Féminicide, homicide, infanticide? Dire les bons mots
Une mère et ses deux filles âgées de 10 ans et 3 ans et demi ont été tuées à l’arme blanche, mardi, à Corcelles, dans le canton de Neuchâtel. Le suspect est l’ex-mari et père des deux enfants. Le but de ce billet n’est pas de polémiquer, mais plutôt de nous interroger sur le sens des mots et leur usage politique.
Je n’ai aucune difficulté à employer le terme de féminicide pour qualifier le meurtre ou l’assassinat d’une femme par son conjoint ou ex-conjoint. Cette qualification désigne un acte fatal de domination, dans lequel l’homme s’arroge un droit de propriété absolu sur sa compagne ou ex-compagne. Au 26 juin, la Suisse totalisait dix-huit féminicides en 2025. Depuis ce 19 août, elle en compte au moins un de plus.
«Féminicide et double homicide»
A Corcelles, deux infanticides ont également été commis. Or, comment ce triple meurtre – celui de la mère et de ses deux filles – a-t-il été présenté ici ou là? «Féminicide et double homicide» dans un cas, «Féminicide et double meurtre» dans un autre.
Pardon, mais le sens commun, qui va de pair avec le sens des mots, en prend en coup. Le féminicide est une catégorie d’homicide, il ne s’en distingue pas. Il aurait fallu dire, d'une part, «Triple homicide, dont un féminicide et deux infanticides», ou, a minima, «Triple homicide, dont un féminicide», et, d'autre part, «Féminicide et double infanticide», «féminicide» et «infanticide» étant aussi des catégories de meurtre. Le mot «homicide», lui, ne renvoie pas ici à «homme», mais au mot latin «homo», qui veut dire «être humain».
Dans les cas précités, on a pu avoir l’impression d’une torsion du langage usuel, dans le but de faire entrer à tout prix le terme de féminicide, là où il aurait pu de toute façon apparaître, mais dans des formulations idoines. On a pu avoir l’impression, aussi, d’un oubli – d’une invisibilisation, dit-on dans le langage d’aujourd’hui – de la catégorie «infanticide». Comme s’il fallait ne consacrer qu’un terme et, à travers lui, qu’une seule cause. Ce faisant, on ne rend service ni au terme, ni à la cause.