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énergie

Neuchâtel est le cancre de la transition énergétique

Ces 2 villes romandes ne font pas assez d'efforts pour la planète

Plus de 20% des communes utilisent encore des chauffages à énergies fossiles, même pour les nouvelles constructions. Deux villes neuchâteloises et une ville zurichoise figurent sur le podium des plus mauvaises élèves en la matière. Tour d'horizon des normes légales dans les cantons suisses.
21.11.2023, 05:5421.11.2023, 21:10
Julian Spörri / ch media
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L'objectif est clair: la Suisse veut atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. Mais la réussite de cet objectif dépendra notamment de la manière dont nous chauffons nos appartements et nos maisons. En effet, les bâtiments sont responsables d'un quart des émissions de CO2 du pays – 39% des ménages se chauffent au mazout et 17,5% au gaz (situation en 2022).

Compte tenu des objectifs climatiques, les nouvelles constructions de maisons devraient uniquement compter sur des sources d'énergie renouvelable comme les pompes à chaleur ou le bois. C'est du moins ce que l'on pourrait penser. Pourtant, une étude montre que même dans les nouvelles constructions, des chauffages fossiles (mazout ou gaz) sont installés, et ce avec de très grandes différences entre les communes.

CH Media (dont watson fait partie) a pu consulter en exclusivité une évaluation de l'entreprise de conseil Navitas Consilium, spécialisée dans les questions climatiques. Cette analyse révèle que 22% des communes suisses installent encore des chauffages fossiles dans les nouveaux bâtiments.

Ce chiffre se réfère aux collectivités ayant inscrit des constructions au registre des bâtiments et des logements de la Confédération entre septembre 2022 et septembre 2023. Lorsqu'elles ont signalé un système de chauffage non renouvelable, il s'agissait dans trois quarts des cas d'un chauffage au gaz, plus rarement d'un chauffage au mazout ou électrique.

«Recourir à des chauffages fossiles malgré l'urgence climatique, ça choque d'emblée. Cela pose des jalons erronés pour la suite»
Gabriel Ruiz, directeur de Navitas.

Car les chauffages au mazout et au gaz durent bien 20 ans.

Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds: de mauvais élèves

Concernant les données proprement dites, il faut garder à l'esprit des retards potentiels dans les inscriptions au registre des bâtiments, explique Ruiz. Et d'appeler à un examen attentif du contexte de chaque commune.

Les plus grandes communes sont plus significatives, car elles enregistrent logiquement davantage de projets immobiliers. Parmi les villes de plus de 30 000 habitants, Fribourg, Thoune, Vernier, Coire, Emmen et Köniz se démarquent positivement: 100% des nouvelles constructions y ont été réalisées avec des chauffages renouvelables durant la période étudiée.

A l'inverse, Neuchâtel (47%), Uster (ZH) (34%) et La Chaux-de-Fonds (32%) montent sur le podium des villes ayant la plus grande part d'habitations chauffées de manière non renouvelable. Comment expliquer le retour en force du fossile dans ces communes?

Selon le délégué à l'énergie de la ville de Neuchâtel, Stefano Benagli, il peut s'écouler jusqu'à deux ans entre le dépôt d'une demande de permis de construire, la phase de construction et l'inscription au registre des bâtiments. En vigueur depuis mai 2021, c'est la loi cantonale révisée sur l'énergie qui s'applique à Neuchâtel. Elle contient la dernière version des modèles de prescriptions énergétiques. Il s'agit de lignes directrices de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie (EnDK) datant de 2014.

Pour les nouvelles constructions, elles prévoient que les chauffages fossiles ne peuvent être installés qu'à des conditions très strictes. Ainsi, la maison doit être suffisamment bien isolée. En outre, comme dans les anciens modèles, au moins 20% de l'énergie doit être renouvelable. Cela peut toutefois aussi être atteint par la production d'eau chaude.

Peu avant l'entrée en vigueur des durcissements en mai 2021, les demandes de permis de construire ont «fortement augmenté» à Neuchâtel, déclare Benagli. Les personnes concernées ont donc rapidement déposé une demande afin de pouvoir encore installer un chauffage au mazout ou au gaz avec des conditions moins strictes. Le délégué à l'énergie souligne qu'une évaluation l'année prochaine donnerait d'autres résultats, car les demandes de pompes à chaleur ont fortement augmenté depuis la révision de la loi.

Les maîtres d'ouvrage profitent d'une «faille»

A Uster (ZH), même topo. La ville parle d'une «faille» exploitée par des maîtres d'ouvrage. De «très nombreuses demandes de permis de construire» auraient été déposées avant le 1er septembre 2022, date d'entrée en vigueur de la loi zurichoise révisée.

Malgré un reflet caduc de la réalité, les résultats de l'analyse restent pertinents pour l'avenir. En effet, dans sept cantons, les modèles de prescriptions les plus récents dans le domaine des nouvelles constructions, tel qu'ils ont été introduits à Neuchâtel et à Zurich, ne sont pas encore en vigueur. Selon la Conférence des directeurs de l'énergie, le processus de révision parlementaire est en cours à Soleure, dans le canton de Vaud et en Argovie. A Uri, Bâle-Campagne, au Tessin et en Valais, il ne manque plus que l'entrée en vigueur.

Dans ces cantons, il pourrait également y avoir un pic passager de chauffages fossiles avant le durcissement. Selon Olivier Brenner, secrétaire général adjoint de l'EnDK, cela devrait néanmoins surtout se produire dans les logements multiples, pour quelques cas exceptionnels.

Pour le représentant des cantons, les nouvelles habitations sont moins préoccupantes que le remplacement des chauffages au mazout et au gaz dans les bâtiments existants. Olivier Brenner renvoie à une analyse de marché du conseiller immobilier WüestPartner. Elle montre qu'en 2022, les chauffages fossiles représentaient en Suisse une part de marché de 1% pour les nouvelles maisons individuelles.

En revanche, pour un remplacement ou une transformation, les systèmes non renouvelables étaient encore utilisés dans 18% des cas, des chiffres néanmoins en baisse. Pour les immeubles collectifs, les valeurs sont plus élevées, avec 3% et 34%.

Les chauffages au gaz sont dans le collimateur des politiques: à partir de 2030, on ne pourra plus en installer de nouveaux.
Les chauffages au gaz sont dans le collimateur des politiques: à partir de 2030, on ne pourra plus en installer de nouveaux.

La Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie souhaite donc durcir les modèles de prescriptions. Les futures lignes directrices sont actuellement en consultation et devraient être adoptées au printemps 2024. Elles prévoient qu'à partir de 2030 au plus tard, les chauffages au mazout et au gaz ne pourront plus être installés dans les maisons existantes que s'il n'est pas techniquement possible de faire autrement.

Dans les faits, il s'agit d'une interdiction des nouveaux chauffages fossiles, comme le font déjà les cantons de Bâle-Ville, Zurich et Genève. Pour en arriver là, d'autres cantons devraient réviser leurs lois sur l'énergie. Là encore, selon Olivier Brenner, il serait inévitable que certains propriétaires changent rapidement leur chauffage avant un durcissement de la loi, notamment dans les bâtiments non habités. Le chemin vers le zéro net en 2050 reste semé d'embûches.

Traduit par Valentine Zenker

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