Seuls quelques crimes sont considérés comme imprescriptibles en Suisse. Il s'agit par exemple du génocide, des crimes de guerre ou, depuis l'initiative sur la prescription de 2008, des délits sexuels ou pornographiques commis sur des enfants. Pour les crimes graves, punis de la prison à vie, les auteurs ne peuvent plus être poursuivis après 30 ans. Il s'agit principalement de meurtres.
Le Parlement souhaite changer cela. La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a élaboré un projet de loi qu'elle a présenté en début d'année. «Nous ne serions pas le premier et le seul pays où le meurtre est imprescriptible», a souligné Daniel Jositsch (PS/ZH) lors du débat au Conseil des Etats. Certes, il n'arrive pratiquement jamais que de tels cas soient encore élucidés après 30 ans:
Pour le Parlement, un changement est donc nécessaire: Le temps doit, à l'avenir, être du côté des victimes — et non de celui des auteurs.
Malgré cela, la réforme souhaitée risque d'échouer. Les cantons s'y opposent dans le cadre de la consultation. L'imprescriptibilité du meurtre ne semble certes pas «déraisonnable à première vue», constate la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) dans sa prise de position. Elle rejette néanmoins cette demande - tout comme la Conférence des procureurs de Suisse.
L'argumentation est la même que pour l'introduction de la prescription pénale. Il serait presque impossible d'enquêter sur des crimes commis il y a des décennies «dans des conditions irréprochables du point de vue de l'Etat de droit». Les cantons concluent ainsi:
La CCDJP ne voit pas non plus d'éléments indiquant que des meurtriers auraient échappé à une peine en raison de la prescription. Le délai de 30 ans semble «suffisant» pour que la justice puisse faire son travail.
Les cantons critiquent le projet qu'ils jugent peu élaboré. Si l'on s'inquiète qu'un meurtrier échappe à une peine 30 ans après son acte, «que penser d'un auteur qui a commis un homicide intentionnel et qui ne peut plus en être tenu responsable après 15 ans déjà?», demande la CCDJP de manière rhétorique.
Les deux infractions sont aujourd'hui soumises à des délais de prescription différents. La seule différence réside dans le fait que le meurtre est un homicide intentionnel commis avec une absence particulière de scrupules. Les cantons suggèrent donc de revoir les délais généraux de prescription pour toutes les infractions graves.
Dès le départ, la réforme était mal engagée. La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats avait déjà eu du mal avec la version initiale. L'élément déclencheur de la réforme a été une initiative du canton de Saint-Gall. Celle-ci demandait la suppression générale du délai de prescription des peines à vie dans le code pénal.
Selon la volonté de la commission, le meurtre ne doit être imprescriptible que dans le code pénal et le code pénal militaire, mais pas dans le droit pénal des mineurs. Pour les autres délits graves, pour lesquels les prévenus risquent également une peine de prison à vie, la prescription ne doit pas être touchée du tout. L'enthousiasme de la commission était également limité. Elle a approuvé le projet par 5 voix contre 0 et 6 abstentions. Après ce verdict sans appel des cantons, il est fort possible qu'elle appuie elle-même sur le bouton reset.
Traduit et adapté par Noëline Flippe