Six élus veulent changer la démocratie suisse, et Berne ne dit pas non
Le peuple a toujours raison. Et une nouvelle fois, il a fait «non» de la tête. L’impôt fédéral sur les successions proposé par les Jeunes socialistes n’avait aucune chance, pas plus que le service citoyen volontaire pour toutes et tous.
L’initiative populaire est sans doute l’arme la plus affûtée de la politique suisse. Elle porte la promesse que chaque citoyen peut introduire une volonté dans la loi, voire l’inscrire dans la Constitution.
Un procédé onéreux remis en question
C’est peut-être précisément pour cette raison qu’elle n’est pas particulièrement efficace comme instrument politique. Un peu plus de 10% seulement des initiatives fédérales soumises au vote sont acceptées par le peuple et les cantons. Le bilan d’une votation nationale, comme celle rendue nécessaire par les initiatives des Jeunes socialistes et de Service Citoyen, est d’ailleurs souvent le même: beaucoup d’efforts pour pas grand-chose.
Comme l'a calculé un jour la Chancellerie d’Etat, le coût de cet exercice des droits fondamentaux s’élève à 7,5 millions de francs. Cela comprend l’impression du matériel de vote, son envoi et les indemnités des scrutateurs.
Six parlementaires issus de six partis réclament désormais une nouvelle façon de procéder. Ils siègent pour l’UDC, le PS, Le Centre, les Verts, le PEV et le PLR vert. Ils ont déposé chacun à l’automne des postulats identiques demandant d’examiner le principe d'une «motion populaire».
A mi-chemin entre une initiative et une pétition
Il s’agirait là d’un nouvel outil démocratique, une formule hybride entre l’initiative populaire et la pétition. Cette dernière est certes facile d’accès, «mais peu contraignante, puisqu’une seule signature suffit et que le Parlement n’est pas tenu d’y répondre», écrivent les parlementaires. Avec une motion populaire, la population pourrait mettre une idée à l’agenda politique sans devoir assumer l’effort colossal d’une initiative.
La conseillère nationale Maya Bally (ZH/Centre) affirme:
Maya Bally fait partie des six élus qui ont déposé un texte pour introduire la motion populaire.
L’idée n’est toutefois pas nouvelle. Dès 2012, l’ancien conseiller aux Etats indépendant Thomas Minder avait tenté de lancer la motion populaire. Il imaginait alors:
L'idée de Thomas Minder n'avait rencontré aucun succès, et seuls cinq autres membres du Conseil avaient voté avec lui.
Du changement dans l'air, mais pas dans l'immédiat
Se fixer sur un chiffre précis ne fait pas partie des intentions de Maya Bally. Il faudrait néanmoins plusieurs dizaines de milliers de signatures pour instaurer un certain seuil. Une initiative populaire nécessite 100 000 signatures certifiées, un référendum, 50 000.
Cinq cantons connaissent, par ailleurs, la motion populaire depuis des années, il s'agit de Soleure, Schaffhouse, Fribourg, Neuchâtel et Appenzell Rhodes-Extérieures. Au niveau national, en 2012, le Conseil fédéral n'avait rien voulu savoir de cet instrument politique. Pour le gouvernement, davantage de droits ne signifiait alors pas davantage de démocratie, et il avait recommandé de rejeter la motion de Thomas Minder.
Treize ans plus tard, la tendance s’est inversée. Il y a un peu plus d’une semaine, le Conseil fédéral a annoncé qu’il accepterait les postulats sur la motion populaire. Il reste toutefois un long chemin avant que celle-ci ne devienne réalité, car un postulat ne demande qu’un rapport du Conseil fédéral. Avant un élargissement des droits démocratiques, la Suisse votera encore sur de nombreuses initiatives populaires, et peut-être même qu’elle en acceptera une ou deux.
Traduit de l'allemand par Joel Espi
