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Les étudiants suisses sont ciblés par les services secrets chinois

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Image: Shutterstock (montage watson)

Comment les services secrets chinois et russes espionnent les étudiants suisses

Une demande d'abonnement étrange sur Instagram ou des liens d'amitié noués avec des étudiants rencontrés à l'étranger: de plus en plus d'étudiants suisses se retrouvent dans le viseur d'espions chinois ou russes. Le Service de renseignement de la Confédération alerte les hautes écoles.
17.02.2023, 06:0617.02.2023, 11:10
Raphael Rohner / ch media
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Il y a quelque temps, un doctorant de l'université de Saint-Gall (HSG) recevait régulièrement des demandes de contact sur les réseaux sociaux. Alors qu'il s'est d'abord réjoui de l'intérêt de certains étudiants de pays asiatiques, il a fini par se sentir mal à l'aise:

«Cette célébrité soudaine m'a semblé étrange. Sur leur profil, les inconnus semblaient être des étudiants d'universités d'Extrême-Orient, mais mon intuition m'a dit que cela n'était pas tout à fait vrai. Ils voulaient aussi toujours plus de détails sur un projet achevé auquel je n'avais participé que marginalement.»

Le doctorant a finalement supprimé son compte et en a créé un nouveau.

Les étudiants suisses seraient-ils dans la cible de services secrets et d'espions étrangers? C'est précisément ce contre quoi le Service de renseignement de la Confédération (SRC) met en garde dans une nouvelle brochure d'information destinée aux hautes écoles suisses.

L'étudiant de la HSG n'est pas un cas isolé – au contraire: comme les universités et les hautes écoles se protègent de mieux en mieux contre les accès extérieurs, de plus en plus d'étudiants et d'enseignants se retrouvent dans le viseur des services secrets étrangers et des espions économiques. Dans ce contexte, la culture ouverte des universités et hautes écoles suisses profite aux agents étrangers. Le service de renseignement, interrogé, écrit:

«De nos jours, il est facile d'avoir accès à des renseignements interdits: il suffit de faire une demande via les réseaux sociaux pour obtenir des informations – à moins qu'on se méfie»
Service de renseignement de la Confédération

Elle écrit des rapports pour des espions sans le savoir

Le SRC énumère également d'autres exemples de tentatives de collecte d'informations interdites. Une étudiante, par exemple, qui s'est liée d'amitié avec une supposée camarade de classe pendant son semestre d'études à l'étranger dans un pays asiatique, est ainsi tombée dans les griffes d'un service de renseignement étranger sans s'en rendre compte.

La Suissesse a été contactée par l'intermédiaire de son amie pour écrire des rapports pour un institut de recherche contre rémunération. L'institut de recherche s'est révélé être un service de renseignement étatique déguisé, qui utilise des étudiants étrangers comme moyen d'obtenir des informations de leurs universités.

Le SRC a connaissance de l'existence de liens entre des universités civiles et des institutions étatiques chinoises telles que les services de sécurité et l'armée. Cela engendre des risques potentiels, en particulier dans le cadre de coopérations de recherche avec des instituts suisses. Dans l'optique d'un transfert illégal de connaissances, le SRC considère la recherche appliquée dans les domaines techniques et scientifiques comme particulièrement critique.

Le service de renseignement suisse commente toutefois cette situation de manière extrêmement diplomatique:

«La collaboration internationale et l'échange de connaissances sont d'une importance capitale pour le domaine de la recherche et ne doivent pas être entravés. Il est toutefois important que les instituts de formation et de recherche soient conscients des menaces potentielles et qu'ils fassent preuve de prudence dans l'utilisation du savoir-faire critique»
Sonja Margelist, porte-parole du SRC

Il est donc de la responsabilité des universités et des hautes écoles, dans le cadre de coopérations de recherche, de s'informer au préalable de manière approfondie sur l'institut partenaire étranger et ses intentions, et de clarifier les risques éventuels en matière de sécurité ou d'espionnage avec les autorités compétentes.

On sait depuis longtemps qu'un réseau du Parti communiste chinois ainsi que le ministère de la Sécurité d'Etat de la Chine exercent en Allemagne une influence cachée sur leurs compatriotes. Il y aurait aussi des associations d'étudiants proches du parti qui pourraient devenir actives de leur propre chef si quelqu'un se faisait remarquer, explique Ralph Weber, expert de la Chine et professeur à l'université de Bâle, dans un article de la Neue Zürcher Zeitung.

Salutations de Moscou

Depuis la guerre en Ukraine, les activités des services de renseignement russes ont également augmenté, écrit le Service de renseignement de la Confédération. L'approche est similaire à celle des services chinois: Moscou investit également dans la collecte d'informations des universités suisses.

Sur LinkedIn, on trouve de nombreux groupes russes qui veulent recruter des spécialistes suisses. Les start-up russes sont également très appréciées, notamment dans le milieu universitaire: il s'agit d'offres d'emploi lucratives pour les étudiants ou de financement de projets de recherche.

«Si de telles tentatives d'accès des puissances étrangères échouent, des cyberattaques contre les hautes écoles ne sont pas à exclure»
Service de renseignement de la Confédération

C'est très probablement ce qui s'est passé à l'université de Zurich, où des inconnus ont tenté début février de pirater les systèmes de sécurité de l'établissement.

Selon le service de renseignement suisse, les possibilités d'accès des collaborateurs et des étudiants depuis l'extérieur constituent également un risque pour les hautes écoles. Depuis la pandémie de coronavirus, les possibilités d'accès à distance se sont établies partout.

«Avec ce saut rapide dans la numérisation, le temps a manqué à de nombreux systèmes pour établir un contrôle de sécurité suffisant. Souvent, des appareils privés sont en outre utilisés pour ces accès, et ils ne peuvent pas être entièrement contrôlés», explique le SRC. Il est également peu probable que les organisations auditent leurs systèmes a posteriori et mettent un terme aux possibilités d'accès à distance.

Les universités très discrètes

Les universités de Suisse orientale gèrent différemment la situation des menaces. L'université de Saint-Gall reste plutôt discrète: «Nous nous occupons de la sécurité des données et de la cybersécurité, où nous prenons différentes mesures de prévention, y compris des campagnes de sensibilisation. Mais pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons pas donner d'informations plus détaillées sur notre dispositif et notre procédure», répond le porte-parole Achim Podak.

A la Haute école spécialisée de Suisse orientale (OST) aussi, on se garde bien de donner des informations. Depuis quelques temps, un responsable de la sécurité de l'information a été engagé, explique le porte-parole Willi Meissner. Celui-ci ajoute:

«L'OST oppose à l'espionnage et à d'autres menaces comme les cyberattaques un mélange de mesures techniques et organisationnelles afin de minimiser les risques. Si l'on prend l'exemple d'un projet de recherche confidentiel ou sensible, on peut par exemple garantir par contrat, sur le plan organisationnel et technique, que seules les personnes directement impliquées dans le projet ont accès aux données et aux locaux qui y sont liés.»

Les deux hautes écoles n'ont pas connaissance de cas concrets d'espionnage, mais en cas de soupçon, les autorités mèneront une enquête approfondie.

La Chine est très intéressée par les connaissances de nombreuses universités suisses.
La Chine est très intéressée par les connaissances de nombreuses universités suisses.image: Raphael Rohner

Signaler les comportements suspects

Un coup d'œil sur les rapports annuels du service de renseignement montre que le nombre de «mesures» prises contre des activités de renseignement interdites a augmenté en 2022. 56 mesures ont été prises, contre seulement six l'année précédente. Par mesures, le service de renseignement entend entre autres une reconnaissance par des moyens techniques, par exemple une reconnaissance par câble.

Les données de télécommunication sont collectées et analysées – cela signifie: le service de renseignement écoute et lit. De même, le service de renseignement peut décrypter des voies de communication à l'étranger et se procurer ainsi des informations. En Suisse, les mesures soumises à autorisation sont approuvées par le Département de la justice et contrôlées par une autorité de surveillance indépendante.

Pour que le service de renseignement puisse identifier d'éventuelles menaces le plus tôt possible et prendre des mesures, celui-ci a besoin d'une réaction rapide des personnes concernées. Dans le dernier guide du service de renseignement, il est conseillé aux membres des hautes écoles et aux étudiants de prendre directement contact avec la police cantonale et le service de renseignement.

«Quiconque reçoit des demandes douteuses ou remarque un comportement suspect doit sauvegarder des preuves telles que des e-mails ou des historiques de conversation. Nous examinerons ensuite ces indices et évaluerons la situation en toute discrétion»
La porte-parole du SRC

Les éventuelles interventions ou enquêtes menées en Suisse orientale par le Service de renseignement de la Confédération ne sont ni démenties ni commentées.

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Les images du ballon espion chinois
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Poutine a fait transpirer son chef de l'espionnage
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