Hausse des loyers: ce canton romand fausse les statistiques
Il y avait un mince espoir pour les personnes en quête d’un appartement: que de nouveaux logements voient le jour et que la propriété redevienne un peu plus accessible d’ici quelques années. Mais cet espoir s’est déjà dissipé, selon Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen:
En 2024, davantage de demandes de permis de construire pour des logements ont été déposées. Pas un boom, mais une hausse encourageante, qui aurait pu marquer la fin de la crise de la construction.
Mais cette année, le mouvement s’est déjà inversé: les demandes ont reculé nettement. Parallèlement, la demande de logements est aujourd’hui en moyenne plus forte que les années précédentes. L'offre ne suit donc pas la hausse de la demande.
Le constat est plus réjouissant si l'on s'intéresse aux chiffres des logements déjà autorisés, qui ont augmenté ces derniers mois. Mais selon Fredy Hasenmaile, cette amélioration ne tient qu’à quelques grands projets lancés à Genève, qui chamboulent les statistiques.
La pénurie de logement s'aggrave en Suisse
Tant que la tendance ne s'inversera pas, la situation empirera chaque année. De nouveaux ménages se forment, mais ils ne trouvent pas leur nid. Pour Fredy Hasenmaile, le constat est sans appel: le «déficit de logements» ne cesse de croître.
L'économiste en est convaincu: la pénurie durera encore au moins deux ans, probablement plus. Conséquences: loyers en hausse et galère pour les personnes en quête d’un logement.
Depuis 2000, la Suisse a connu un «yo-yo» des loyers: une hausse jusqu’en 2015 (+54%), suivie d’un recul d’environ 10% jusqu’en 2021 grâce à une offre plus abondante dopée par les taux négatifs, avant de repartir fortement à la hausse. Aujourd’hui, les loyers sont de nouveau au niveau d’il y a dix ans: soit environ 50% plus chers qu’à la fin des années 1990. UBS prévoit encore +4% d’ici fin 2026.
Etre propriétaire est hors de portée en Suisse
La crise de la construction frappe aussi le marché de la propriété. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), les prix ont grimpé de 22% en cinq ans, de 68% en quinze ans et de 133% en vingt-cinq ans. Sur la même période, les salaires n’ont progressé que de 30%.
Pour Fredy Hasenmaile, le problème central est l’inertie de la construction: elle ne suit pas la demande, car la priorité est mise ailleurs.
On protège les monuments, les paysages, les habitants contre le bruit, les propriétaires contre des bâtiments trop imposants. L'économiste déplore:
Et quand une réforme est lancée, elle met des années à prendre effet. Exemple: la nouvelle loi sur le bruit n’entrera en vigueur qu’au printemps 2026, après dix ans de débats. «Cela montre qu’il n’existe pas de solutions rapides.»
La Suisse n’est pas une exception: la BRI relève que, dans la plupart des pays industrialisés, les prix des logements ont augmenté beaucoup plus vite que ceux des autres biens. La hausse moyenne est de 33% dans l’OCDE. L'augmentation est bien plus forte dans d'autres pays: +37% en Autriche, +48% au Luxembourg, +54% au Canada. La Suisse, les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande se situent autour de +60%. Et des pays comme la Turquie, le Chili ou l’Islande ont vu leurs prix réels plus que doubler.
Les propriétaires entravent la construction
Edward Glaeser, professeur à l'université de Harvard, a étudié la situation américaine: même dans des villes comme Los Angeles ou Atlanta, où la densité est très faible comparée à New York, on ne parvient pas à construire assez. Sa conclusion: les propriétaires existants dictent de plus en plus les règles, bloquant de nouveaux projets pour protéger leurs intérêts.
L’OCDE, met en avant le cas des Pays-Bas, où il manque 400 000 logements. La faute, selon elle, à une réglementation trop lourde et à la spéculation foncière. S’y ajoute une fiscalité trop favorable à la propriété, qui accentue les inégalités entre propriétaires et locataires.
Traduit de l'allemand