L'annonce de l'Office fédéral des transports (OFT) a fait l'effet d'une bombe jeudi: l'étape d'aménagement 2035 (EA 2035) pour l'infrastructure ferroviaire coûtera, selon les derniers calculs, 14 milliards de plus que prévu.
Le réseau de chemin de fer se développe progressivement. Le Parlement décide tous les deux ans de nouvelles étapes d'aménagement. L'EA 2035 doit éliminer les goulets d'étranglement et permettre une cadence au quart d'heure ou à la demi-heure sur 60 lignes. Le nombre de places assises doit augmenter d'environ 20%.
Les contours précis de l'offre contenue dans l'EA 2035 sont en passe d'être définis. Dans les discussions à ce sujet, il a été question de cadences au quart d'heure entre Zurich et Lucerne, Berne et Zurich ou Winterthur et Frauenfeld par exemple.
Le Parlement a approuvé un peu plus de 16 milliards de francs pour le projet. Mais sur la base d'études plus récentes, les CFF ont annoncé en 2021 avoir besoin de davantage de réserves. Sans aménagements supplémentaires, l'exploitation ferroviaire deviendrait instable et manquerait de ponctualité - en particulier sur des lignes comme Berne-Thoune, Bâle-Brugg ou Zurich-Winterthour.
Un an plus tard, la compagnie a en outre décidé de renoncer à équiper les futures rames à deux étages avec une technologie permettant une conduite plus rapide dans les courbes. Les CFF préfèrent miser sur une amélioration de l'infrastructure pour raccourcir les temps de parcours entre Saint-Gall et Winterthour ainsi qu'entre Lausanne et Berne.
Mais cela engendre des dépenses supplémentaires de 8,5 milliards. Et de 5,5 milliards pour l'aménagement de nouvelles gares qui doivent accueillir des passagers toujours plus nombreux. De nouvelles normes et l'inflation ont par ailleurs fait grimper les coûts de projets déjà validés.
L'OFT n'a pas encore communiqué les chiffres actuels. Toutefois, on tablait déjà fin 2023 sur des hausses de coûts importantes. Cela pourrait avoir continué entre-temps.
D'une part, le chantier durera plus longtemps, car des projets s'y ajoutent. La nouvelle offre ne sera introduite à de nombreux endroits que dans les années 2040.
L'aménagement du tunnel de base du Lötschberg sera également encore retardé en raison d'oppositions, ce qui aura une influence sur l'offre entre Berne et Brigue. La troisième voie entre Allaman et Morges (VD) sera mise en service au plus tôt fin 2040. Le désengorgement à Berne Wankdorf Sud ne sera pas terminé avant fin 2038. Sans lui, impossible d'envisager une extension autour de Berne. Celle de Zurich-Stadelhofen (condition préalable à une extension du RER) et le tunnel de base du Zimmerberg II (extension Zurich-Lucerne) arriveront dans le meilleur des cas en décembre 2037.
Seul le grand projet Zurich-Winterthour, qui pourrait s'achever fin 2035, demeure, lui, à peu près dans les délais.
La Confédération tente de limiter la casse. Ainsi, la future offre devrait d'autre part devenir moins attractive. La cheffe de l'OFT, Christa Hostettler, affirme que l'on pourrait économiser si, sur certaines lignes, deux trains circulaient toutes les 30 minutes à des intervalles inégaux au lieu d'une cadence au quart d'heure pile. Il est également envisageable de renoncer complètement à certains projets isolés.
Oui et non. Les représentants de la branche se sont déjà montrés critiques. En 2016, le chef des CFF de l'époque, Andreas Meyer, avait mis en garde contre une «explosion des prix» dans la SonntagsZeitung:
Il voulait «surveiller de très près» l'EA 2035: «Nous nous demanderons constamment s'il n'est pas possible de trouver des solutions autres que des aménagements».
Les CFF ont élaboré une alternative à l'EA 2035, qu'ils ont présentée en 2017. Ils ont en outre émis une prise de position critique, dans laquelle ils proposaient de vérifier régulièrement la rentabilité et la faisabilité financière de ce qui avait déjà été décidé. Ils s'inquiétaient en outre des surcoûts d'entretien - un point sur lequel Vincent Ducrot, l'actuel patron des CFF, reviendra par la suite.
En juillet de cette année, l'ex-patron des CFF Benedikt Weibel a dit tout le mal qu'il pensait de l'extension du réseau, qui repose trop sur des considérations de politique régionale. Il a demandé un moratoire. Mais c'était trop tard.
A la fin de son mandat en juin, l'ancien directeur de l'OFT, Peter Füglistaler, tentait quant à lui de calmer le jeu: «Nous pouvons financer les projets d'extension adoptés par le Parlement», assurait-il dans la NZZ am Sonntag - un pronostic osé a posteriori.
En fin de compte, c'est le Parlement qu'il faut tenir pour responsable. On lui a récemment reproché de surcharger les étapes d'aménagement avec toujours plus de projets, afin que chaque région dispose d'une nouvelle infrastructure. Ces mécanismes sont en partie dus à la nature fédéraliste de la Suisse.
Les parlementaires doivent par ailleurs composer désormais avec les surcoûts liés à l'abandon de la technologie pour les courbes rapides et les nouvelles bases de planification des CFF. Ils décideront probablement en 2026 de la suite à donner à cette extension et des chantiers qu'ils souhaitent financer.
Traduit et adapté par Valentine Zenker