Dans la NZZ, le chef de l'armement Urs Loher déclare avec une franchise déconcertante:
Mais Swiss P s'est ensuite plaint et la Confédération a cédé à la pression. Et à Urs Loher de préciser:
Actuellement, on ne connait pas les chiffres. Ce que l'on sait en revanche, c'est que Swiss P est l'entreprise qui a succédé à Ammotec. L'entreprise d'armement Ruag, propriété de la Confédération, n'a vendu l'entreprise qu'en août 2022 au groupe italien Beretta. Ce dernier a toutefois promis de «maintenir le site de Thoune avec environ 400 emplois pendant au moins cinq ans».
Mais deux ans plus tard, à l'été 2024, les Italiens ont menacé de mettre fin à l'exploitation à Thoune parce qu'elle n'était pas assez rentable. Ainsi, l'armée achète donc des munitions dont elle n'a pas besoin pour maintenir en vie une entreprise que la Confédération a vendue à l'Italie il y a deux ans.
Lors de la vente, apparemment, la Confédération avait laissé entrevoir aux Italiens certains volumes d'achat, qui ont ensuite été réduits «en raison de la situation tendue du budget fédéral», a déclaré le Conseil fédéral en août 2024 à l'heure des questions du Conseil national.
Les Italiens disposent d'un levier puissant, car l'usine est considérée comme importante par la Confédération. Viola Amherd, ministre de la Défense, a déclaré lundi 9 décembre:
La présidente de la Confédération a déclaré que deux tiers de la production de Swiss P étaient destinés à des tiers. La loi suisse restrictive sur le matériel de guerre est le principal problème de l'entreprise en matière d'exportation.
Ce n'est qu'en novembre 2024 que l'on a appris que 645 000 balles de munitions pour snipers provenant de Thoune avaient atterri en Ukraine. Elles ont été livrées, apparemment à l'insu de la société Swiss P, via une entreprise polonaise, comme l'a rapporté la SRF. Or, la livraison d'armes à des pays en guerre n'est pas autorisée par la loi suisse.
Aujourd'hui, des politiciens posent même la question de savoir si le Conseil fédéral est prêt à racheter la fabrique de munitions au cas où les Italiens voudraient fermer. Le gouvernement n'a pas pris de décision dans ce sens, a répondu Viola Amherd à une question du conseiller national valaisan UDC Jean-Luc Addor. «Mais nous faisons tout ce qui est possible pour maintenir le site de Thoune.»
La monnaie nécessaire à l'achat controversé de munitions ne devrait pas manquer. Lors du débat sur le budget, le Conseil des Etats a décidé, lundi, après le Conseil national, de mettre à disposition de l'armée l'année prochaine 530 millions de plus que prévu par le Conseil fédéral pour l'armement, et ce à l'unanimité. Lundi soir, le Conseil des Etats a également donné sa bénédiction, sans opposition, à l'ensemble du budget fédéral.
Si l'armée achète plus de munitions que nécessaire, elle devra probablement en éliminer davantage. Cette procédure coûte également de l'argent. Le message sur l'armée 2024 donne un ordre de grandeur: 69,6 millions de francs y sont inscrits pour «l'élimination du matériel et des munitions de l'armée».
Selon le message sur l'armée, 592,1 millions sont prévus pour «l'acquisition et l'entretien de munitions». S'y ajoutent 58,3 millions pour la «révision des munitions». Au total, le poste «Munitions pour l'instruction et gestion des munitions 2024-2027» s'élève donc à 720 millions.
Le message sur l'armée précise également ce qu'il advient aujourd'hui des munitions usagées ou excédentaires:
Cela aussi a donc un coût, mais c'est tout de même un progrès, car auparavant, les munitions anciennes et excédentaires étaient encore jetées dans les lacs suisses. Entre 1918 et 1964, environ «8200 tonnes de munitions ont été immergées dans les lacs de Thoune, de Brienz et des Quatre-Cantons». La plus grande partie des munitions se trouve «à une profondeur de 150 à 215 mètres», peut-on lire dans une fiche d'information du Département de la défense datant de juin 2024.
L'armée continue de mastiquer les conséquences tardives de ces opérations d'immersion. Ce n'est qu'en août dernier que l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse) a lancé un concours d'idées pour trouver des «méthodes de récupération de munitions dans les lacs suisses respectueuses de l'environnement et sûres». A la clé, un prix de 50 000 francs.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)