«Le grand bal des faux-culs»: la droite genevoise vit sa Saint-Barthélemy
Ne soyons pas excessifs: à Genève, le camp bourgeois connaît sa Saint-Barthélemy, l'un des épisodes les plus sanglants des guerres de religion, en 1572, en France. Sur les réseaux sociaux, aux yeux de tous, les couteaux sont tirés. En cause, la rupture d’un accord qui avait la solidité d’une épaisseur de glace un 15 août sur le Léman.
Mais où sont donc passées les voix du Centre?
Cela n’a échappé à personne: dimanche, Monsieur de La Palice aurait pu le dire, il a manqué de votants pour que le candidat UDC Lionel Dugerdil soit élu au Conseil d’Etat dans le duel qui l’opposait au vert Nicolas Walder. Sauf que ces électeurs manquants avaient le nom d’un parti, celui du Centre, le «traître» dans l’affaire.
A Meyrin, exemple parmi d’autres, où sont passées les 500 voix obtenues par le candidat centriste au premier tour du 28 septembre? Pas dans la poche de Lionel Dugerdil, en tout cas, à nouveau battu d’un rien par Nicolas Walder dans la quatrième ville du canton.
Une «dette non acquittée»
Ce qu’il est reproché au Centre et à ses instances par le PLR et l’UDC, les protestants ou les catholiques dans ce scénario, chacun choisira au pays de Calvin, c’est de ne s’être pas acquitté de ce qu’ils estiment être une dette. Une dette récente: celle de l’élection de Delphine Bachmann au gouvernement genevois en 2023.
Rappel. La centriste avait accédé à l’exécutif à la faveur d’une entente électorale de circonstance – l’Alliance genevoise – liant le PLR, le Centre, le MCG et l’UDC. Le candidat UDC à l’époque, déjà Lionel Dugerdil, n’avait pas été élu, mais les électeurs de son parti, considérait-on, avaient voté pour la centriste. L’UDC attendait donc un retour d’ascenseur du Centre à l’occasion de la présente élection complémentaire. Qui n’est pas venu.
Ce que le RN est aux macronistes
L’UDC et son allié le PLR – qui sait que les voix du parti national-conservateur lui sont désormais utiles sinon vitales dans les scrutins majoritaires – croyaient-ils seulement à leur plan? Soyons sérieux: le Centre, dont l’ADN est la modération, du moins le refus des excès, pourrait-il continuer de s’appeler le Centre en formant une alliance structurelle avec l’UDC, ce que le Rassemblement national est aux macronistes en France?
Les centristes genevois viennent de répondre à cette question: c’est non. En sortant de l’ambiguïté, ils ont déclenché la guerre. Tout a commencé par un communiqué du parti et de son président, Philippe Rochetin. Publié dans la foulée des résultats du second tour de la complémentaire, dimanche 19 octobre, après les attaques proférées par le PLR et l’UDC sur le plateau de la chaîne Léman Bleu contre ces «faux-frères» de centristes.
Halte au sketch!
Halte au sketch!, écrit en substance le Centre, qui – on ne pourra pas lui reprocher sa tiédeur sur ce coup-là – demande au PLR de mettre un terme à son pas de deux avec l’UDC, une «machine à perdre», dit-il, pour reformer la belle Entente des familles genevoises (lorsque le Centre s'appelait encore PDC), avec les Verts’libéraux au passage. Tout juste si le communiqué ne traite pas l’UDC de racaille.
«Le grand bal des faux-culs»
Vers 1 heure du matin ce mardi, le très courtois Vincent Maitre, conseiller national centriste, répondait aux piques lancées sur le plateau dominical de Léman Bleu par un post intitulé «Le grand bal des faux-culs», où, on vous la fait courte, il dézingue le PLR et l’UDC, qui diraient des choses fausses en plus d’avoir la mémoire courte. Dans son viseur, le PLR occupe toutefois toute la cible, décrit comme «l’idiot utile» du MCG (Mouvement des citoyens genevois, un parti populiste) et de l’UDC.
«Cher Vincent...»
Son compatriote genevois Cyril Aellen, conseiller national également, mais du PLR, lui répondait aux alentours de 7 heures dans la matinée. Sa réplique commence ainsi:
Suit un rappel de ce que le Centre doit à la droite PLR et UDC, selon Cyril Aellen. Qui prend acte de la rupture en vue des prochaines échéances, les fédérales en 2027 et les cantonales en 2028.
Vers une tripartition à la française?
Est-ce le début d’une grande clarification ou d’une longue guerre de religion? Tout donne à penser, en l’état, que Genève suit une évolution observée ailleurs, en France notamment, qui est celle de la tripartition et qui complique la gouvernance des affaires publiques. Avec, donc, une gauche dogmatique, une droite dure et, au milieu, un bloc central. Dans l’histoire, le maillon faible, c’est le PLR, l’équivalent des Républicains en France, tiraillé entre son aile européenne et son aile plus droitière.