Swatch fait une promesse aux Suisses concernant sa montre anti-Trump
La réaction ne s’est pas fait attendre: à peine la surtaxe américaine annoncée, Swatch a répliqué en lançant une nouvelle montre. A Granges (SO), le patron d’ETA Damiano Casafina et le directeur de l’usine Ivan Peric nous guident fièrement à travers les halls où une simple idée s’est matérialisée en quelques jours:
La nouvelle montre reprend le modèle carré en biocéramique de la collection «What if». Une ligne née de la question: et si la toute première Swatch n’avait pas été ronde mais carrée? Sur le nouveau modèle, «What if… Tariffs?», les chiffres 3 et 9 sont inversés. Le clin d’œil est évident: 39, comme les 39% de taxe. Pour Nick Hayek, président de Swatch, il s’agit d’une «provocation amicale», une manière ludique de transformer une mesure hostile en atout marketing. Le succès a été immédiat.
A peine entrés dans l’usine, Ivan Peric nous montre les cadrans estampés, qui seront ensuite peints en bleu et numérotés.
Du ricin plutôt que du pétrole dans la What If... Tariffs
La base de la montre, c’est son boîtier en biocéramique, intégralement produit à Granges. Le processus est pointu: un mélange de matière issue de la plante de ricin, de poudre de céramique et de pigments colorés est chauffé à 280 degrés, puis brassé dans une turbine de trois mètres. On obtient de longs filaments colorés, qui sont ensuite broyés en granulés. «Autrefois, on aurait utilisé du pétrole. Aujourd’hui, c’est de l’huile de ricin», souligne Ivan Perie. Damiano Casafina ajoute: «Ce matériau a une tout autre qualité que le plastique. La sensation sur la peau est différente»
Dans la salle suivante, des dizaines de machines jaunes transforment le granulat en boîtiers bleus, beiges ou jaunes. Nous nous arrêtons devant celle qui produit les boîtiers beiges de la nouvelle montre. Mise en vente mercredi dernier dans onze boutiques Swatch, elle était déjà épuisée samedi.
Depuis, l’usine tourne en continu, week-ends compris. Quelque 450 personnes fabriquent boîtiers, cadrans et fonds de boîtier décorés du symbole %. L’enthousiasme est palpable: «C’est formidable pour nous de voir ce que cette montre a déclenché», confie Damiano Casafina.
Chasse à la poussière
C’est à l’étage supérieur, récemment agrandi, que sont apportées les touches caractéristiques (cadran inversé et «%» gravé) de la nouvelle montre. Là, l’atmosphère rappelle celle d’un bloc opératoire: combinaisons intégrales obligatoires, car «pas la moindre poussière ne doit se déposer», insiste Ivan Peric. Un seul grain pourrait altérer la surface des cadrans.
Devant nous, les disques défilent sous une lumière verdâtre et sont imprimés en bleu par un procédé digital à cadence maximale. Nos guides ne nous donnent pas de chiffres, mais on devine que des centaines de cadrans sortent chaque heure.
Damiano Casafina tient à nous montrer la finesse du travail mécanique. Une minuscule pièce, de quelques millimètres, dans sa main, il explique:
Un contrôle humain indispensable
Dans une autre pièce, une employée examine chaque verre de montre par deux fois, sur fond blanc puis noir. «Moi, je ne verrais jamais la différence», sourit Damiano Casafina, admiratif. Même si les contrôles numériques existent, un œil humain entraîné reste essentiel à la fin du processus.
Ces verres sont également issus d’un matériau biosourcé à base de ricin. Plus loin, sur une table, s’empilent de petits fonds de boîtier en biocéramique, marqués du symbole «%». Toutes les pièces de la «Tariff Watch» partent chaque jour de Granges pour rejoindre Sion, où les montres sont assemblées.
Dès cette semaine, Swatch espère réapprovisionner ses magasins et son site en ligne. La montre sera vendue à 139 francs. Un prix choisi, là encore, en référence aux 39% de droits de douane imposés par Donald Trump.
Damiano Casafina se réjouit de la réactivité et de l’engouement, mais il ne souhaite pas voir perdurer ce taux punitif:
Un record de rapidité pour la What If... Tariffs
Personne n’imaginait que la première série serait écoulée en trois jours. Mais Damiano Casafina promet en souriant:
Entre l’idée de Nick Hayek, il y a une dizaine de jours, et la fabrication de la première «Tariff Watch», il ne s’est écoulé que trois jours. Une prouesse rendue possible par la fusion, l’an dernier, du site de Bâche (SO) avec celui de Granges. «Rien qu’avec cette organisation, nous gagnons un jour. Pour des projets spontanés, c’est un avantage énorme», explique Damiano Casafina.
Adapté de l’allemand par Tanja Maeder
