Dans la nuit de mardi à mercredi, 19 drones russes ont pénétré dans l’espace aérien polonais. Certains ont été abattus. Aucune personne n’a été blessée, au moins une maison a été endommagée. L’incident est considéré comme une nouvelle provocation de la Russie.
Le président du Conseil des ministres polonais Donald Tusk a activé l’article 4 du traité de l’Otan. Celui-ci stipule que les Etats membres se consultent lorsqu’ils estiment que leur territoire, leur indépendance politique ou leur sécurité sont menacés. En résumé: l’Europe et ses alliés sont en alerte.
Bien que l’incident se soit produit à plus de 1000 kilomètres de nos frontières, l’inquiétude se fait sentir à Berne. Une source proche du gouvernement à la Chancellerie fédérale indique que le Conseil fédéral abordera certainement le sujet lors de sa séance de ce vendredi. Il s’agit d’analyser ce que cela signifie pour la Suisse.
Le ministre de la Défense Martin Pfister devra aussi se prononcer. Cet incident devrait influencer les discussions sur l'achat des nouveaux avions de combat F-35.
Nous rencontrons le conseiller fédéral en marge de la session d’automne du Parlement, dans le hall où il attend de prendre la parole devant le Conseil national. La conversation s'oriente rapidement sur l’attaque russe contre la Pologne. A la question de savoir si l’armée suisse aurait pu abattre ces drones russes, Martin Pfister répond:
Même pas avec les FA-18, les avions de combat les plus puissants dont dispose actuellement l’armée de l’air? Martin Pfister fait un geste de dénégation:
Et il souligne à quel point la protection de la Suisse contre les attaques aériennes est faible:
Ces pièces d’artillerie antiaérienne sont les M Flab: des canons antiaériens de 35 millimètres, utilisés notamment lors du WEF à Davos. Ils ont été introduits en 1960. Depuis, ils ont été «améliorés en continu», notamment avec un radar et un calculateur de tir, selon un document du Département de la défense (DDPS) de janvier. «Aujourd’hui, le canon est utilisable par tous les temps», poursuit le conseiller fédéral. Mais il ne peut être utilisé que localement:
Cela ne suffit pas contre un essaim de drones ennemis. Pour Martin Pfister, la leçon à tirer de cette nouvelle provocation russe contre l’Europe est claire. Il se voit conforté dans la stratégie d’armement du Conseil fédéral:
Les premiers avions de ce type devraient être livrés à la Suisse, selon la planification officielle, à la mi-2027 (enfin dans sa version optimiste, les Américains voient les choses autrement).
Reste à savoir si l’armée de l’air suisse recevra effectivement les 36 appareils commandés. Le prix fixe de 6 milliards pour 36 avions, annoncé par l’ancienne ministre de la Défense Viola Amherd, n’est plus valable. Les avions seront beaucoup plus chers. La politique suisse débat encore de savoir si le crédit sera augmenté ou si l’armée devra se contenter de moins d’avions F-35.
En plus des F-35, le système américain Patriot doit également renforcer la défense aérienne suisse, qui présente aujourd'hui des lacunes évidentes. La Suisse a commandé cinq de ces systèmes de défense aérienne terrestre à longue portée en 2022.
Ils devaient être livrés entre 2026 et 2028. Mais la livraison sera retardée: récemment, les Etats-Unis ont informé le DDPS que l’Ukraine devait être équipée en priorité de nouveaux systèmes. La Suisse devra donc patienter.
Le DDPS ne souhaite pas se prononcer sur la question de savoir dans quelle mesure ce retard affaiblit la capacité de défense de la Suisse contre les drones ennemis. Il souligne que la priorité donnée par les Etats-Unis à la livraison à l’Ukraine correspond aux contrats d’acquisition habituels (Foreign Military Sales). «On ne sait pas encore combien de systèmes seront concernés ni si la livraison de missiles sera également affectée», explique le DDPS.
Les clarifications sont en cours.
Traduit de l'allemand par Anne Castella