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Economie

CFF et Stadler: Les patrons suisses exposent leurs demandes

Les CFF ont pris une décision qui divise les patrons suisses

Des dirigeants de PME affirment que, pour les entreprises suisses, il est devenu courant que les sociétés étrangères soient privilégiées lors des appels d'offres publics. Ils sollicitent l’intervention du monde politique.
19.11.2025, 11:5719.11.2025, 11:57
Julian Spörri / ch media

Les marchés publics représentent un secteur de plusieurs milliards: la Confédération, les cantons et les communes dépensent chaque année plus de 40 milliards de francs pour leurs acquisitions, souvent sans grand retentissement médiatique. Il en va autrement lorsqu'une décision revêt une valeur symbolique, comme la récente commande des CFF de 116 nouveaux trains à deux étages auprès du groupe allemand Siemens. Le constructeur suisse Stadler, dirigé par l'UDC Peter Spuhler, est resté sur la touche.

Selon les CFF, son offre était non seulement 0,6% plus chère, mais elle obtenait également de moins bons résultats sur d'autres critères, notamment en matière de durabilité.

La décision continue de susciter l'incompréhension parmi les patrons d'entreprises. Lundi, 46 d'entre eux se sont réunis au Palais fédéral pour la session des PME. Ils y ont débattu et adopté des initiatives politiques destinées au Parlement, sous la conduite de véritables politiciennes et politiciens de tous partis, qui, en tant que «marraine» ou «parrain», s'engagent à poursuivre ces revendications.

Tous ne sont pas arrivés à l'heure le matin. «Ce n'est probablement pas un train Stadler, mais un autre qui a du retard», a plaisanté le conseiller national Andri Silberschmidt (PLR/ZH), à l'origine de la première édition du Parlement des PME.

Inégalité des chances en raison des salaires suisses

Ce que Stadler a vécu, «beaucoup de PME suisses le subissent au quotidien», a affirmé Samuel Sidler, directeur général du constructeur lucernois de machines Sistag. Dans un postulat élaboré avant même la décision des CFF, il demande que le «Swissness» soit davantage prise en compte dans les marchés publics. Concrètement, le Conseil fédéral devrait examiner si la valeur ajoutée réalisée en Suisse peut désormais être pondérée à hauteur d'au moins 10% dans l'évaluation globale. Il précise:

«Il ne s'agit pas de créer un Ballenberg (réd. musée qui reproduit la Suisse), mais la production locale doit avoir un poids plus important.»

La nouvelle législation sur les marchés publics, en vigueur depuis 2021, permet à l'Etat de prendre en compte non seulement le prix et la performance. Mais, selon l'expérience de Samuel Sidler, les exigences en matière de qualité et de durabilité sont souvent fixées à un niveau si bas qu'au final, c'est tout de même le prix le plus bas qui l'emporte:

«Dans ce contexte, nous, entreprises suisses, sommes fortement désavantagées face à des concurrents de l'UE qui versent des salaires nettement inférieurs.»

Adopté à une majorité des trois quarts, le postulat a été clairement approuvé par le Parlement des PME, comme la plupart des plus de trente propositions examinées. Beaucoup visent essentiellement à réduire l'intervention de l'Etat et à accroître la liberté entrepreneuriale. Le projet sur le «Swissness», en revanche, se distingue: il implique une intervention dans la libre concurrence. C'est aussi pour cette raison que des voix critiques se sont fait entendre.

Samuel Sidler, un entrepreneur
Samuel Sidler, directeur général de Sistag.Image: dr

Le CEO de Läderach critique l'exigence de «suissitude»

Une préférence nationale contredirait son esprit libéral, estime Sascha Trüeb, cofondateur du cabinet de conseil aux entreprises, Fasoon. De son côté, Johannes Läderach, directeur général de la marque de chocolat éponyme, souligne que l'initiative va à l'encontre de l'exigence selon laquelle la Confédération doit gérer ses finances avec parcimonie:

«L'Etat a déjà pour mission d'obtenir le prix le plus avantageux, même si je comprends que l'on veuille soutenir les secteurs locaux.»

La revendication soulève également des questions au regard des règles du droit commercial. Dans un accord de l'Organisation mondiale du commerce, la Suisse s'est engagée à ne pas défavoriser les autres pays signataires lors des marchés publics. Selon Samuel Sidler, le critère de la valeur ajoutée nationale ne constitue pas une discrimination directe: les entreprises étrangères peuvent en effet produire en Suisse.

La conseillère nationale Franziska Ryser (Verts/SG) expose:

«Le postulat soulève un point intéressant. Il reste à clarifier ce qui est réellement autorisé au niveau international et si nous ne pouvons pas simplement mieux exploiter la marge de manœuvre existante pour tenir compte des entreprises régionales.»

Selon elle, les critères tels que la durabilité ou l'engagement sociétal — comme la formation des apprentis — sont encore trop peu pris en considération, notamment au niveau communal et cantonal.

Elle va soumettre l'initiative à la Commission de l'économie et, parallèlement, demander un premier bilan de la révision totale du droit des marchés publics en vigueur depuis 2021. Pour les entrepreneurs qui ont joué au Parlement le temps d'une journée, le travail politique s'achève ici. Pour les députés, en revanche, il ne fait que commencer.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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