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AVS: le plan du Conseil fédéral est «déconnecté de la réalité»

KEYPIX - Bundesraetin Elisabeth Baume-Schneider verlaesst einer Medienkonferenz zur Stossrichtung fuer die naechste AHV-Reform (AHV2030), am Donnerstag, 15. Mai 2025, im Medienzentrum Bundeshaus in Be ...
Elisabeth Baume-Schneider veut soulager l'AVS en compliquant le départ à la retraite anticipée.Image: keystone
Témoignage watson

«C'est la classe moyenne qui trinque»: Berne s'attaque aux préretraites

Deux préretraités suisses reviennent sur leur choix de partir avant l'âge légal. Ils disent aussi ce qu'ils pensent de la réforme qui veut pousser les sexagénaires à travailler plus longtemps pour soulager l'AVS.
24.05.2025, 11:5324.05.2025, 11:53
Kilian Marti
Kilian Marti
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Berne ne mènera pas un énième débat sur l'âge de la retraite. Pas question non plus d'introduire un nouvel impôt. La ministre de l'Intérieur, Elisabeth Baume-Schneider, a déclaré la semaine dernière, qu'il faudrait stabiliser l'AVS avec les moyens existants.

Cela revient donc à augmenter la TVA et les charges sociales. Il faudra aussi encourager les seniors toujours actifs au-delà de l'âge de la retraite, notamment en relevant la franchise de cotisation et en assouplissant la limite d'âge. Maintenir la population active plus longtemps, voilà le plan du Conseil fédéral. A l'opposé, ceux qui partent plus tôt que prévu devront payer. Les retraites anticipées doivent perdre de leur attrait.

Alors, qu'est-ce que cela signifie pour les personnes qui ont volontairement ou par nécessité raccroché plus tôt? Pour répondre à ces questions, watson s'est entretenu avec deux préretraités.

Départ forcé et âgisme

Alois Amrein était traducteur, correcteur et technicien polygraphe. Mais à 61 ans, il s'est retrouvé au chômage. Il raconte:

«J'avais les meilleures qualifications, je parle et écris cinq langues étrangères, mais je n'avais plus aucune chance. J'ai cherché un emploi pendant plus de deux ans, envoyé plus de 100 candidatures, sans succès. La discrimination par l'âge est une réalité sur le marché de l'emploi.»

En fin de droit, il s'est mis à son compte, mais ne parvenait pas à joindre les deux bouts. A 63 ans, notre homme a dû se résoudre à demander l'AVS de manière anticipée, avec la réduction de rente de 13,2% que cela implique.

Il ne touche pas de rente du deuxième pilier, son avoir a été placé auprès d'une fondation de libre passage durant sa période de chômage. Il a récupéré le capital: 145 000 francs, soit une somme modeste pour une retraite. Heureusement pour lui, Amrein n'a pas de frais courants trop élevés. Sans enfants, il habite dans un appartement en copropriété.

«J'ai besoin d'environ 3500 francs par mois. Grâce à mes propres économies, cela devrait suffire pendant dix ans. Aussi parce que je suis souvent à l'étranger, où la vie est moins chère»

Le Conseil fédéral est «déconnecté de la réalité»

Le projet du Conseil fédéral de compliquer l'accès aux retraites anticipées est à ses yeux «déconnecté de la réalité». Les personnes qui perdent leur emploi à plus de 55 ans n'en retrouveront plus guère.

«La politique ne semble pas, ou ne veut pas le voir»

Alois Amrein s'oppose également farouchement à une hausse de l'âge de la retraite à 70 ans, volontaire ou non. Sa contre-proposition pour financer l'AVS:

«Impôt sur la fortune, impôt sur les successions, impôt sur les gains en capital. La redistribution doit enfin être équitable.»
Appel à témoignage: discriminations liées à l'âge
Le gouvernement veut que la population travaille plus longtemps. Il veut notamment rendre la retraite anticipée moins attractive. Vous êtes proche de la retraite et avez du mal à être embauché? Vous avez vécu la discrimination par l'âge et aimeriez témoigner? écrivez-nous: redaction@watson.ch.

La retraite anticipée, mais pas sans revenus

Après une vie de labeur comme juriste et journaliste, Barbara Siegrist est officiellement à la retraite anticipée depuis 20 jours. Mais elle ne s'accorde pas vraiment de repos. «J'écris depuis que je suis capable de penser, et tant que je serai en bonne santé, je continuerai». Elle est journaliste indépendante, à un taux compris entre 30 et 60%. Pour elle, la retraite constitue un moyen d'arriver à ses fins: se consacrer à nouveau entièrement à sa passion.

Comme elle est née en 1962, elle profite des règles transitoires de la réforme AVS 21: les femmes de sa génération peuvent prendre leur retraite deux ans plus tôt, avec une réduction nettement moins importante.

«J'ai longuement calculé, et le fait de ne perdre qu'une année au lieu de deux a déterminé pour moi le meilleur moment»
Barbara Siegrist
Barbara Siegrist approuve les plans du Conseil fédéral.Image: dr

Barbara Siegrist perçoit son deuxième pilier sous forme de rente, soit environ 5000 francs de la caisse de pension et de l'AVS. «Cela suffit tout juste, mais uniquement parce que j'ai encore un revenu. Je paie des impôts et des primes d'assurance maladie élevés dans le canton de Berne». Beaucoup de celles et ceux qui prennent une retraite anticipée ont un profil différent:

«Ils s'achètent un camping-car et font le tour de l'Europe. Ils peuvent se le permettre. Pour moi, ça ne fonctionne que si je continue à travailler.»

Elle a dans son entourage plusieurs quinquagénaires qui ne parviennent pas à retrouver un emploi.

«Ce ne sont pas des cas isolés. Si l'on veut que les gens soient actifs plus longtemps, il faut leur donner du travail plus longtemps»
Et vous, pourriez-vous vous permettre de partir à la retraite plus tôt?
Au total, 108 personnes ont participé à ce sondage.

Pour elle, le Conseil fédéral vise juste avec sa proposition de réforme. La journaliste se dit même favorable à un âge de la retraite à 66 ans pour tous.

«On ne peut pas attendre éternellement que l'Etat paie tout. Cela retombe au final sur les contribuables, et c'est la classe moyenne qui trinque»

Une augmentation de la TVA lui semble aussi envisageable, même si cela comporte des risques sociaux. Ce qui manque au Conseil fédéral, selon elle, c'est de la clairvoyance:

«Au lieu de discuter uniquement de ce point-là, on devrait investir dans la formation, la garde d'enfants, des emplois qui ont un sens. Ainsi, les gens préféreront peut-être travailler, même plus longtemps.»

Arrêter de travailler tôt: un rêve pour beaucoup

La retraite anticipée reste un rêve pour bon nombre de Suisses. Selon une étude de SwissLife, 45% des actifs aimeraient prendre une retraite anticipée. Mais rares sont ceux qui peuvent se le permettre. Dans le secteur privé, le phénomène reste rare: dans l'hôtellerie-restauration, seul un tiers des travailleurs environ part plus tôt. Il en va autrement chez les fonctionnaires: à la caisse de pension fédérale Publica, l'âge de départ moyen est de près de 64 ans, et plus de la moitié des hommes partent avant la limite légale.

La retraite anticipée en Suisse

Note de lecture: entre 2006 et 2009, 43,2% des femmes ont pris une retraite anticipée à l'âge de 63 ans. Depuis des années, ce taux était en baisse, jusqu'à ce qu'il augmente à nouveau en 2021.

La retraite anticipée, pas sans conséquences

Les personnes qui partent avant l'âge légal doivent compter avec des réductions à vie. Dans le système de l'AVS, un départ anticipé (au plus tôt à partir de 63 ans, et à partir de 62 ans pour les femmes des années de transition) signifie, selon la durée, une réduction de la rente de plusieurs pour cent.

Il faut par ailleurs s'attendre à des pertes au niveau de la caisse de pension: la rente chute de 5 à 8% par année anticipée, et le nombre d'années de cotisation recule lui aussi. En règle générale, on peut envisager d'arrêter de travailler à partir de 58 ou 59 ans, si le règlement de la caisse de pension le prévoit. Les personnes qui perçoivent un capital au lieu d'une rente doivent s'annoncer suffisamment tôt et planifier cela fiscalement, car les versements cumulés peuvent coûter très cher.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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