Crise du crack: la décision lausannoise bouscule toute la Romandie
Camille Robert, co-Secrétaire du groupement romand d'études des addictions (Grea), évoquait l'inaction de certains cantons romands concernant leur politique sur les addictions. Elle confiait à watson:
La crise du crack a révélé des manquements dans la politique sur les addictions en Romandie, voire un «tourisme de la drogue». Les cantons de Vaud et de Genève investissent pour répondre à ce fléau, en instaurant des espaces de consommation sécurisés (ECS) pour les personnes toxicodépendantes. Yverdon-les-Bains (VD), par exemple, s'est muni d'un centre d'accueil appelé «Zone Bleue» et s'apprête à évoquer la question d'un ECS ces prochaines années.
Et les autres?
Dans watson, Camille Robert ciblait le Valais qui n'a «aucune vision» sur sa politique de réduction des risques, selon elle, et appelait de ses voeux un «concordat intercantonal».
Sauf que la collaboration n'existe pas.
En posant l'équation collective au Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) du canton de Vaud, la réponse est claire:
Alors que la Ville de Lausanne vient d'annoncer une restriction d'accès pour ses ECS, désormais réservés aux personnes domiciliées dans le canton de Vaud, une pression s’est-elle installée au sein des autorités des cantons voisins? Alors même que, dans sa récente étude, Unisanté nous indiquait, par écrit, ne pas disposer de données ventilées par canton.
Le Valais est conscient de sa stratégie «limitée»
Interrogé à ce sujet, le conseiller d'Etat valaisan, Mathias Reynard, nous répond par écrit:
L'actuel président du Conseil d'Etat demande un peu de temps pour «récolter suffisamment d'informations concrètes sur la provenance exacte et le nombre précis de bénéficiaires de cet ECS (réd: la Riponne) pour évaluer l'impact de la décision».
Mais cette décision, selon l'élu valaisan, révèle l'importance d'établir un plan concret en Valais:
Mathias Reynard annonce qu'une politique à ce sujet va «être présentée au gouvernement d’ici l’automne 2026». Il convient également que l'installation d'un ECS comme au Vallon ou à la Riponne est «un dossier très sensible mais, une fois encore, cette question n’est absolument pas tranchée à l’heure actuelle».
A Fribourg, la situation est sous contrôle
Dans le canton de Fribourg, qui s'est déjà équipé d'un ECS depuis août 2024 -, le conseiller d'Etat Philippe Demierre assure par écrit que la situation est bien empoignée. Il souligne que «la coopération entre les différents partenaires des domaines sociaux, de santé et justice est structurée et se déroule de manière continue permettant de gérer les changements de situations en lien avec les addictions». Il profite de rappeler que ce modèle constitue «une des pistes évoquées par les autorités lausannoises».
Pour contrer cette vicieuse crise du crack, Philippe Demierre souhaite, à terme, prolonger les heures d’ouverture de l'ECS, lorsque «la situation financière du canton le permettra». Et de préciser: «Il ne faut pas oublier que, contrairement à d’autres ECS, celui de la Ville de Fribourg ne bénéficie que d’un financement cantonal.»
A la question de gérer un flux de personnes toxicodépendantes qui prendraient le chemin du canton de Vaud, l'élu firbourgeois nous expose des chiffres:
Des chiffres qui sont encore en attente de validation, indique le chef de la santé et des affaires sociales, pour dessiner «une idée plus précise de l’impact de la situation vaudoise sur l’ECS de la Fondation Le Tremplin à Fribourg».
Philippe Demierre confirme, contrairement au Valais, que le canton de Fribourg entretient «des contacts réguliers» avec le canton de Vaud, en particulier avec l’Office du médecin cantonal vaudois. «Cela permettra des échanges sur cette thématique du crack, comme sur d’autres thèmes en lien avec les addictions».
Toujours en lien avec de la décision de la Ville de Lausanne de ne réserver ses ECS qu'aux personnes domicilées dans le canton de Vaud, Philippe Demierre concède:
Et de poursuivre: «Bien que nous n’ayons pas été directement associés à son élaboration, il est important de rappeler que, face à l’évolution préoccupante du marché de la cocaïne et du crack à Lausanne, mais aussi en Suisse et en Europe, chaque canton est amené à rechercher des solutions adaptées à sa réalité».
A Neuchâtel, un ECS est discuté
Le canton de Neuchâtel prend également le sujet au sérieux. Florence Nater, conseillère d'Etat en charge du Département de l'économie et de la cohésion sociale (Decs), assimile le travail du canton sur ces dernières années. «Neuchâtel a été très actif dans le domaine des addictions», rappelle-t-elle, pour élaborer une vision commune avec les différents acteurs «dans le cadre de la Stratégie neuchâteloise Addictions».
C'est une stratégie adoptée par le Grand Conseil neuchâtelois en 2024, rapporte Florence Nater.
A la question d'un concordat intercantonal, l'élue neuchâteloise trouve l'idée «intéressante». Elle poursuit: «Nous travaillons de cette manière dans plusieurs domaines au niveau intercantonal au sein de la Conférence des chefs de l’action sociale et de la santé (Class)».
Nous l'interrogeons également sur le paquet de mesures mis en place par la Ville de Lausanne, en réservant ses ECS aux personnes domiciliées dans le canton de Vaud. Elle déclare:
Selon Florence Nater, «il s’agit en particulier de développer une réduction des risques de proximité». Parmi les priorités figurent le développement de la réduction des risques de proximité (notamment pour les jeunes et les personnes âgées), complète la conseillère d'Etat neuchâteloise.
Elle évoque un «travail de prévention» prévu, ainsi qu'un «repérage précoce» chez les jeunes. Et dans ces objectifs, comme Florence Nater le formule: «La thématique des ECS en fait partie et nous y travaillons, mais sans oublier les questions de fond».
Face à la crise du crack, les cantons romands interrogés préparent la suite chacun à leur rythme. La Ville de Lausanne a peut-être activé le chantier d'une politique de réduction des risques en Romandie.
