Une Bernoise a été emprisonnée en Somalie pour être mariée de force
Originaire de Somalie, Amina, l’aînée d’une fratrie de dix enfants, est arrivée en Suisse lorsqu'elle était petite. En septembre 2025, la jeune adulte, qui vit désormais à Berne avec sa mère et ses frères et sœurs, retourne dans son pays natal, à Mogadiscio. Selon la NZZ, c’est sa mère qui l’y a envoyée. Son père réside, quant à lui, à l'étranger.
Quelques mois auparavant, au printemps 2025, Amina rencontre Sharif, un jeune Somalien vivant et travaillant en Suisse. Ils tombent amoureux et entament une relation. Mais lorsque la jeune femme en parle à sa mère, le conflit éclate: cette dernière refuse d’accepter Sharif, et Amina est victime de violences de la part de sa famille.
Mariée de force
Amina se réfugie alors dans un foyer pour femmes, puis chez des connaissances. C’est là qu’elle apprend, par son père qu’elle a été mariée de force, sans son consentement, au fils d’un cousin de ce dernier.
Refusant ce mariage imposé, Amina et Sharif organisent une cérémonie religieuse privée pour se marier. Le jeune couple aurait même loué un appartement avec une date d’emménagement prévue au premier octobre – ils ne pourront jamais y emménager.
A cette période, Amina souffre du conflit familial et est parfois hospitalisée. Malgré tout, sa mère semble vouloir lui présenter ses excuses, et une seconde cérémonie religieuse est organisée début septembre 2025 en présence de témoins. Mais aucun mariage civil n’a jamais eu lieu: légalement, le couple n’est pas marié.
Le voyage en Somalie et l'enfermement
Ainsi, sous prétexte d’acheter des vêtements pour une grande cérémonie de mariage, Amina et sa mère s’envolent pour Mogadiscio à la mi-septembre. Quelques jours après son arrivée, tout contact avec Sharif est rompu.
Ce dernier ignore alors ce qui se passe. Amina est emmenée par un oncle dans un centre de «rééducation» basé sur un principe islamique strict appelé «Fowzi Rahman», signifiant «Triomphe du Miséricordieux». La Bernoise y est préparée au mariage avec un cousin. Elle est enfermée avec cinq autres femmes et un enfant et contrainte de passer ses journées à prier et à réciter le Coran par cœur. Toute conversation entre les prisonnières est punie.
Sharif alerte alors la police à Berne, puis le Service contre les mariages forcés (Sem). Il craint pour la sécurité d’Amina et redoute qu’elle soit mariée de force. Peu après, Amina parvient à contacter Sharif depuis la Somalie. En somalien, elle lui annonce vouloir rompre. Mais Sharif remarque immédiatement que quelque chose ne va pas: le couple parle habituellement en suisse-allemand. Plus tard, Amina confirmera qu’elle a été contrainte de se séparer de lui.
La mobilisation pour sa libération
Amina ne prend pas le vol de retour prévu le 15 octobre. Dès lors, plusieurs autorités suisses se mobilisent, dont le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), déjà sensibilisés à ce type de situation depuis une vingtaine d’années. Toujours retenue dans le centre, Amina parvient à faire passer un message à Sharif via une autre jeune femme libérée. Le 19 novembre, il est enfin informé de sa localisation et agit rapidement.
Avec l’aide d’une avocate spécialisée en droits humains en Somalie, la directrice du centre est arrêtée et Amina est libérée. Toutefois, pendant sa fuite, l’avocate doit cacher la jeune Bernoise, car sans ses papiers, elle ne peut pas rentrer immédiatement en Suisse et pourrait être appelée à témoigner contre le directeur du centre lors d’un procès.
Finalement, Anu Sivaganesan, directrice du service juridique du Centre de compétence pour la lutte contre le mariage forcé, se rend à Mogadiscio et accompagne Amina pour son retour en Suisse. Cette dernière atterrit le 27 novembre et est enfin en sécurité. Mais, pour se protéger de sa propre famille, elle doit rester cachée. Sa localisation actuelle et son état de santé ne sont pas connus. (nib)
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich
