«Certains grands-parents sont traumatisés»: un Saint-Nicolas raconte
Lorsqu’il ne parcourt pas les rues de sa commune dans son habit de Saint-Nicolas, Stefan Gaug, 50 ans, travaille comme ingénieur électricien. Il est marié et père de quatre enfants âgés de 10 à 17 ans. Il raconte.
Vous incarnez saint Nicolas depuis plus de 30 ans. Comment tout a commencé?
Stefan Gaug: J’avais quatorze ans et j’étais à l'association de jeunesse catholique de mon village. Beaucoup de responsables jouaient le rôle de Saint-Nicolas ou du Père Fouettard. Pour moi, c’est donc venu tout naturellement. Et j’ai tellement aimé que je n’ai plus jamais arrêté.
Avant cela, vous avez vous-même incarné le Père Fouettard plusieurs années. C’est le parcours classique?
Absolument. En tant que Père Fouettard, on observe comment tout fonctionne. On peut parler, mais ce n'est pas obligé. Pour Saint Nicolas, c’est différent: c’est lui qui porte la responsabilité de faire de cette visite un chouette moment pour la famille.
Saint-Nicolas lit dans son grand livre autant d’éloges que de reproches. Comment votre manière d’incarner le personnage a-t-elle évolué?
Je suis un Saint-Nicolas plus encourageant qu’autrefois.
A mes débuts, je rappelais souvent aux enfants, surtout à ceux qui ont des frères et sœurs, qu’ils ne devaient pas se disputer. Aujourd’hui, je ne le fais plus.
Que dites-vous à la place?
Je dis par exemple que même Saint-Nicolas et le Père Fouettard se disputent parfois. Je leur explique que se disputer est normal, tant que l’on trouve une manière correcte de régler le conflit. Et qu’il est important de se réconcilier ensuite.
Cela signifie que vous êtes devenu plus doux avec le temps?
Je veille davantage à ce que les enfants ressortent renforcés de cette rencontre. J’évite les sujets qui mettent mal à l’aise.
D’ailleurs, cela fait longtemps que ce ne sont plus des thèmes suggérés par les parents.
Si Saint-Nicolas est moins sévère qu’avant, les enfants perdent-ils un peu de respect?
D’après mon expérience, Saint-Nicolas reste une figure respectée.
Et cela vous plaît?
J’aime prendre les commandes de cadeaux et contribuer à ce que les enfants passent une belle soirée. J’aime aussi détendre l’atmosphère avec une petite remarque humoristique, parce que ça me correspond.
Si vous pensez à vos débuts comme accompagnant de Saint-Nicolas: comment la figure du Père Fouettard a-t-elle changé depuis 1989?
Il y avait beaucoup plus d’enfants qui avaient peur du Père Fouettard. Nous essayions déjà à l’époque de les rassurer. Certains enfants restaient figés de peur quand Saint-Nicolas arrivait.
Saint-Nicolas et le Père Fouettard étaient vus comme figures d’autorité?
Cela laisse des traces encore aujourd’hui.
Je le remarque dès que je pénètre dans le salon: ils gardent leurs distances. C’est profondément ancré, même si ça remonte probablement à 70 ans ou plus. Certains entretiennent encore cette peur auprès des enfants.
Comment ça?
Par exemple en montrant le sac du Père Fouettard et en disant: «Regarde, il t’y mettra si tu n’es pas sage». Là, évidemment, le charme ne fonctionne plus. Dans ces cas-là, je raconte une histoire.
Laquelle?
Je raconte ceci:
Le Père Fouettard porte-t-il encore un bâton?
Chez nous, c’est un débat récurrent. Il fait encore partie du costume, mais plutôt comme élément décoratif, et en tant que Saint-Nicolas, je n’en fais pas mention. A mes débuts, les Saints-Nicolas le montraient encore davantage.
Ils menaçaient donc de coups de baguette?
Pas vraiment. Mais il me demandait parfois si nous la laissions là ou si nous la reprenions. Et nous repartions toujours avec.
Avez-vous déjà eu des réactions négatives concernant le Père Fouettard? Ces dernières années, certains estiment que son visage noirci pose problème, car cela peut être assimilé à du blackface.
Chez nous, le Père Fouettard a encore aujourd’hui un visage plutôt sombre et sale, mais pas noir. Cela n’a jamais été contesté. Les enfants ont parfois encore peur de lui parce qu’il est charbonnier et couvert de suie.
D'autres choses ont changé?
Dans les années 90, on me proposait souvent un schnaps. Aujourd’hui, c’est devenu rare. Je n’en accepte qu’éventuellement lors de la dernière visite.
Qu’est-ce qui fait, selon vous, un bon Saint-Nicolas?
Qu’il parvienne, durant les quinze à vingt minutes dont il dispose, à poser les bases d’une belle soirée. Pour cela, il lui faut un contact direct avec les enfants et le bon équilibre entre compliments et remarques critiques.
Traduit et adapté de l'allemand
