La caisse unique est-elle cette évidence repoussée contre tout bon sens ou une arnaque déguisée en solution miracle? A première vue, la question, elle est vite répondue, dirait notre «jeune entrepreneur». A quatre reprises, en 1994, 2003, 2007 et 2014, les Suisses en ont rejeté l’idée, une idée de gauche, cela va sans dire. Moralité, concluait santé suisse, la faîtière des assureurs maladie:
Sauf qu’en démocratie, ce qui paraissait impossible peut un jour devenir réalité. Les libéraux-radicaux n’ont jamais renoncé à la TVA, dont les Suisses ne voulaient pas, jusqu’au moment où ils ont dit «oui». Pourquoi les socialistes ne parviendraient-ils pas à faire accepter la caisse unique dans les prochaines années, eux qui ont convaincu de voter pour la 13e rente?
Ce n’est pas pour ou contre l’introduction d’une caisse unique d’assurance maladie que nous votons dimanche, mais nous y viendrons peut-être un de ces jours si les primes de l'assurance de base devaient ne pas cesser d'augmenter. Alors, parlons-en.
Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et d'économie monétaire à l'Université de Fribourg, pose un constat:
Sergio Rossi pense qu’il faut revoir le fonctionnement de l’assurance maladie. Il est favorable à l’instauration d’une caisse unique. Dimanche, il votera «oui» à l’initiative socialiste plafonnant les primes à 10% du revenu disponible (après déduction des versements obligatoires).
Pour le professeur fribourgeois, notre système de santé est l’héritier d’une vision «néolibérale» à l’œuvre dans les années 1990. «La droite, à l’époque, a réussi à faire en sorte que la future LAMAL, l’assurance maladie obligatoire gérée par des assureurs privés, votée à une courte majorité en 1994, ne soit pas une assurance vraiment sociale», rappelle et déplore Sergio Rossi.
Mais est-on sûr qu’une caisse unique publique coûterait, dans les faits, moins cher aux Suisses? Qu’elle ne serait pas en permanence dans le rouge? Que le système de soins ne se dégraderait pas? Chez le voisin français, la «Sécu» semble comme impuissante face à l’explosion des coûts, face à la détérioration constatée des prestations, il n’y a pas si longtemps encore louées par des touristes étrangers contraints de se rendre aux urgences. N’est-ce pas la preuve d’un système étatique à l'agonie?
Sergio Rossi ne le pense pas. Il cite le cas de l’Espagne, où la santé, financée par une assurance publique, «fonctionne bien», dit-il. «En Suisse, reprend-il, la concurrence, toujours plus resserrée, d’ailleurs, entre les caisses, occasionne des frais de gestion, chaque caisse ayant son administration, à quoi s'ajoutent les salaires parfois extravagants des dirigeants. Je ne dis pas que la caisse unique serait la formule miracle, mais elle serait socialement plus juste si elle était en proportion du revenu, comme c'est le cas de l'AVS.
Marius Brülhart est professeur d’économie à HEC Lausanne. Il le dit d’emblée: «Il n’y a pas de solution idéale.» Il rappelle que la caisse unique a été «déboutée par le peuple».
La tendance est à l'augmentation des coûts de la santé, constate le professeur lausannois. «Cela va notamment de pair avec le vieillissement de la population. Or les Suisses veulent un système de santé performant. Qu’ils savent cher. C’est pourquoi il faut voir où il est possible de réduire les coûts, sans porter atteinte à la santé des Suisses dans leur ensemble. Des études ont estimé un potentiel de réduction des coûts jusqu’à 20% dus à des doublons, des coûts de marketing inutiles, des incitations qui font que des médecins fournissent plus de soins que de raison, des médicaments trop chers, etc.»
Marius Brülhart n’est pas opposé à une intervention de l’Etat pour maîtriser les coûts de la santé.
Que pense le professeur de HEC Lausanne du modèle «low-cost» proposé par le PLR pour réduire certaines prestations, sans diminution de la qualité des soins, dès lors qu’on souscrit seulement à l’assurance de base?
Marius Brülhart renvoie en quelque sorte au contre-projet du Conseil fédéral, qui entrera en vigueur si l'initiative des «10%» du PS n’est pas acceptée. Le contre-projet met la pression sur les cantons. Selon le professeur lausannois, «l’effet de loin le plus important du contre-projet serait de forcer certains cantons à dépenser un peu plus d’argent pour les subsides aux assurés modestes.»