pour une place dans le dernier carré. Une autre prodige, mais dans un tout autre style, façonnée très jeune par les structures russes. L’opposition sera rude. Mais qui peut encore parier contre Loïs Boisson? La Française joue libérée, comme si elle n’avait rien à perdre. Et c’est peut-être sa plus grande force.
Son parcours, c’est celui d’une joueuse hors cadre. Une jeune femme qui n’a pas été poussée trop vite, trop haut. Qui a grandi dans un relatif anonymat, loin du tumulte des «espoirs» dont on finit par oublier les noms. La jeune Française n’est pas née star. Elle l’est devenue, à coups de sueur, de résilience et de statistiques déjouées à Roland-Garros.
Loïs Boisson, c’est la preuve que parfois, une wildcard suffit pour mettre le feu à tout un tournoi. Et qu’on peut encore écrire des histoires folles sur la terre battue parisienne.