La direction de la RTS – une dizaine de personnes avec à leur tête Pascal Crittin – a manifestement appris la nouvelle comme tout le monde, dans Le Matin Dimanche du 31 décembre. Ce n’est pas elle qui aurait décidé de suspendre la diffusion des films dans lesquels Gérard Depardieu, visé par deux plaintes, l'une pour viol, l’autre pour agression sexuelle, pour l'heure présumé innocent, tient la vedette.
«Mais la direction assume», assure-t-on auprès de watson. La décision a été prise au niveau de la «programmation», à un étage inférieur, comme l’a indiqué à Keystone-ATS le porte-parole de la RTS, Marco Ferrara, confirmant l’information de l’hebdomadaire dominical.
Le «Complément d’enquête» intitulé «Gérard Depardieu: la chute de l’ogre», diffusé le 7 décembre sur France 2, a peut-être signé la fin de la carrière de ce «monstre sacré» du cinéma français. On l’y entend prononcer des propos obscènes sur les femmes, y compris sur une fillette. Cela se passe lors d’un tournage, en 2018, en Corée du Nord, de ce qui devait être un documentaire – une «oeuvre de fiction», affirme aujourd’hui l’écrivain Yann Moix, le réalisateur de cet opus jamais sorti.
La suspension, jusqu’à nouvel avis, par la RTS, de la diffusion des films avec Gérard Depardieu en tête d’affiche, n’aurait-elle pas dû recevoir l’aval de la direction? L’affaire, après tout, est des plus polémiques, avec son lot de pétitions et de tribunes, mobilisant jusqu'à la parole du président Emmanuel Macron.
A la RTS, les mots de Gérard Depardieu, dans le «Complément d'enquête», sexualisant une petite fille faisant du cheval sont semble-t-il à l’origine de la sanction frappant les films avec l’acteur français dans un rôle principal. «C’était insupportable», réagit-on.
La décision de l’audiovisuel public romand passe toutefois mal auprès d’un nombre indéfini de téléspectateurs, qui crient à la «censure» ou encore au «wokisme». Un sondage non représentatif réalisé par 24 Heures indique que 78% des internautes ayant répondu n’approuvent pas la décision de la RTS. Sur Facebook, l’ancien parlementaire cantonal PLR genevois Jean Romain écrit: «Pauvre RTS qui crie avec les loups!»
La RTS est-elle sûre de son coup?
D’autres pensent au contraire que la RTS s’est encore plus coupée de son public, alors que plane sur elle une initiative cornaquée par l'UDC, qui entend ramener la redevance de 335 à 200 francs par ménage et par an.
Faut-il voir dans la décision de la RTS autre chose qu’une morale de bon aloi? S’inscrit-elle dans un combat plus idéologique, antisexiste et féministe, entamé lorsque des accusations de harcèlement sexuel et moral furent lancées contre des collaborateurs de l’institution, fin 2020? La RTS craint-elle un retentissant bad buzz, émanant d’une partie de ses troupes, avec relais auprès de groupes militants, au cas où elle diffuserait un film avec Gérard Depardieu tenant la vedette?
Jugeant à son tour les propos de l’acteur français «obscènes et dégradants pour les femmes», Stéphane Mitchell, la scénariste de «Quartier des banques», série à succès de la RTS, ne s’en dit pas moins «mal à l’aise face à la censure».