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Accord Suisse-UE: le permis C pourrait être assoupli

Un droit au permis C va plus loin que le permis d’établissement que l'on connaît actuellement.
Un droit au permis C va plus loin que le permis d’établissement que l'on connaît actuellement.

Accord Suisse-UE: 570 000 Européens pourraient s'installer en Suisse

Grâce à l’élargissement de la libre circulation des personnes, les citoyens de l’Union européenne obtiendront plus facilement un permis C.
28.10.2025, 05:3128.10.2025, 09:05
Kari Kälin / ch media

L’immigration reste élevée, et c'est un sujet sensible au niveau politique. Dans les nouveaux accords avec l’Union européenne, la Suisse s’engage pourtant à élargir la libre circulation des personnes, et à reprendre partiellement la directive européenne sur les droits des citoyens.

Celle-ci permet aux ressortissants de l’UE et de l’AELE de circuler librement dans les Etats signataires, et leur accorde un droit de séjour permanent après 5 ans de résidence, sans obligation d’emploi.

Blick auf das Zollamt Konstanz-Autobahn an der Grenze zwischen Kreuzlingen in der Schweiz und Konstanz in Deutschland, aufgenommen am Freitag, 9. Mai 2025. (KEYSTONE/Gian Ehrenzeller).
Un poste-frontière entre la Suisse et l’Allemagne, à Kreuzlingen (TG)Image: keystone

Des dizaines de milliers d’Européens vont-ils affluer en Suisse? Le Conseil fédéral écarte ce risque, affirmant avoir obtenu une «exception de poids», comme il le précise dans les explications jointes au paquet d’accords.

En Suisse, les citoyens de l’UE et de l’AELE n’obtiendront en effet le fameux permis C qu’après cinq années d’activité professionnelle. Selon le gouvernement, ces personnes seront alors «durablement» intégrées au marché du travail.

Le risque qu’elles deviennent chômeuses serait faible, et la probabilité qu’elles recourent à l’aide sociale limitée. Le taux d’activité des ressortissants de l’UE et de l’AELE s’élève actuellement à 86,8%, soit légèrement plus que celui des citoyens suisses.

La notion d’«activité professionnelle» est toutefois définie de manière très large. Un emploi à temps partiel de 30 à 40% suffit, et selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, 12 heures de travail par semaine peuvent même être considérées comme suffisantes. Une période de chômage n'est pas considérée en tant que telle jusqu’à six mois de pris en charge par l’aide sociale.

Les personnes sans emploi sont d’ailleurs considérées comme «actives» dès lors qu’elles sont inscrites auprès d’un office régional de placement. Concrètement, il est donc possible, durant les cinq années requises pour obtenir le permis C, de toucher pendant six mois l’aide sociale, ou pendant un an et demi des indemnités de chômage, sans perdre son droit de séjour permanent.

Une meilleure protection contre les expulsions

Un droit au permis C va plus loin que le permis d’établissement que l'on connaît actuellement, et que les étrangers pouvaient jusqu'ici demander après 10 ans de résidence en Suisse, et 5 ans suffisent pour les citoyens de certains Etats de l’Union européenne.

Le permis C offre notamment une meilleure protection contre l’expulsion. Ainsi, avec le nouveau système, une personne touchant durant longtemps l’aide sociale ne risquera plus d’être renvoyée.

Mais que signifiera concrètement l’adoption partielle de la directive sur la citoyenneté de l’Union européenne? Dans une analyse commandée par la Confédération, le cabinet d’études et de conseil Ecoplan conclut que cinq ans après cette adoption, environ 570 000 personnes obtiendront subitement le droit au permic C. Chaque année, 50 000 à 70 000 autres, selon leur projection, viendront s’y ajouter.

Selon les chercheurs d’Ecoplan, ce seront surtout les personnes déjà au bénéfice de l’aide sociale ou au chômage qui solliciteront ce droit.

Plus attrayant qu’un permis B, il pourrait aussi intéresser les personnes occupant des emplois précaires ou ayant de faibles connaissances linguistiques, puisque contrairement au permis C, aucune exigence d’intégration ne sera requise.

Ecoplan ne s’attend toutefois pas à un afflux massif de demandes pour ce futur droit de séjour permanent. Celui-ci n’apportera aucun avantage concret aux personnes économiquement indépendantes déjà titulaires d’un permis C.

Le cabinet estime plausibles des coûts supplémentaires compris entre 56 et 74 millions de francs pour l’aide sociale, ainsi qu’entre 4000 et 20 000 demandes de droit de séjour permanent par an.

Le conseiller national Pascal Schmid (UDC/TG), se montre sceptique face à ces prévisions. Il critique:

«Pourquoi quelqu’un renoncerait-il à ce droit? Le permis de séjour permanent est une sorte de passeport suisse sans droit de vote, une garantie à vie d’assistance étatique complète, et il ne peut pas être retiré, même en cas de criminalité.»
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Le conseiller national UDC Pascal Schmid met en garde contre des prévisions trop optimistes.Image: keystone

Le regroupement familial en question

Pascal Schmid craint également que les nouvelles règles sur le regroupement familial ne créent un appel d'air vers l’Etat social. La reprise partielle de la directive européenne sur les citoyens étend en effet ce droit, y compris aux ressortissants de pays tiers. Les enfants mineurs et les conjoints, mais également les petits-enfants et les enfants âgés de moins de 21 ans, ne pourront plus rejoindre la Suisse seuls.

La même règle s’appliquera désormais aux partenaires enregistrés comme aux simples concubins, mais aussi aux grands-parents, beaux-parents ou à un oncle dépendant, pour autant qu’ils reçoivent une aide de leurs proches. Pascal Schmid lance:

«Concrètement, cela signifie qu’un Syrien devenu citoyen européen grâce à la naturalisation accélérée en Allemagne pourrait s’installer en Suisse, puis faire venir directement sa famille élargie depuis la Syrie.»

Il conclut:

«Et tout ce petit monde obtiendrait au bout de 5 ans le droit de séjour permanent, offert sur un plateau»

Le Conseil fédéral ne cache pas que ces nouveaux engagements pourraient avoir un impact sur l’immigration. Il estime toutefois que l’ampleur de cette influence ne sera pas telle qu’elle empêcherait la Suisse de gérer de manière autonome les flux migratoires.

Cette autonomie en matière d’immigration est inscrite dans la Constitution depuis l’acceptation, en 2014, de l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse. Le conseiller national Pascal Schmid n’est pas de cet avis.

Selon lui, avec les nouveaux accords européens, le Conseil fédéral s’éloigne encore davantage de la Constitution qu’avec la libre circulation actuelle. Il estime:

«Rien que pour cette raison, le paquet devrait impérativement être soumis à la double majorité du peuple et des cantons»

Pour le gouvernement, en revanche, un référendum facultatif suffit.

Jusqu’à présent, l’UDC est le seul parti à s’être clairement opposé aux nouveaux accords bilatéraux. A l’exception de l’Union suisse des arts et métiers, qui reste prudente, les grandes organisations économiques comme Economiesuisse et l’Union patronale suisse soutiennent le projet.

Selon le porte-parole de cette dernière, Stefan Heini, le cœur de la libre circulation des personnes, centré sur le marché du travail, serait préservé grâce à l’adaptation ciblée de la directive européenne sur les citoyens de l’Union. Cette approche, précise-t-il, réduit au minimum le risque d’une immigration directe dans l’Etat social.

Stefan Heini rappelle en outre l’existence d’une clause de sauvegarde que la Suisse peut activer unilatéralement si la libre circulation des personnes devait provoquer de graves difficultés économiques. Il s’agit de cette même clause que l’UDC qualifie de «fiction».

Traduit de l'allemand par Joel Espi

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