Le 25 février 2020, le premier cas de Covid-19 était détecté en Suisse. La suite, on la connaît. Cinq ans plus tard, le sujet ne fait plus partie des préoccupations de la population, qui est globalement passée à autre chose. Pas tous, toutefois, ont pu laisser cette période derrière eux. C'est notamment le cas des personnes atteintes de Covid long.
Leur nombre exact n'est pas connu, car des chiffres officiels font toujours défaut. «C'est un gros problème, puisque cela peut donner l'impression que cette maladie n'existe pas», indique Corinne Baudet, représentante romande de l'association Long Covid Suisse. Selon les estimations de cette organisation, les personnes touchées dans notre pays seraient entre 300 000 et 450 000.
La plupart d'entre elles sont malades depuis 2020 ou 2021, renseigne Corinne Baudet. Pourtant, l'association constate encore de nouveaux cas, notamment en raison des infections à répétitions, qui augmentent le risque de développer un Covid long.
«Le nombre de nouvelles demandes a diminué avec le temps», lui fait écho Mayssam Nehme, médecin adjointe à la consultation post-Covid des HUG. «Cela reflète ce que l'on retrouve dans la littérature, à savoir qu'il était plus probable de développer un Covid long avec les premiers variants du virus». La spécialiste indique que l'immunité naturelle et le vaccin ont fait diminuer le risque, mais le flux de nouvelles demandes ne s'est pas tari pour autant.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié une première définition du Covid long en 2021. Pourtant, et malgré les nombreuses preuves scientifiques, trop de personnes pensent encore qu'il s'agit d'une maladie psychosomatique, estime Corinne Baudet.
«La perception des gens évolue, bien que trop lentement», estime-t-elle, avant d'évoquer un autre obstacle: la volonté d'oublier la pandémie, qui a traumatisé durablement la population. «Nous, on rappelle que cela a existé, que ce n'est pas fini, qu'on continue de souffrir».
Long Covid Suisse a participé à l'élaboration de guides destinés aux médecins traitants, en collaboration avec l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Dans les faits, pourtant, l'association déplore que certains professionnels de la santé ne croient toujours pas les personnes malades.
Selon Corinne Baudet, ce type de conseils a empiré l'état des premiers malades, à qui on disait de faire des activités. Elle rappelle que le dépassement de ses limites physiques ou cognitives peut entraîner un malaise post-effort, parfois irréversible.
«Je pense que nous avons mieux compris les enjeux dans cette maladie», confirme Mayssam Nehme. «Au début, on disait aux patients de faire de la physiothérapie et davantage de mouvement. On sait maintenant que c'est délétère, car chaque activité physique peut amener à dépenser de l'énergie». La spécialiste fait toutefois remarquer qu'il faut trouver un équilibre entre des activités énergivores, mais nécessaires et des activités restauratives.
Elle ajoute que le risque d’augmentation des maladies chroniques, comme le diabète ou le cholestérol, existe chez les personnes atteintes de Covid long. «Elles risquent de développer ces troubles à cause de leur sédentarité accrue en plus des potentiels effets directs du virus.»
Malgré ce changement de vision, Long Covid Suisse estime que le suivi actuel n'est toujours pas suffisant. Corinne Baudet pointe la capacité limitée des consultations spécialisées, où les temps d'attente seraient «énormes». Situés dans les grandes villes, ces services peuvent également se révéler difficiles d'accès pour certains malades, ajoute-t-elle.
Autre point sensible: le suivi social de la maladie. La semaine dernière, de premiers chiffres à ce sujet ont été diffusés par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS). On y apprend que 12% des personnes atteintes de Covid long ayant déposé une demande à l'AI entre 2021 et 2022 se sont vu accorder une rente, soit un peu plus que la population totale (9%).
«La grande majorité des malades ne reçoit donc pas de rente, bien qu'ils soient généralement gravement affectés», réagissait Long Covid Suisse dans un communiqué publié dans la foulée. Et Corinne Baudet d'appuyer:
L'association dénonce également des expertises AI qui détérioraient l'état de santé des malades. Certains d'entre eux ont en outre rapporté que «les experts abordent les symptômes complexes sous un angle psychologique, sans les prendre au sérieux et sans en tenir compte de manière adéquate». Une situation que Corinne Baudet n'hésite pas à qualifier de «délétère».
«Les lacunes dans la prise en charge restent importantes», résume finalement Long Covid Suisse. «Plus de moyens devraient être mis dans la prise en charge médicale et sociale, ainsi que dans la recherche», complète sa représentante romande.