Suisse
Guerre contre l'Ukraine

Les 15 milliards pour l’armée et l’Ukraine face à un obstacle

15 milliards pour l’armée et l’Ukraine: le méga-accord face à un obstacle.
La conseillère fédérale en charge de la Défense, Viola Amherd et son homologue des Finances, vont devoir se pencher sur un problème de très gros sous.Image: keystone/watson

15 milliards pour l’armée et l’Ukraine? Le méga-accord face à un obstacle

C'est un accord comme on en a rarement vu sous la Coupole fédérale. Une commission a dit oui à l'augmentation rapide du budget de l'armée et au soutien à la reconstruction de l'Ukraine. Une manœuvre qui contournerait le sacro-saint frein à l'endettement et suscite un débat animé.
26.04.2024, 18:56
Kari Kälin, Doris Kleck, Patrik Müller / ch media
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Le frein à l'endettement est un bastion bien gardé de politique fédérale. Comme la Confédération ne veut pas d'une économie déficitaire, elle s'est refusée jusqu'à présent à réarmer rapidement l'armée et à octroyer des milliards à l'Ukraine pour sa reconstruction. La ministre des Finances, Karin Keller-Sutter (PLR), insiste sur le respect du frein à l'endettement. Parallèlement, on entend sa collègue de la Défense, Viola Amherd (Centre), réclamer davantage de flexibilité afin de libérer plus de moyens pour une armée qui doit faire face à de nouvelles menaces.

Viola Amherd peut désormais compter sur le soutien de la Commission de la politique de sécurité (CPS) du Conseil des Etats. Selon nos sources, une majorité se dessinait en faveur d'un accord à plusieurs milliards. En effet, la CPS a approuvé, jeudi, par huit voix contre cinq une motion de la commission. Quinze milliards de francs devraient ainsi être débloqués pour l'armée et l'Ukraine hors budget ordinaire.

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Au vu de la situation géopolitique, les responsables de la politique de sécurité semblent ainsi prêts à faire sauter le frein à l'endettement. C'est, en quelque sorte, le début d'une nouvelle ère en Suisse.

Dans ce contexte, les dépenses de l'armée devraient augmenter massivement et plus tôt que prévu, à partir de 2030 et non de 2035 comme cela était d'abord prévu. Et ce, à hauteur de 1% du produit intérieur brut. De quoi permettre de rééquiper l'armée. Il en coûtera 10,1 milliards de francs.

En outre, selon le «méga-deal» en question, cinq milliards iront à la reconstruction de l'Ukraine. Cette pirouette a permis de convaincre les représentants de la gauche au sein de la CPS de soutenir le deal, alors qu'ils s'opposent d'habitude à toute dépense supplémentaire pour l'armée.

Pourquoi la gauche suit-elle?

La conseillère aux Etats socialiste Franziska Roth (SO) parle d'un «compromis des plus raisonnables» qui permet de déjouer le plan du Conseil fédéral. Celui-ci prévoit de puiser dans le budget de la coopération internationale au développement pour les fonds destinés à l'Ukraine. La gauche s'y oppose.

Alors pourquoi la majorité de la commission s'attaque-t-elle au sacro-saint frein à l'endettement? Compte tenu de la situation financière tendue de la Confédération, elle estime qu'il est impossible de couvrir une somme aussi importante par le biais du budget ordinaire. Selon la motion de la commission, le contexte actuel est exceptionnel et implique de passer par des dépenses extraordinaires, plus flexibles.

Déjà lors de l'introduction du mécanisme, les épisodes liés à une guerre avaient été expressément mentionnés comme une exception en raison de leur nature imprévisible et incontrôlable.

«Qu'est-ce qu'une situation extraordinaire, si ce n'est une guerre en Europe?»
Andrea Gmür (Centre/LU)
Andrea Gmuer, Mitte-LU, Mitte, spricht neben Pirmin Bischof, Mitte-SO, hinter-links, und Daniel Faessler, Mitte-AI, rechts, waehrend der Herbstsession der Eidgenoessischen Raete, am Donnerstag, 28. Se ...
La centriste Andrea Gmür (LU) lors de la dernière session d'automne du Conseil des Etats à Berne, le 28 septembre 2023.Image: keystone

Pour la CPS, la paix et la sécurité européenne sont, aujourd'hui, menacées par la guerre à l'est. Cet accord gigantesque de quinze milliards doit permettre à la Suisse d'assumer sa responsabilité en matière de paix et de stabilité. Andrea Gmür martèle que réarmement et aide à la reconstruction vont de pair:

«Il faut impérativement plus de moyens pour l'Ukraine. La Suisse est un pays fortuné et doit se montrer solidaire. Les fonds destinés à l'Ukraine ne concernent pas seulement la reconstruction, mais aussi l'entretien des infrastructures existantes.»

L'UDC et le PLR font de la résistance

La résistance vient désormais de l'UDC et du PLR. Pour eux, qui défendent une augmentation rapide du budget de l'armée, le fonds spécial représente une attaque contre le frein à l'endettement. Le conseiller aux Etats uranais Josef Dittli (PLR) affirme ne croire ni au lien entre les deux aspects ni au contournement du frein à l'endettement:

«Le Conseil fédéral a clairement dit que les dépenses militaires supplémentaires ne pouvaient pas être comptabilisées comme extraordinaires. Ce n'est pas conforme à la loi.»

L'alliance entre le Centre et la gauche a certes frappé un grand coup avec cet accord. Il a franchi l'étape de la commission. Reste à savoir si ses membres parviendront à convaincre leurs groupes parlementaires respectifs. Car pour aller jusqu'au bout, il faut une majorité au Parlement, et pas seulement au sein de la commission.

Hormis le fonds spécial, la CPS a également décidé d'augmenter le budget de l'armée plus massivement que prévu par le Conseil fédéral dès 2025. Ainsi, la défense sol-air recevra 662 millions de francs supplémentaires. La commission n'a toutefois pas précisé d'où proviendrait cet argent.

On ne sait pas non plus si le Parlement exaucera le voeu de sa commission de sécurité dans le processus budgétaire. La question reste également ouverte pour l'augmentation de quatre milliards du plafond de dépenses pour les années 2025-2028.

(Adaptation française: Valentine Zenker)

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