«Et la dernière ovation pour l’un des plus beaux revers de tous les temps, Richard Gasquet»: le speaker officiel de Roland-Garros, l'ancien décathlonien et rugbyman Marc Maury, n'a pas tari d'éloges au moment de saluer la sortie du Biterrois, envoyé à la retraite jeudi par le numéro un mondial Jannik Sinner.
Evidemment, tout tennisman préférerait qu’on retienne de lui «l’un des plus beaux palmarès du circuit». Mais la carrière de «Ritchie», bien que respectable avec 16 titres en ATP 250, une Coupe Davis, une médaille olympique et plus de 1000 matchs disputés, n’a pas tout à fait répondu aux immenses attentes qui avaient été placées en lui dès son plus jeune âge. «Le petit Mozart» du tennis n'a jamais pris le même envol que «Rafa».
Il n’empêche que suivre Gasquet au fil des années a été un réel plaisir – sans doute est-ce lié à mes racines françaises. Mais au-delà du drapeau qu’il représentait, c'est surtout son revers qui m'a toujours subjugué.
Il serait exagéré d’affirmer que Gasquet possède le plus beau du circuit. Car au royaume du revers à une main, le seul qui compte véritablement, quelques derniers Mohicans tiennent la comparaison sans rougir. Et les Suisses le savent mieux que quiconque.
Stan Wawrinka a un bras impressionnant. Il détient peut-être même le revers à une main le plus puissant de la scène mondiale. De son côté, Roger Federer brillait par sa constance, son efficacité, sa variété, sa technique raffinée et son élégance. Au fond, seul le coup droit lifté de Rafael Nadal lui a véritablement posé problème.
Richard Gasquet détient aussi ces qualités en revers. Chacun de ses coups laissait transparaitre l'élasticité naturelle de son bras. Sa gestuelle fluide avait quelque chose de visuellement harmonieux. Et sur le Lenglen, son jardin favori, le public ne demandait qu’une chose: voir «Ritchie» lâcher une accélération fulgurante et déborder en un coup croisé ou long de ligne son adversaire.
Mais ce qui rendait son revers si marquant, c’est aussi le contraste saisissant qu’il créait avec le reste de sa palette. Comment ne pas le remarquer, ne pas l’admirer, tant le Français peinait à trouver derrière la même justesse côté coup droit? C’était aussi ce revers qui venait parfois le tirer d'affaire quand il avait la fâcheuse habitude de reculer loin derrière sa ligne de fond. Ce contraste a magnifié l’éclat de son revers.
Le dernier point de Richard Gasquet chez les professionnels est d'ailleurs à l'image de sa carrière: une violente accélération en revers qui désarçonne Jannik Sinner et fait frémir le public, suivie d’un coup droit facile, un véritable «penalty», expédié derrière la ligne de fond.
C'était aussi ça «Richard», un virtuose, capable de fulgurances comme de vilaines fautes, surtout lorsque son mental vacillait. Or malgré cette fragilité, le tennis perd beaucoup en même temps que le Français tire sa révérence. Un esthète s’en va, et avec lui s’efface un autre somptueux revers à une main.