La gauche radicale se permet tout, c’est même à ça qu’on la reconnaît. Dernière action en date, tout près de chez nous, une campagne d’affichage des jeunes POP vaudois exigeant la démission de Valérie Dittli – la conseillère d’Etat s’est vue retirer les finances au mois de mars suite à des dysfonctionnements au sein de son département.
Les jeunes popistes vaudois y vont franco: «Dittli nous vole et nous ment. Dittli démission», clame l’affiche placardée en plusieurs endroits de Lausanne, comme l’a constaté 24 Heures, qui révèle l’information.
Visuellement, c’est sans doute plein de talent, avec, défense de la cause du peuple oblige, les couleurs rouge et noire de la lutte prolétarienne. Le bandeau «Dittli démission» barrant les yeux de la conseillère d’Etat peut faire penser à une personne enlevée par un groupe activiste – on évitera le terme «terroriste» pour ne pas en rajouter.
Contacté par le quotidien vaudois, le département de la conseillère d'Etat a réagi:
Les jeunes communistes du canton de Vaud reprochent à la Zougo-Vaudoise d’avoir chouchouté les riches contribuables au moyen d’un bouclier fiscal selon eux inique. Cette accusation méritait-elle cette mise en scène déshumanisante?
Cela amène à une observation, que chacun peut faire soi-même au demeurant: se considérant à nouveau comme à l’avant-garde de l’Histoire, la jeunesse radicale de gauche prend de plus en plus possession de l’espace public en vue d’imposer ses vues. La crise climatique, qui va de pair avec la crise de la croissance, par conséquent de la redistribution, sert d’alibi à un projet politique qui n’a en réalité rien de nouveau, puisqu’il remet en selle la dictature du prolétariat.
On en a eu un aperçu insistant en 2024 avec les tentatives d’entrisme du Parti communiste révolutionnaire dans les universités romandes. Le moment était «mûr» pour agir, disaient les initiateurs de cette agit-prop.
La fenêtre révolutionnaire est à l’évidence plus que jamais ouverte aux yeux de nos jeunes popistes vaudois. Lesquels, avec leur affiche désignant Valérie Dittli à la vindicte, ou à la moquerie, ce qui ne vaut pas mieux, recourent aux mêmes procédés humiliants qu’une certaine UDC dénonçant en 2023 la «criminalité étrangère».
Il n’aura échappé à personne que pour une frange de la gauche, la violence politique est tendance au motif qu’elle serait légitime. L’attaque de cette gauche sans gêne contre la conseillère d’Etat, pour symbolique qu’elle soit, participe d'une dérive vers la violence politique.
Les violences de l’extrême gauche, mercredi, en certains lieux en France, à l’enseigne de «Bloquons tout!», témoignent, elles aussi, d’une absence totale de gêne. En représentation constante d’elle-même, la gauche radicale occupe le terrain, au sens littéral. D’où les appels à l’«occupation», des places, des universités, des rues, des ronds-points. De quel droit? La démocratie n’est abolie ni en Suisse ni en France, à ce que nous sachions.
Ce n’est pas à la gauche radicale qu’on doit d’aller et venir sans risquer la mort. Ce n’est pas à elle qu’on doit le combat contre tous les racismes. Encore moins à elle qu’on doit l’Etat de droit. C’est à la société libérale. Et lorsque cette dernière faillit – bavures policières, racisme dans les institutions –, ce n’est pas grâce à l’action de la gauche radicale qu’il y a réparation, c’est grâce à nos lois. Disons que la gauche radicale fait comme l’extrême-droite: elle préempte les combats qui l’arrangent.
Cette gauche gagnée par l'hubris se croit-elle seule au monde? D’un point de vue sociétal, on ne répétera jamais assez à quel point les thèses progressistes dites wokes ont suscité une réaction droitière. La tétanie qui s’est emparée des élites démocrates aux Etats-Unis, d’une lâcheté coupable face aux apprentis sorciers de la société radieuse, des censeurs dans l’âme, ont contribué à l’avènement du trumpisme et d’un influenceur comme Charlie Kirk, dont on ignore pour l’heure qui l’a tué.
Très peu soupçonnable de la moindre complaisance avec les trumpistes, l’essayiste Giuliano Da Empoli rapporte à ce propos une anecdote dans son dernier livre, L’heure des prédateurs (Gallimard, p.85). On est à Chicago, en 2017. Avec d’autres membres d’une délégation italienne, Giuliano Da Empoli est convié à un dîner par une fondation établie par Barack Obama à sa sortie de la Maison-Blanche. Les convives s’attendent à ce qu’il soit question de politique. Or leur premier hôte, l’ancien cuisinier de la Maison-Blanche, les entretient longuement du potager de l’ex-Première Dame, Michelle Obama.
Mais le plus désespérant arrive ensuite, lorsque lesdits convives, parmi eux, un officier transalpin assurant la protection de la délégation, apprennent qu’ils ne pourront prendre la parole qu’en passant par un «facilitateur de conversation» et seulement après s’être présentés en répondant notamment à cette question: «Dans quelle mesure ai-je le sentiment de faire partie de ma communauté?»
Giuliano Da Empoli, qui n'en revient pas, écrit:
La gauche radicale n’a pas le monopole de la violence politique. Sauf qu’elle en use de plus en plus, et de plus en plus avec des méthodes du camp qu’elle prétend combattre, le fascisme. Quand elle ne frappe pas, elle désigne qui frapper, dresse des listes d'indésirables, intimide. Elle s’arroge des droits contraires à l’Etat de droit.