Depuis le début de l’année, les Suisses effectuant des achats à l’étranger d’une valeur supérieure à 150 francs sont contraints de payer la TVA sur leurs biens à leur retour. Pour simplifier ce processus, l’Administration fédérale des douanes a lancé l’application QuickZoll, qui permet de calculer et de payer la TVA directement depuis un smartphone.
Toutefois, ce qui devait être une solution pratique et rapide s’avère problématique, comme le rapporte le Tages Anzeiger. En effet, l'application QuickZoll – censée simplifier la déclaration en douane pour les achats à l’étranger – applique systématiquement un taux de TVA de 8,1%, même sur des produits qui devraient être taxés à 2,6%. Cette pratique, qui pénalise les consommateurs, suscite des critiques de la part d’experts fiscaux et de défenseurs des droits des consommateurs.
Lancée en 2018, QuickZoll a séduit de nombreux voyageurs grâce à sa simplicité d’utilisation. Quelques clics suffisent pour déclarer ses achats, télécharger une photo de la facture et payer directement en ligne, évitant ainsi les files d’attente au guichet douanier. En 2023, l’application a enregistré 68 600 déclarations pour un total de 6,5 millions de francs de TVA collectés.
Mais derrière cette apparente efficacité se cache une inégalité. Prenons l’exemple d’une Suissesse dépensant 250 francs en France pour des aliments et des livres. En utilisant QuickZoll, elle paiera 20,25 francs de TVA, soit le taux normal de 8,1%, sur l’intégralité de ses achats. En revanche, si elle choisissait de déclarer ses biens au guichet, elle ne paierait que 6,50 francs, correspondant au taux réduit de 2,6% attribué aux livres et à l'alimentation. Cette différence de 13,75 francs représente une somme importante pour les consommateurs réguliers, notamment pour ceux qui comptent sur les prix plus avantageux à l’étranger pour boucler leur budget.
Les autorités suisses défendent cette approche. Selon l’Administration fédérale des douanes, appliquer un taux unique permet de simplifier le processus de déclaration et de le rendre accessible à tous. Cependant, cette simplification est loin de convaincre les experts fiscaux.
Dans le Tages Anzeiger, Martin Kocher, spécialiste du droit fiscal à l’Université de Bâle, considère cette pratique comme problématique. Selon lui, elle ne respecte pas les bases légales de la Constitution suisse, qui impose des taux de TVA différenciés selon la nature des produits. Il pointe également du doigt le risque d’encourager la contrebande, car les consommateurs pourraient chercher à éviter des taxes perçues comme injustes.
Interrogée par le Tages Anzeiger, La Fondation pour la protection des consommateurs abonde dans ce sens. Si elle reconnaît que l’application est utile pour éviter les démarches fastidieuses au poste-frontière, elle dénonce le fait que les produits soumis à des taux réduits soient taxés au maximum. Selon André Bähler, directeur de la politique et de l’économie au sein de la fondation, cette situation n’a jamais été «compréhensible» ni «acceptable».
Face aux critiques croissantes, l’Administration fédérale des douanes a annoncé qu’une modification de l’application pour intégrer les taux réduits de TVA était prévue. Toutefois, cette mise à jour ne sera pas disponible avant 2026. En cause, les coûts élevés et les ressources nécessaires pour redévelopper QuickZoll.
Ce retard s’explique également par les priorités du programme de transformation et de digitalisation des douanes, appelé Dazit. Ce projet englobe de multiples initiatives technologiques, dont la refonte de QuickZoll, mais les ressources limitées obligent à des arbitrages.
Dans l'attente, les défenseurs des consommateurs demandent plus de transparence sur les revenus supplémentaires générés par l'application. Des chiffres dont l’Administration fédérale des douanes affirme ne pas disposer.
Les consommateurs devront donc continuer à choisir entre payer un taux de TVA souvent excessif via QuickZoll ou perdre du temps à passer par le guichet douanier. Une alternative que beaucoup considèrent comme injuste et pénalisante, surtout dans un contexte économique où chaque franc compte.
(sia)