Augmenter les primes maladie pour aider la pharma? Berne a tranché
L'industrie pharmaceutique suisse s'inquiète. Donald Trump a annoncé une baisse du prix des médicaments aux Etats-Unis. Dans son discours du week-end dernier, il s'était longuement attardé sur le sujet: il ne comptait pas y aller de main morte. Ces baisses pourraient atteindre 50% selon les remèdes, voire même davantage.
Les deux grandes entreprises suisses Novartis et Roche risquent donc de subir des pertes considérables. Selon des représentants du secteur, les prix des médicaments sont élevés aux Etats-Unis, à l'inverse de l'Europe. Il faudrait donc les revoir à la hausse sur le Vieux continent. Le patron de Novartis, Vas Narasimhan, a déclaré à la NZZ: «En Suisse notamment, les prix des médicaments sont beaucoup trop bas».
La présidente de la commission de la santé se montre claire
Une rencontre a eu lieu lundi avec la ministre de la Santé, Elisabeth Baume-Schneider et le ministre de l'Economie Guy Parmelin. Il n'y a pas eu de restitution publique du contenu des échanges. Elle s'est, en revanche, exprimée le lendemain, lors d'une conférence de presse à Berne, sur la revendication de Roche et Novartis: la politique industrielle ne peut pas se faire au détriment de l’assurance-maladie obligatoire.
Autrement dit: il n’est pas question de relever les prix en Suisse. Une telle mesure ferait grimper encore davantage des primes déjà exorbitantes. Selon plusieurs sources, la réunion de lundi aurait parfois été glaciale : les deux conseillers fédéraux ont opposé un refus ferme aux demandes de l’industrie.
Les responsables de la politique de santé au Parlement partagent la position du gouvernement. Pour la conseillère nationale Barbara Gysi (PS), présidente de la Commission de la santé: «Il est hors de question que les assurés paient la note pour une baisse des prix des médicaments aux États-Unis. On débourse déjà beaucoup pour les médicaments».
Cette ligne est partagée au Parlement. La conseillère nationale Barbara Gysi (PS), présidente de la commission de la Santé, tranche:
De la gauche à la droite, le message est le même. Plusieurs élus rappellent une étude suédoise mise en avant par l’Office fédéral de la santé: sur 20 pays comparés, les prix pratiqués en Suisse sont de loin les plus élevés.
L’organisation faîtière Interpharma conteste cette lecture. Son directeur René Buholzer souligne que l’étude se base sur la couronne suédoise, qui a perdu 37% face au franc en dix ans, et qu’elle ne prend pas en compte les volumes. Selon lui, «d’après l’OCDE, ce n’est pas la Suisse, mais l’Allemagne qui dépense le plus par habitant pour les médicaments».
Grosse claque pour le nord-ouest du pays
Au centre droit, certains rappellent cependant le poids stratégique du secteur. Le conseiller aux Etats Josef Dittli (PLR) estime qu'un renchérissement des médicaments en Suisse n'est «pas réaliste». La Confédération pourrait aider par d'autres mesures, par exemple en élaborant de nouveaux modèles de prix ou en accélérant l'autorisation de nouveaux produits.
Le conseiller national Andri Silberschmidt (PLR) demande une réforme permettant aux médicaments innovants d’arriver plus vite sur le marché:
Et la conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter (Centre) souligne le besoin d'une stratégie globale pour améliorer les conditions-cadres de l'industrie pharmaceutique. «Si ce secteur souffre, nous en ressentirons les effets à travers le pays: baisse des recettes fiscales, moins d'emplois».
La Chambre haute a accepté à l'unanimité une motion de la conseillère aux Etats Eva Herzog (PS), qui demande au Conseil fédéral d'élaborer cette stratégie. Aucune autre branche de l'économie n'exporte autant. Si Novartis et Roche venaient à connaître des difficultés, cela toucherait particulièrement le nord-ouest de la Suisse.
Le secteur réclame une réforme
Le directeur général d'Interpharma dit réclamer depuis longtemps une modernisation du système de fixation des tarifs pour les innovations. Celui-ci repose à l'heure actuelle principalement sur une comparaison des prix internationale et sur une comparaison thérapeutique transversale. «Le fait de comparer avec l'étranger en se basant sur les prix nominaux des pays tire les prix vers le bas en Suisse».
Les discussions entre le Conseil fédéral et la pharma doivent se poursuivre. Une certitude néanmoins: la hausse voulue pour les prix des médicaments se heurte à une forte opposition en Suisse.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)